Maïwen Janovet, fon­da­trice de l’association Obèses Anonymes : « Ne pas se divi­ser là où l'union est essentielle »

3 ques­tions à Maïwen Javonet, patiente-​experte der­rière l’association Obèses Anonymes et la start-​up Fedmind, qui déplore une forme de pure­té mili­tante divi­sant la lutte contre la grossophobie.

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© Alexandre Tillier

La jour­née mon­diale de l'obésité, le 4 mars est l'occasion de don­ner la parole à Maïwen Javonet qui suit depuis dix ans les per­sonnes obèses, à tra­vers l'association Obèses Anonymes et l'application d'accompagnement thé­ra­peu­tique Fedmind qu'elle a créées. Elle pointe du doigt les écueils que peut cau­ser l'idéal militant. 

Causette : Vous consta­tez dans un com­mu­ni­qué de presse qu'« en plus des nom­breuses moque­ries et dis­cri­mi­na­tions de la part des per­sonnes "nor­males", les obèses subissent désor­mais les injonc­tions des mili­tants anti-​grossophobie les plus puristes et radi­caux ». Qu’est-ce qui vous a ame­née à prendre la parole sur le sujet des divi­sions internes ?
Maïwen Janovet : Nous trou­vions inté­res­sant d’effectuer un exer­cice de recul cri­tique quant à notre cause, de regar­der en face ce qui pou­vait être défaillant ou du moins por­ter pré­ju­dice au mou­ve­ment. Ce qu’on a vou­lu dénon­cer, ce sont des com­por­te­ments que j’observe depuis que je fais de l’accompagnement, soit depuis une décen­nie, avec une aug­men­ta­tion accrue ces der­nières années. Certains patients se sentent oppres­sés par une frange extrême du mou­ve­ment selon qui la volon­té de perdre du poids est une forme de gros­so­pho­bie envers soi-​même ou d’abdication devant le cadre patriar­cal. Taper sur des per­sonnes qui subissent déjà des dis­cri­mi­na­tions, créer du rejet dans son propre clan au lieu de se concen­trer sur l’ennemi com­mun, l’industrie agro-​alimentaire et les publi­ci­taires, ça nous dérange. 

Quelles consé­quences de ce cli­vage observez-​vous sur celles et ceux que vous accom­pa­gnez ? 
M.J. : Ne pas être fier d’une éven­tuelle perte de poids est deve­nu une réa­li­té pour beau­coup, à tort ou à rai­son. En tant que struc­ture asso­cia­tive, nous sommes les pre­miers à ne plus publier de pho­to­mon­tages « avant-​après », car nous savons à quel point cela peut s’avérer délé­tère. Mais il faut pou­voir res­pec­ter le choix d’une per­sonne, autant celui de ne pas perdre du poids que d’en perdre. Aujourd’hui, cer­tains s’empêchent de mon­trer leur trans­for­ma­tion phy­sique, non pas après avoir enta­mé une réflexion sur le fait que cela pour­rait être per­çu comme bles­sant mais pour des mau­vaises rai­sons, par peur de se faire tom­ber des­sus. Et c’est dou­ble­ment dom­mage : cela crée une forme de cen­sure qui empêche une dis­cus­sion pri­mor­diale autour du fait que la perte de poids n’est pas for­cé­ment l’élément cen­tral de l’obésité. 
Les idéaux [d'acceptation de soi, ndlr] sont un moteur essen­tiel mais ne collent pas tou­jours avec la réa­li­té concrète de ces per­sonnes, sur­tout qu’on observe une pré­pon­dé­rance d’obèses dans les classes les plus pré­caires. Si pour eux, la prio­ri­té au quo­ti­dien, c’est d’arriver à s’en sor­tir finan­ciè­re­ment, la pure­té mili­tante fait figure de luxe. Pour autant, et je tiens à le pré­ci­ser, les patients que l'on accom­pagne sont sen­sibles au tra­vail ô com­bien néces­saire de ces mili­tants anti-grossophobie.

Quel est le mes­sage que vous vou­driez por­ter en cette jour­née mon­diale de l’obésité ?
M.J. : Le cœur de notre com­bat se situe vrai­ment au niveau de la recon­nais­sance de l’obésité comme mala­die par le sys­tème de san­té fran­çais, comme l’a fait l’OMS en 1992, afin que l’on puisse enfin accom­pa­gner décem­ment les per­sonnes qui en souffrent. Et, encore une fois, nous fai­sons le vœu de l’unité au sein de la lutte. Il ne faut pas nous divi­ser là où l’on a besoin d’union et de toutes les forces en présence.

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