aa10gs59 1
Neil Patrick Harris dans Uncoupled (©Netflix)

« J'ai décou­vert la per­sonne que je suis vrai­ment » : comme dans "Uncoupled", ils et elles sont devenu·es céli­ba­taires après une longue relation

Quelques semaines après la diffusion d'Uncoupled sur Netflix, Causette donne la parole à des personnes qui se sont retrouvées, comme le personnage principal de la série, célibataires après une longue relation.

Toute la journée, Michael a tenu bon. Cet avocat new-yorkais a réussi à garder secrète la soirée qu'il organisait pour les 50 ans de Colin, son compagnon depuis dix-sept ans. Mais juste avant cette fête somptueuse, tout part à vau-l'eau. Michael apprend que Colin le quitte. Alors qu'il l'interroge sur des affaires qui auraient disparu de leur appartement, celui qui s'apprête à souffler ses 50 bougies le coupe net : « Michael, nous n'avons pas été cambriolés. J'ai pris mes vêtements et quelques objets, et je suis parti. » Le monde de ce personnage fictif, interprété par l'excellent Neil Patrick Harris dans la nouvelle série Netflix Uncoupled, s'effondre. À 40 ans, il se retrouve seul, avec une myriade de doutes et d'interrogations. Comment se reconstruit-on après autant d'années de vie à deux ? Qui est-on réellement sans l'être aimé ? Faut-il à tout prix essayer de retrouver quelqu'un·e avec qui se remettre ?

Le synopsis de Uncoupled résonne particulièrement avec l'histoire de Clarisse (le prénom a été changé). Le jour de ses 30 ans, son ex-compagnon, avec qui elle partageait sa vie depuis douze ans, la quitte. « Je crois que je ne t’aime plus », lui a-t-il lancé, au réveil. « Sur le moment j’ai cru que c’était une blague, car il avait beaucoup d’humour. Mais en fait non, au cours de la journée, il a confirmé que ça n’allait pas », se souvient cette attachée de presse, aujourd’hui âgée de 42 ans. À la surprise se mêle très vite un sentiment de colère chez Clarisse : « Il s’agissait du seul homme que j’avais connu. Nous avions une relation très fusionnelle. Dans ma tête, il n’était pas normal que notre fille de deux ans grandisse avec des parents séparés. Nous avions coché toutes les cases de la famille parfaite. Je ne me voyais pas devoir élever une enfant seule. »

Un temps pour soi

La trentenaire d'alors se tourne vers sa famille et ses copines, un peu « affolées » par la situation. « À 30 ans, peu de personnes de notre entourage s’étaient séparées, donc mes amies étaient très présentes. Si j’avais envie de boire un verre, il y avait toujours quelqu’un pour sortir avec moi », rigole-t-elle. Mais une rupture, aussi douloureuse soit elle, représente aussi un moment propice d’introspection et de remise en question salutaire. Clarisse explique s’être prouvée qu’elle pouvait finalement s’occuper seule de sa fille, tout en menant de front sa carrière professionnelle et en prenant en charge des activités dont elle ne s’était jamais occupée : faire la vidange de sa voiture, tondre la pelouse de son jardin, conduire sur de grandes distances lors des vacances, faire du camping seulement avec son enfant… « Très vite, on se rend compte que l’on a toutes les ressources à l’intérieur de nous. Je pense que si j’étais toujours avec mon ex-compagnon, je ne serais pas la même personne aujourd’hui. J'ai eu la chance de pouvoir recommencer ma vie, de remettre en question le schéma qu'on m'avait inculqué et d'en ressortir grandie. »

À lire aussi I Claire Marin : « On ne nous accorde plus le temps de la tristesse »

Lucas (le prénom a été changé) a quant à lui quitté son ex-femme en 2014, au début d’une crise de la quarantaine. Une crise provoquée par un événement douloureux : son ancienne compagne et son deuxième enfant ont failli mourir lors de l’accouchement, en 2012. « J’ai ressenti une espèce d’urgence de vivre, qui m’a complètement bouleversé. J’étais un mari extrêmement dévoué, très droit. Mais de manière à la fois égoïste et finalement assez saine, car je m’étais oublié dans cette relation, je devais opérer une véritable révolution. Pour aller au bout, il fallait que je quitte mon épouse. Notre couple allait mal », se rappelle ce journaliste, aujourd’hui âgé de 46 ans. Une séparation difficile, qui, même s’il en était à l’origine, ne l’empêche pas de ressentir une certaine solitude. Lucas décide d’embrasser cette dernière, afin de se retrouver avec lui-même, comme Clarisse. Il refuse de sortir pour sortir. Et s’il passe par des moments compliqués, comme une soirée à Noël sans ses enfants, au cinéma, – « la lose absolue », sourit le quadragénaire –, il considère qu’il s’agit presque d’« un mal nécessaire ». Le journaliste renoue avec des passions oubliées, de la photographie au mixage. « Pour plaire à mon ancienne compagne, j’avais mis beaucoup de choses de côté. Mon individualité s’était diluée dans la sienne. Je ne suis plus le même aujourd’hui, j’ai réussi à reprendre le cours de ma vie », affirme-t-il.

Se remettre en selle

Après s'être retrouvé, Lucas s'est senti prêt à se lancer dans une nouvelle relation. Pas une mince affaire, après autant d'années en couple, de se souvenir comment faire. Le quadragénaire s'essaie alors aux applications de rencontre. Grâce à Tinder, il rencontre une femme dont il sera grandement amoureux et avec qui il aura un enfant – son troisième, en comptant ceux de son premier mariage – mais qu'il quittera au bout de cinq ans. « Je me rends compte que je ne veux plus entendre parler de relation durable. Je souhaite simplement voir des personnes de temps en temps », constate le quadragénaire.

« Se réapprêter quand on a passé six mois au fond du trou, c'est difficile. »

Chloé, qui s'est séparée en 2021 de son conjoint de 25 ans et a officiellement divorcé en juin dernier, a eu besoin de se remettre rapidement « sur le marché », souhaitant renouer avec une vie sexuelle « active ». Cette pharmacienne âgée de 43 ans est, elle aussi, tentée par les applications de rencontre. Elle y trouve, malheureusement, beaucoup d'hommes mariés. « Ils m'assuraient croire au polyamour, mais je ne suis pas sûre que leur compagne soit au courant », explique-t-elle en rigolant. Très vite, au gré de plusieurs rencontres, des doutes apparaissent. « Je ne savais pas de quoi parler, jusqu'où je voulais aller, quoi dire sans trop me dévoiler », se souvient-elle. Mais le plus dur est de se confronter à son miroir : « Se réapprêter quand on a passé six mois au fond du trou, c'est difficile. Après une rupture, notre égo n’est pas super gonflé, on ne se trouve pas de valeur, on perd toute estime de soi. »

Mais ce moment déplaisant laisse aussi place à une redécouverte de son corps et de ses envies. On souhaite se faire plaisir à soi avant tout. Chloé laisse tomber les boucles d'oreilles petites et discrètes qu'affectionnait son ex-mari pour des bijoux beaucoup plus gros, clinquants et colorés. Les vêtements sont, eux aussi, moins sobres. La quadragénaire se rend également compte, avec surprise mais non sans plaisir, que les hommes plus jeunes qu'elle rencontre n'ont pas les mêmes codes que les plus âgés : « J'ai senti que #MeToo était passé par là. Les garçons sont plus prudents dans leur approche, le préservatif n'est même plus une question, la contraception est un sujet facilement abordé... On a plus le choix de s'affirmer dans sa sexualité. »

Diktat du couple

Si certain·es essaient d'eux·elles même de rencontrer quelqu'un·e après une rupture, d'autres déplorent tout de même un diktat pesant à être en couple. Marion, qui s'est séparée il y a deux ans d'une relation de onze ans, a désormais envie de « prendre son temps » avant de retrouver un homme et de créer une intimité avec lui. Mais elle a, très vite, fait face à une pression de son entourage l'encourageant à fonder une famille et à avoir des enfants. « Il s'agit globalement de gens bienveillants. Mais ils me disaient, par exemple, que je ne devais pas tarder en raison de mon âge, explique cette employée d'une entreprise de pompes funèbres, âgée de 37 ans. En voulant donner mes ovocytes, j'ai appris que j'étais infertile. Donc j'arrive, aujourd'hui, à me libérer de cette pression. C'est fou, j'ai remarqué que presque personne ne considère qu'on puisse être heureux seul, hors de la sphère du couple hétéronormé, où on habite ensemble, passe nos vacances ensemble...»

À lire aussi I Célibataires : elles envoient val­ser l'injonction au couple

En redevenant « une célibataire en puissance », Cécile, 47 ans, s'est elle aussi très vite rendu compte des diktats qui pèsent sur les célibataires, considéré·es comme « en dehors des cases ». Après son divorce, il y a quatre ans, cette travailleuse sociale s'est aperçue qu'elle était devenue « d'un seul coup un danger potentiel » pour les couples qu'elle fréquentait. « Un soir, lors d'un repas, au moment où l'on discutait de ma nouvelle liberté, le mari d'une amie très proche m'a dit : "Arrête, tu vas lui donner envie de faire la même chose." Mais je n'ai pas ce pouvoir-là. Je lui ai dit que si elle souhaitait faire comme moi, c'est qu'il ne lui convenait pas totalement », rigole-t-elle, remarquant que la liberté associée au célibat fait à la fois « envie et peur ». « On est tellement dans le diktat du couple, de par notre modèle éducatif, que les célibataires font difficilement partie du clan », poursuit Cécile, qui « revendique » aujourd'hui malgré tout son célibat : « J'ai découvert la personne que je suis vraiment. »

Liberté chérie

Pour l'instant, Valentin (le prénom a été changé), ne revendique pas encore son célibat. Quitté par sa copine il y a quelques semaines, en juillet, le garçon de 27 ans n'avait connu qu'elle depuis le lycée. « C'est vertigineux. On a littéralement grandi ensemble, de l'adolescence à l’âge adulte. Elle m'a justement quitté pour cela, pour apprendre à se connaître seule, en dehors de notre couple », raconte ce gérant d'un studio de création artistique, soulignant comprendre sa décision. S'il craint à court terme la rentrée et la reprise du quotidien, il envisage à moyen terme de chambouler en profondeur sa vie. Comme déménager pour se rapprocher de la mer, lui qui affectionne tant les sports nautiques. « Je ne peux pas le faire du jour au lendemain en raison de mes obligations professionnelles, mais il s'agit de la seule contrepartie positive que je vois au célibat : écouter mes envies à 100% et me faire plaisir. »

« Je ne m'interdisais rien à l'époque, mais je me mettais en quatre pour répondre aux besoins de tout le monde. Je ne m'y retrouvais plus. Il n'existe aucun retour en arrière possible. »

Toutes les personnes interrogées se sont retrouvées célibataire avant Valentin. Si elles sont à des étapes différentes de leur reconstruction, toutes vantent justement cette liberté retrouvée. « C'est le meilleur service qu'on m'ait rendu », affirme Cécile, pointant du doigt une absence de contraintes et la disparition de sa charge mentale. « Je fais désormais ce que j'aime, sans être assaillie de reproches. La maison n'est pas rangée ? Tant pis, je vais lire ou aller nager. Je ne m'interdisais rien à l'époque, mais je me mettais en quatre pour répondre aux besoins de tout le monde. Je ne m'y retrouvais plus. Il n'existe aucun retour en arrière possible. » Chloé remarque également que les courses sont plus rapides ou que faire à manger n'est plus une prise de tête. Avec du temps pour elle, elle a pu se plonger dans son travail : « Je me suis investie comme je n'avais jamais pu le faire. Comme je ne dépendais que de moi-même, je pouvais rentrer tard. C'était très agréable. » Valérie, 56 ans, célibataire depuis trois ans, est partie de son côté pour la première fois en voyage seule. Elle a passé cinq jours cet été à Parme, en Italie, où elle a flâné dans les rues de cette ville connue pour son patrimoine architectural et sa gastronomie.

Et aucun·e n'est prêt·e à réhabiter avec quelqu'un·e. Si Clarisse « compren[d] totalement les jeunes qui veulent vivre à deux », elle est persuadée que l'avenir du couple rime avec « chacun chez soi ». « Je ne veux pas qu'on vienne remettre en question ma liberté », explique-t-elle. Pas question que l'homme avec qui elle partage sa vie depuis six mois s'installe avec elle, donc. Cette dernière a d'ailleurs un message à celles et ceux, qui, comme Valentin, viennent de se faire quitter : « Rien n'est insurmontable ! C'est une phase surfaite, mais qui renferme une part de vérité. Le temps fait réellement son œuvre », promet-elle.

Partager
Articles liés
103 chagrin damour 5 © Unsplash

Ghosting : les ravages du silence

Un jour, une semaine, un an d’amour et puis… silence radio. L’être désiré vient de vous « ghoster ». S’ensuit une farandole de sales moments, souvent encore plus douloureux que dans une rupture classique.

Inverted wid­get

Turn on the "Inverted back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.

Accent wid­get

Turn on the "Accent back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.