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© Universal Pictures International France

“Il reste encore demain”, le film fémi­niste qui car­tonne au box-​office italien

Le long-métrage met en scène Delia, mère courage dans la Rome de l’après-guerre, victime du machisme mais déterminée à s’émanciper. Le succès du film, devenu phénomène en à peine deux mois, trouve un écho puissant avec l’actualité italienne. 

La superhéroïne italienne de l’année, c’est elle. Au tapis, Barbie. Balayés, les Marvels. Le film de Paola Cortellesi, Il reste encore demain (C’è ancora domani) dont la sortie est prévue le 13 mars en France est le plus vu et le plus rentable dans la péninsule en 2023. Depuis sa sortie, le 26 octobre dernier, il a attiré plus de 4,5 millions de personnes dans les salles de cinéma. À la veille de Noël, il avait même battu les records d’affluence du carton historique de La vie est belle, de Roberto Benigni, entrant ainsi dans le top 10 du box-office italien de tous les temps.

“Un tour de force qui interroge”

Sur le papier, pourtant, ce n’était pas gagné. Il reste encore demain, tourné en noir et blanc, suit le quotidien éprouvant de Delia, mère de famille dans les quartiers misérables d’une Rome à peine libérée du fascisme. Un quotidien fait de violences conjugales, d’humiliations et de travaux sous-payés. Delia encaisse les coups réels ou symboliques de la société machiste de l’époque, le sourire aux lèvres à peine ses larmes séchées. Le film est pourtant l’histoire d’une émancipation  personnelle et collective. “Qu’un film sur les violences faites aux femmes, réalisé par une femme et qui plus est se déroule il y a presque quatre-vingts ans attire autant les foules, forcément, c’est un tour de force qui interroge”, note Giorgia Serughetti, chercheuse en philosophie politique à l’université de Milano-Bicocca et autrice d’essais sur les questions de genre. 

L’énorme succès du film tient probablement en partie à sa singularité : dans les scènes de représentation de la violence, la comédie n’est, paradoxalement, jamais loin. La personnalité de sa réalisatrice et actrice principale n’y est certainement pas non plus pour rien. Paola Cortellesi, qui s’est fait connaître au début des années 2000 par ses sketchs comiques, est très populaire de l’autre côté des Alpes. Mais sa fable tragi-comique est surtout arrivée au bon moment. “Jamais le thème des violences faites aux femmes n’a été autant mis en lumière que cette année, souligne Giorgia Serughetti. Nous sommes dans une période très particulière en Italie, marquée par le féminicide de Giulia Cecchetin.” L’assassinat de Giulia Cecchetin, 22 ans, par son petit ami, survenu deux semaines après la sortie du film et particulièrement couvert par les médias, a provoqué l’indignation dans tout le pays. La sœur et le père de la victime, bien loin de se replier sur leur douleur, ont tout de suite politisé sa mort et soulevé d’intenses débats. “Sa sœur a notamment remis le mot patriarcat au goût du jour. C’était un mot ringard. Quiconque l’aurait prononcé auparavant aurait été tourné en ridicule”, explique la chercheuse.

Lire aussi I En Italie, le féminicide de Giulia Cecchettin, étudiante de 22 ans, secoue tout le pays

Le film semble raisonner avec une exaspération générale. Le 25 novembre dernier, plus de 500 000 personnes ont manifesté à Rome à l’occasion de la Journée internationale contre les violences faites aux femmes. Parmi elles, une étudiante avait choisi d’écrire une réplique marquante d’Il reste encore demain sur sa banderole, provoquant l’émotion de Paola Cortellesi, elle aussi présente dans le cortège. “La” Cortellesi, l’amuseuse, a changé de stature. En novembre, dans un entretien à l’édition italienne de Vanity Fair, elle appelait  Giorgia Meloni, l’actuelle présidente du Conseil italien, et Elly Schlein, cheffe de file de l’opposition, à collaborer à la mise en œuvre d’une ­politique de prévention contre les féminicides et les violences de genre. Les deux se sont dites ouvertes à une rencontre. “C’est peut-être la capacité du film à lier la vie à la politique, et la politique à la promesse de l’avenir, qui convainc et enthousiasme. Car c’est ce qui nous manque le plus aujourd’hui : le besoin de changement des femmes ne trouve pas de répondant dans l’action politique de ce gouvernement, qui est tout sauf féministe, analyse Giorgia Serughetti. Il reste encore demain, donne de l’espoir : des lendemains, plus beaux, sont possibles. Et ce n’est pas un hasard si c’est une histoire de femmes qui offre une perspective d’avenir. C’est dans les femmes qu’à cette époque, dans ce pays, le dernier espoir est placé plus ou moins consciemment.”

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Il reste encore demain, de Paola Cortellesi. Sortie France le 13 mars.

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