La philosophe Claire Marin montre, dans Rupture(s)*, comment les « bifurcations » imposées de nos existences peuvent nous mettre à terre. À rebours de notre époque de la zappe et des injonctions à aller de l’avant, l’autrice nous invite à vivre pleinement nos chagrins d’amour pour y puiser une redéfinition de soi. Entretien en chansons.

« Laisse-moi devenir l’ombre de ton ombre, l’ombre de ta main, l’ombre de ton chien. Ne me quitte pas » (Jacques Brel)
Causette : Dans votre essai, vous expliquez : « Ce n’est pas seulement mon corps et mon esprit que la rupture amoureuse saccage, c’est le monde qu’elle dévaste. » Il faut reconstruire, et cela prend du temps. Alors pourquoi nos proches nous exhortent-ils à aller de l’avant rapidement ?
Claire Marin : Il y a évidemment notre tristesse qui les affecte aussi. On éprouve l’impuissance de ne pas savoir comment soigner la plaie. Mais ces exhortations sont aussi liées à un discours général à aller de l’avant. Notre époque n’a plus de temps à perdre avec l’inaction et la tristesse. La forme esthétique[…]