Papillomavirus : l’espoir de l’autotest

Le prélèvement vaginal à réaliser soi-même à l’aide d’un coton-tige s’avérerait aussi efficace qu’un frottis pour détecter la présence de cette IST. Une piste pour atteindre les 40 % de femmes qui échappent actuellement au dépistage.

causette autotest 1
© Marie Boiseau pour Causette

C’est un outil tout simple qui pourrait changer la donne dans le domaine du dépistage du cancer du col de l’utérus en France. Plusieurs régions pilotes expérimentent depuis quelques années l’autoprélèvement vaginal, effectué par la patiente à la maison, comme une alternative au frottis ­cervico-utérin pour détecter une éventuelle infection au HPV. Le HPV, dit « infection à papillomavirus humains », est cette infection sexuellement transmissible (IST) qui, quand elle est persistante, peut évoluer en cancer. Actuellement, le dépistage, qui concerne les femmes de 25 à 65 ans, se pratique chez un·e professionnel·le de santé avec un prélèvement au niveau du col après une pose de spéculum – ce qu’on appelle communément un frottis. Avant 30 ans, il doit être réalisé tous les trois ans pour analyser les cellules prélevées et vérifier qu’elles ne sont pas anormales. Après 30 ans, on pratique le même prélèvement, mais on ne recherche plus la même chose en laboratoire. La première intention est de vérifier si ce prélèvement révèle une infection au HPV, car les HPV dits « à haut risque » sont responsables de la quasi-totalité des cancers du col de l’utérus. Si le résultat est positif, on analyse les cellules recueillies pour voir s’il existe des lésions précancéreuses au niveau du col. Si le test HPV est négatif, on est tranquille pendant cinq ans jusqu’au prochain dépistage, selon les dernières recommandations de la Haute Autorité de santé, actualisées en 2019.

Malgré ces nouvelles recommandations, les politiques de santé en la matière ont montré leurs limites. De nombreuses femmes renoncent à se faire dépister pour diverses raisons : peur de l’examen et des violences gynécologiques, traumas, problèmes d’accès aux soins dus au manque de médecins dans leur région, de délais trop longs ou de difficultés socioéconomiques. Ainsi, selon les données de Santé publique France, environ 40 % des femmes échappent à la détection du cancer du col de l’utérus. « Ce dépistage a permis une diminution du nombre de cancers, mais aujourd’hui, on stagne à un taux de couverture de 60 %, avec des disparités géographiques. Et la situation risque de s’aggraver avec la pandémie de Covid-19 », alerte Caroline Lefeuvre, biologiste médicale au laboratoire de virologie du CHU d’Angers.

Une méthode moins invasive…

Or, plusieurs études menées sur notre territoire ont démontré qu’un autoprélèvement vaginal est tout aussi fiable que le geste effectué par un·e professionnel·le de santé pour détecter la présence du virus HPV à haut risque. Une information qui peut sembler révolutionnaire à toutes les personnes qui vont faire leur frottis à reculons, car le principe est beaucoup moins contraignant et invasif. Comme pour le dépistage de la chlamydia, il consiste à s’introduire soi-même un coton-tige dans le vagin sur quelques centimètres, à le tourner à l’intérieur puis à le renvoyer en laboratoire pour analyse. En cas de test positif, il faut toutefois réaliser un frottis pour vérifier si l’infection a causé des lésions.

Cette nouvelle proposition d’exploration n’est pas encore accessible, même si elle a été testée notamment dans les Bouches-du-Rhône et en Indre-et-Loire, et elle ne s’adressera pas à toute la population. Pour le moment, l’objectif est de la proposer en alternative au frottis aux femmes dès 30 ans qui ne se font pas dépister ou qui sont éloignées du système de santé. En Indre-et-Loire, le centre de dépistage des cancers a mené plusieurs projets en ce sens depuis 2010, baptisés Apache. Les femmes concernées sont identifiées grâce aux données de remboursement de l’assurance-maladie, qui permettent de repérer les patientes qui n’ont pas réalisé de frottis. Dans le cadre du programme de dépistage organisé, elles reçoivent un courrier d’invitation à consulter. Sans dépistage connu sous douze mois, un courrier de relance leur est adressé. « L’une de nos études a comparé deux stratégies. Un groupe a reçu un courrier de relance pour inciter à se faire dépister. Un autre groupe a reçu une relance accompagnée d’un kit d’autoprélèvement vaginal à faire chez soi », détaille Julie Boyard, ingénieure de recherche au Centre régional de coordination des dépistages des cancers Centre-Val de Loire. « Neuf mois plus tard, on a constaté 11,7 % de participation dans le groupe de la relance classique et 22,5 % dans le groupe de l’autoprélèvement. Dans cette étude, la plupart des femmes testées positives au HPV ont réalisé le frottis de contrôle recommandé. Envoyer un kit au domicile est donc une méthode efficace pour atteindre les femmes non dépistées. »

… Mais encore imparfaite

On sait donc que cette technique est fiable, facile à réaliser et plutôt bien accueillie par les femmes. Elle présente toutefois quelques failles, comme la perte des kits non utilisés et les difficultés à atteindre les personnes les plus isolées. Car comment faire parvenir ce kit à celles qui n’ont pas d’adresse fixe, qui ne sont pas enregistrées auprès de l’assurance-maladie ou qui ne lisent pas le français ? « Le dépistage organisé a ses limites, car on envoie le même courrier à tout le monde. Ce n’est pas un outil parfait, mais il permet de toucher de nombreuses femmes », admet Julie Boyard. Une étude coordonnée par l’association Médecins du monde portant sur des femmes migrantes en situation de précarité a d’ailleurs montré que la majorité de celles testées positives au HPV ne revenait pas pour autant dans le circuit du suivi médical pour réaliser un frottis de contrôle.

Je suis très favorable à ce qu’on puisse aller le faire en labo, sous réserve qu’il y ait une continuité de la filière de soins derrière.

Julie Bottero, médecin infectiologue

D’autres projets explorent la possibilité de récupérer un kit d’autoprélèvement chez son ou sa médecin traitant·e ou de le faire directement en laboratoire. Si l’autoprélèvement vaginal ne peut se substituer à une consultation chez un·e médecin, un·e gynéco ou un·e sage-femme, il pourrait cependant permettre d’augmenter la couverture du dépistage. On pourrait même imaginer qu’il soit proposé à toutes les femmes après 30 ans pour rechercher le HPV, y compris à celles qui se font déjà dépister. « C’est un outil autonomisant. Je suis très favorable à ce qu’on puisse aller le faire en labo, sous réserve qu’il y ait une continuité de la filière de soins derrière. Mais pour le moment, il a été pensé comme un outil de rattrapage », explique Julie Bottero, médecin infectiologue et spécialiste de santé publique, qui a travaillé sur le sujet. Autrement dit, on en est qu’au tout début du processus, qui nécessite également de former les soignant·es. Mais la recherche avance. Une équipe de médecins travaille même sur un autoprélèvement urinaire, qui pourrait s’avérer tout aussi fiable qu’un prélèvement vaginal.

Partager
Articles liés

Inverted wid­get

Turn on the "Inverted back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.

Accent wid­get

Turn on the "Accent back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.