MOM
Photos issues des comptes instagram de @sarahthereseco, @ballerinafarm

Parentalité : der­rière les “mom­fluen­ceuses” nature, un cau­che­mar rétrograde ?

Elles promeuvent une parentalité “nature”, l’éducation alternative, partagent leurs recettes maison et leurs activités avec des milliers, voire des millions d’abonné·es. Mais ces momfluenceuses  ne viennent pas seulement nourrir la culpabilité des mères : bien souvent, elles ouvrent aussi la voie aux idéologies les plus réactionnaires.

Ralentir : tel est le mantra de Joanna Da Silva, la fondatrice du compte Instagram S’éveiller naturellement. Mère de quatre enfants, autrice de plusieurs livres, elle y promeut les bienfaits d’une “éducation naturelle”, au contact de la nature. Balades exploratives, escape game dans les bois, école dehors, vannerie, peinture à la mûre… Sur Insta, elle partage avec ses 163 000 abonné·es ses innombrables idées d’activités nature, parfois ses recettes de cuisine, mais aussi ses conseils pour cultiver la slow life – et, à travers elle, le bonheur de nos enfants. “Donnons-leur à voir du beau”, “Le bonheur est dans la nature”, “Ralentissons pour leur offrir le plus important”, poste-t-elle ici et là, sur fond de doux moments en famille et d’ambiances bucoliques.

“Passer une heure dehors chaque jour est essentiel pour l’enfant autant qu’une bonne nuit de sommeil !” insiste Joanna Da Silva – qui en a fait le thème de l’un des programmes d’activités vendus sur son site. “Je suis OK avec vous, mais comment faire quand on rentre vers 17 h 30, qu’il y a les devoirs, la douche, la préparation du repas et le temps de jeu et de lecture avant de se coucher…”, s’interroge une mère sous son post. C’est vrai ça, comment faire pour emmener ses bambin·es gambader chaque jour au grand air quand on vit en zone urbaine – comme huit Français·es sur dix – et qu’on jongle déjà entre boulot, transports et intendance familiale ? “J’en ai fait ma priorité”, rétorque simplement Joanna Da Silva. Professeure des écoles, elle a quitté les salles de classe, il y a quelques mois, pour pratiquer l’instruction en famille (IEF). Décision qu’elle a partagée sur Instagram dans un post intitulé : “Comment j’ai changé de vie… et comment toi aussi tu peux le faire !” Pourquoi ne pas faire comme elle, alors ? Si tant est, bien sûr, qu’on soit prête à se donner les moyens pour offrir le meilleur à notre enfant.

“Wonder moms” et mauvaises mères

Quelques clics plus tard, on atterrit sur S’éveiller simplement, compte Instagram créé par France Rigal. Mère de trois enfants, elle se présente comme thérapeuthe, femme “multicasquette” et propose à ses 221 000 abonné·es des contenus axés sur les activités pour enfants, la nature, l’instruction hors école, le sport ou l’alimentation saine et végétale. De posts en stories, elle donne à voir son quotidien bien rempli : quand elle n’est pas debout à l’aube pour une séance de sport, elle concocte d’alléchantes recettes, conçoit de magnifiques activités créatives pour ses enfants, à qui elle fait l’instruction à la maison. Des enfants au sourire radieux, qui lisent ou réalisent leurs propres semis-potagers à 3 ans et que l’on voit tour à tour cuisiner, jouer d’un instrument, bricoler ou crapahuter en forêt. De quoi forcer l’admiration.

Sous une vidéo montrant une journée type d’instruction en famille chez France Rigal, une abonnée applaudit. Et demande : “Est-ce que tu arrives un peu à te reposer quand même des fois ?” “Ça dépend ce qu’on entend par ‘me poser’. Si c’est m’asseoir dans le canapé, non, ça ne m’intéresse pas. Si c’est prendre du temps pour moi oui tous les jours. Sport matin et soir, sophro le midi, boulot et lecture en me couchant”, répond l’intéressée. Qui a mis sur pied – et sur abonnement – un programme “pour s’apaiser et s’émerveiller en famille”. Quel parent n’en rêve pas, franchement ?

Reste à savoir comment ce rêve instagrammable influe sur la réalité des mères – car ce sont elles qui, dans une écrasante majorité, suivent ces comptes consacrés à la parentalité. Et ça ne leur fait pas vraiment du bien, si l’on en croit un récent sondage mené auprès de deux mille femmes états-uniennes, par l’institut One Poll pour Intimina. D’où il ressort que celles qui scrollent régulièrement sur les réseaux sociaux (soit 65 %) sont quatre fois plus susceptibles que les autres de se sentir “mauvaise mère”. Celles qui suivent les comptes de momfluenceuses disent se sentir moins sûres d’elles après avoir regardé leurs contenus. D’ailleurs, elles se sentent obligées d’en faire “plus”, qu’il s’agisse de faire du sport (46 %), de cuisiner (44 %) avec du bio (37 %), ou de se réveiller tôt (43 %). Et plus de quatre sur dix ont aussi le sentiment de devoir être “maîtresse” des tâches ménagères. Une pression toujours plus forte sur des femmes qui n’en manquent déjà pas : en France, rappelle l’Insee, elles assument déjà les trois quarts du travail domestique et les deux tiers des tâches parentales.

“Quand je suis devenue mère pour la première fois, en 2015, je n’avais pas trop de référentiels autour de moi et je me suis pas mal tournée vers les réseaux sociaux. En fait, je me suis retrouvée avec plus de culpabilité que je n’en avais déjà. Les premières années de ma maternité ont été influencées de façon très négative par ces contenus. J’avais l’impression que la solution était là, dans cette façon de faire et, en même temps, moi qui ai été élevée dans une culture assez féministe, je me sentais en dissonance”, confie Justine Leclercq qui a, depuis, pris ses distances avec la parentalité 2.0 et a même lancé, à l’automne 2023, le podcast Mom sous influence. “Ces influenceuses ont une très grande vitrine et ça prend une place de plus en plus importante dans nos vies. On leur accorde beaucoup de crédit. Pourtant, quand on gratte le vernis brillant d’Instagram, on trouve beaucoup de contradictions. Et l’on en voit aussi de plus en plus qui véhiculent, de façon très insidieuse, des discours dangereux”, prévient Justine Leclercq, qui décrypte les discours des “momfluenceuses” les plus connues.

Le spectre de la “tradwife”

Prenez Hannah Neeleman, alias Ballerina Farm, qui cumule 15,5 millions d’abonné·es sur Insta et TikTok. Chaque jour, elle donne à voir sa vie dans son ranch de l’Utah (États-Unis) où elle fait de l’élevage avec son mari et où, il y a quelques mois, elle a donné naissance à leur huitième enfant. Blonde, svelte – elle a été sacrée Mrs American 2 023 –, vêtue de douces couleurs pastels, cette mormone de 33 ans se montre tantôt en train de cuisiner des crackers pour le goûter, nourrisson en écharpe, tantôt en train de traire une vache avec l’une de ses filles. Quand elle n’est pas en train de composer un bouquet de fleurs fraîches, de mitonner le plat préféré de son mari avec les produits de la ferme ou de préparer d’appétissantes gaufres avec ses enfants – qui font, eux aussi, l’école à la maison. Toujours avec le sourire. Car même avec huit enfants à élever, à instruire et une ferme à faire tourner, le quotidien de Ballerina Farm ne semble qu’harmonie et bonheur domestique.

“On est dans la romantisation à l’excès de la maternité. Ce qu’elle nous dit, finalement, c’est : ‘Avoir huit enfants, c’est facile ! Tenir une ferme, c’est facile ! Regardez comme on est heureux, parce qu’on vit à la campagne, qu’on a une vie simple, que je suis une mère parfaite…’ C’est vraiment pernicieux. Déjà, ça renvoie un message très culpabilisant à son audience. Et en plus, elle cache volontairement une partie de la réalité”, pointe Justine Leclercq, qui lui a consacré un épisode. Or la réalité, c’est que le mari d’Hannah Neeleman est héritier d’une fortune de plusieurs centaines de millions de dollars, qu’elle est elle-même à la tête de la marque Ballerina Farm et qu’elle a reconnu employer des travailleurs agricoles, un assistant personnel, une baby-sitter et un enseignant à domicile. Loin de la “simple life” qu’elle affiche à longueur de posts.

Pain au levain et ferment réac

Toujours est-il que Ballerina Farm et sa glorification de la maternité nature – et intensive – s’inscrivent dans une tendance de plus en plus présente sur les réseaux sociaux : celle du cottagecore. Soit un mouvement qui valorise la vie à la campagne, le do-it-yourself, la simplicité, avec une esthétique à la Petite maison dans la prairie. Et que l’on retrouve peu à peu en France. Comme sur le compte Foyez heureuses, sur lequel Manon, ancienne infirmière et mère de deux jeunes (bientôt trois) enfants, partage des contenus sur sa vie à la campagne, sur la cuisine traditionnelle, sur l’instruction en famille et sur “l’art de s’épanouir au foyer”. Et pourquoi pas, après tout.

Jeux au grand air, ramassage des œufs, pain au levain et mozza maison : dans ses posts, Foyez heureuses montre à ses 18 000 abonné·es combien elle est heureuse d’offrir à ses enfants une vie simple et saine, qui repose sur la liberté et la nature, loin d’un système néfaste. Le truc, c’est qu’entre une recette de sablés et un code promo pour des produits de beauté ancestraux, on y trouve aussi bon nombre de propos franchement réactionnaires. Ici, une story qui dénonce les nouveaux émojis “famille” non genrés d’Apple. “Et dire que la majorité des gens ne voient toujours pas où on veut nous mener sous couvert de bonnes intentions”, se désespère Manon. Ailleurs, un post qui rappelle les bienfaits du maternage proximal pour “la santé mentale et physique” des enfants et des mères, dans lequel elle explique “honorer [sa] féminité” en restant à la maison, plutôt que d’“aller contre certaines de [ses] prédispositions biologiques” en travaillant à l’extérieur. D’ailleurs, demande-t-elle plus loin, “depuis quand est-ce une honte de servir sa famille… plutôt que son patron ?”.

“On a de plus en plus de comptes d’influenceurs, généralement dans les pays anglo-saxons, mais maintenant en France aussi, où la parentalité naturelle, les conseils en diététique et les pains au levain vont de pair avec des discours réactionnaires et conspirationnistes – qui s’alimentent. On y retrouve tout un discours sur la nourriture traditionnelle, qui représente la pureté face aux aliments transformés, symbole d’un système malade. En fait, c’est un retour à un passé idéalisé où les hommes étaient des hommes, les femmes étaient des femmes, où tout le monde était en bonne santé et où il y avait cette ruralité heureuse. C’est un mythe, mais tout ça se mélange dans un même propos”, analyse Cécile Simmons, chercheuse à l’Institute for Strategic Dialogue (ISD), à Londres, qui travaille sur l’extrémisme et la désinformation en ligne. Pas étonnant donc qu’on ait récemment vu l’influenceuse d’extrême droite Thaïs d’Escufon vanter les mérites des femmes traditionnelles en prenant pour exemple… Ballerina Farm. Mais elle aurait tout aussi bien pu prendre pour exemple Jasmine Dinis, influenceuse branchée “vie naturelle” et “maternité positive” qui, avec son look hippie-chic, ne cesse de vanter à ses 178 00 abonné·es les bénéfices de la féminité “traditionnelle”.

Coolitude en vitrine, ultraconservatisme en boutique 

“On parle beaucoup, en ce moment, de la mouvance tradwife, où les femmes promeuvent la domesticité, la parentalité et les rôles de genre traditionnels comme une forme d’esthétique sur les réseaux sociaux. Mais il y a une intersection plus large entre des communautés liées à la parentalité naturelle, au bien-être et à la santé alternative, au yoga – qu’on pourrait s’imaginer progressistes et un peu hippies – qui, de plus en plus, recoupent une radicalisation et un conspirationnisme de droite. C’est quelque chose qu’on a vu apparaître pendant la pandémie et qui s’est installé dans la durée. C’est maintenant une sphère très emmêlée avec, à l’intérieur, différentes sous-tendances”, poursuit Cécile Simmons. Loin du style tablier et robe de bure, certaines de ces “momfluences” ont, au contraire, tout de la mère urbaine branchée – et ouverte d’esprit, en déduit-on à tort. Comme Sarah Therese, sympathique canadienne de 29 ans à l’air mutin, qui a fédéré une communauté (262 000 abonné·es sur Insta) en parlant d’abord beauté, puis rangement, cuisine et, bien sûr, maternité – elle a aujourd’hui cinq enfants.

“J’ai commencé à la suivre parce que j’aimais bien sa déco, ses recettes, et puis je la trouvais solaire, rigolote… On s’attache d’autant plus à elle qu’elle joue, comme beaucoup, sur le côté ‘copine’. Mais si on fait attention à ce qu’elle dit, on constate que, petit à petit, elle met dans la tête de son audience que, si tu veux être une super maman épanouie, tu as intérêt à faire comme elle : rester à la maison, faire l’école à la maison, tout cuisiner toi-même… C’est ça qui est sournois. Sans même parler de ses vidéos ultra problématiques”, retrace Justine Leclercq. C’est en allant explorer les autres médias sociaux de Sarah Therese (notamment sa chaîne YouTube) qu’elle a découvert l’autre facette de cette momfluenceuse. Et qu’elle est tombée de haut. Car en plus d’avoir un discours rétrograde et sexiste sur le rôle des femmes envers leur époux, Sarah Therese est aussi une fervente opposante à l’avortement.

On pense aussi à Bethany Hamilton, cette surfeuse américaine qui partage sa vie de famille sur Insta – elle a quatre enfants et 2,4 millions d’abonné·es au compteur. Si elle parle volontiers de sa foi chrétienne, elle est aussi un symbole d’émancipation féminine : après avoir perdu un bras lors d’une session de surf, elle a repris sa carrière et encourage les filles à prendre la planche. Mais dans l’arrière-boutique, elle s’oppose à l’avortement et s’est personnellement mobilisée contre les droits des athlètes transgenres. Il y a aussi Ellen Fisher (un demi-million d’abonné·es sur Insta et plus de 700 000 sur YouTube) qui promeut, elle aussi, une maternité “nature”, entre véganisme, vie au grand air et – comme souvent – instruction en famille. Sauf qu’elle est ouvertement antiavortement, antivax et que son mari est un supporter de Trump.

De l’éducation positive à Éric Zemmour

En France, on pourrait citer Famille épanouie, créée en 2015 par Amélie Cosneau et son mari Fabien Blot pour aider les parents à améliorer leurs relations familiales. Sur leur chaîne YouTube (près de 100 000 abonné·es) et leur compte Insta (depuis devenu celui d’Amélie Cosneau), on trouve aussi bien des contenus sur leur vie de famille ou leur choix de s’expatrier à l’île Maurice que des conseils en parentalité. Après s’être positionnés sur le segment de l’éducation positive et avoir longtemps promu l’instruction en famille, les deux “infopreneurs” – selon leurs termes – proposent aujourd’hui conseils et formations pour développer son “mindset” (état d’esprit) d’entrepreneur (côté Fabien Blot) ou mieux vivre son quotidien de parent (côté Amélie Cosneau). À l’instar de ce programme qui promet d’apprendre à devenir “efficace et productive” dans la gestion du quotidien. Ou cet autre, qui invite les mères à déléguer leur charge mentale à l’intelligence artificielle. Car oui, chez Famille épanouie, la maison et les enfants, c’est évidemment l’affaire des femmes.

“Les mamans, elles ont cette prédominance sur tout ce qui va se passer à l’intérieur, en fait c’est naturel”, expliquait ainsi Amélie Cosneau à ses abonnées, à l’automne 2023, en convoquant la préhistoire. “Je pense qu’un père et une mère, ils ont leur rôle prédéfini”, en remet-elle une couche, quelque jours plus tard. Mais c’est à travers les contenus de Fabien Blot qu’on prend la mesure de ce fameux “mindset” qui est le leur. Avec un autre entrepreneur expatrié, il a créé le podcast Darons du biz, dont l’un des épisodes récents pose la question : “Business, féminisme, wokisme : quelle est la vraie place des femmes au 21e siècle ?”. Pour Fabien Blot, c’est très clair : “Il est évident, mais évident naturellement qu’une femme veut des enfants. […] Un homme peut encore trouver son compte [en travaillant à l’extérieur]. Mais par contre pour une femme, on est proche pour moi de l’impossible [dès lors qu’elle a des enfants, ndlr].

“Ce n’est pas en étant l’égale de l’homme qu’on va pouvoir être dans notre plein pouvoir. C’est en étant pleinement dans nos zones de génie à nous les femmes”, abonde son invitée dans une tirade antiféministe, suscitant l’acquiescement convaincu d’Amélie Cosneau. Après avoir disserté sur la situation “antinaturelle” des childfree, tout ce petit monde en vient alors à parler des personnes transgenres. “Ça, ça me fait peur. […] Tous ceux qui veulent changer de sexe, qui prennent de plus en plus d’importance parce qu’on leur donne des places – Miss Monde c’est un homme, bon…”, s’alarme Amélie Cosneau, qui s’inquiète de l’influence des mouvements LBGT pour ses enfants. Et ce n’est rien à côté de ce qu’on peut lire ou entendre chez son mari.

S’il ne s’est jamais caché de ses positions antivax ou de sa détestation du système scolaire français – il y a “tellement de profs de merde”, juge-t-il – Fabien Blot conchie aussi les gros·ses, les “wokes”, les “gauchistes”, les “cassos”, “les encapuchonné·es” et leurs “sales gosses” qui “grangrènent” la France. En février, pour appâter les chaland·es, il partageait un extrait de son podcast Darons du biz, où son compère s’en prend aux drag queens : “Mon fils de six ans, il portera jamais, dans un cours financé par la CAF, des talons en se mettant du rouge à lèvres pour se poser la question sur son genre !” Et quand des internautes demandent à Fabien ses hommes politiques favoris, c’est éric Zemmour qu’il cite dans son top 3. Voilà qui dénote avec les contenus sur l’éducation positive qui ont fait la notoriété de Famille épanouie. Et pourtant. “Si on a autant d’abonnés, c’est le [fruit du] travail d’Amélie évidemment, parce que [son compte] c’est la vitrine, mais tout le charbonnage qu’il y a […] c’est ma patte qu’il y a derrière”, expliquait récemment Fabien Blot.

Dans la spirale du “terrier de lapin”

À force, on finit par se poser la question : mettre un pied dans le bain de la parentalité alternative 2.0, est-ce prendre le risque de finir aspergé·e par les idéologies les plus radicales ? “Il y a un spectre. Par exemple, dans la mouvance tradwife – et quoiqu’on pense de cette dernière –, il y a beaucoup de contenus assez innocents. Mais il existe aussi des contenus beaucoup plus politisés dans la sphère de la parentalité. Comme le mouvement Mom for Liberty, un groupe d’extrême droite de mères qui a émergé aux États-Unis pendant la pandémie. Aujourd’hui, c’est devenu un mouvement anti-trans, anti-éducation de genre, très organisé, qui mène des opérations d’intimidations dans les écoles”, détaille la chercheuse Cécile Simmons. Le risque étant, selon elle, qu’en s’abonnant à des comptes a priori anodins, on finisse, par le jeu des algorithmes, à se retrouver dans les mailles d’influenceurs·euses bien plus tendancieux·euses. Comme l’a montré l’étude qu’elle a publiée en janvier 2024 pour la Fondation des femmes sur l’influence des mouvements antiavortement sur les réseaux sociaux. Dans le cadre de cette enquête, elle a créé un compte Instagram censé appartenir à une jeune femme manifestant un intérêt pour les contenus sur l’avortement. Sur la plateforme, neuf des dix comptes qui lui ont été les plus souvent recommandés par les reels étaient consacrés à la maternité : parmi eux, huit étaient affiliés à la mouvance tradwife.

C’est ce qu’on appelle l’effet “terrier de lapin”. “C’est-à-dire que, dès que vous commencez à interagir avec certains contenus, ça vous entraîne dans une spirale un peu plus radicale. Et c’est le danger que je vois avec les comptes ‘parentalité naturelle’, Montessori, etc. Beaucoup de choses là-dedans sont assez innocentes, mais peuvent entraîner vers des contenus plus dangereux, avec des effets de désinformation (notamment en santé), de rupture et de perturbation du discours politique”, alerte Cécile Simmons. Qui rappelle, au passage, que ces communautés parentales 2.0 viennent isoler les parents qui viennent y chercher… une communauté, justement.

“En tant que parent, lorsqu’on est seul, on peut passer beaucoup de temps sur les réseaux sociaux à suivre ces influenceurs, qui offrent en réalité de fausses communautés. Ils ont des discours qui sont très individualistes, très axés sur l’amélioration de son foyer, sur l’optimisation individuelle, par opposition à la solidarité collective. Je pense que la meilleure chose qu’on puisse faire pour soi, c’est de sortir de ça et remplacer ces fausses communautés en ligne par des vraies communautés, avec les parents qui nous entourent au quotidien”, résume Cécile Simmons. Des parents aussi imparfaits que nous, mais bien plus authentiques, finalement, que la plus nature des momfluenceuses.

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