La sélec­tion de juillet-​août 2019

DUGAIN Marc 2017 photo Francesca Mantovani éditions Gallimard 6184
Marc Dugain se met au roman d'anticipation.
© F. Mantovani

Tranparence, de Marc Dugain

Voilà que Marc Dugain offre un récit d’anticipation ! L’auteur de La Chambre des officiers, de La Malédiction d’Edgar, ou encore de la politique-fiction L’Emprise change radicalement son angle pour sa première virée dans le futur. Nous voici à la fin des années 2060, en Islande. Ici comme partout, le réchauffement climatique est tel qu’on se prépare à la fin du monde, et de l’homme. Une Française vit là depuis des années. Ancienne présidente d’une méga agence de rencontres matrimoniales et professionnelles, elle a collecté les données de millions d’individus, qu’elle va rassembler pour un nouveau projet : « produire » un être sans chair ni corps, qui n’a plus besoin de se nourrir, de dormir ni de se reproduire. La vie éternelle, sans trop puiser dans l’énergie de la planète… Sa nouvelle société vient de créer un premier clone : le sien ! Ce clone doit tuer « l’original », et la police arrive juste après ce meurtre symbolique. L’enquête forme la trame du livre, où l’on découvre le projet global. Le roman explore sans juger la morale dans cette tentative de survie de l’espèce. Au fantasme de l’immortalité, Dugain ajoute les thèmes si actuels du transhumanisme, de l’intelligence artifielle et d’une société algorithmique. Une autre histoire sur le sens de la vie…

Transparence, de Marc Dugain. Éd. Gallimard, 224 pages, 19 euros.

La karaté est un état d'esprit, de Harry Crews

Personnages hors normes, univers de freaks et de beatniks, fresques azimutées sur le sud des États-Unis : Harry Crews (1935-2012) était un auteur incontournable pour les amateurs de contre-culture. Inédit en France, Le karaté est un état d’esprit, écrit en 1971, est idéal pour le (re)découvrir. Sur une plage de Floride, une splendide jeune femme en bikini jaune met une dérouillée à un gars, avec une assurance qui interpelle tous les regards alentour. Notamment celui de John Kaimon, jeune SDF échoué là, qui voudrait bien intégrer la bande de la belle : une étrange communauté de karatékas intégristes qui s’entraînent dans une piscine vide. Nourris aux pilules, ces ascètes se sont débarrassés de tout (même de leur nom) pour « se purger de tout ce qui n’est pas le karaté ». À travers eux, Crews se paie les communautés hippies, mais offre aussi une comédie qui cogne, avec des ­dialogues de compétition. 

Le karaté est un état d’esprit, de Harry Crews, traduit de l’anglais (États-Unis) par Patrick Raynal. Éd. Sonatine, 240 pages, 20 euros.

Le Dernier Thriller norvégien, de Luc Chomarat

Delafeuille, c’est son nom, et il se mélange toujours les pinceaux. Dans L’espion qui venait du livre (éd. Rivages, 2014), cet éditeur de poésie et de romans d’espionnage frayait avec les personnages de son auteur phare en s’immisçant au sein même de l’histoire ! On retrouve notre homme en voyage à Copenhague pour « recruter » le pape du thriller norvégien, Olaf Grundozwkzson. Il arrive au moment où un tueur en série, « l’Esquimau », affole le pays. Plus il avance dans sa lecture du manuscrit de l’écrivain, plus les coïncidences se multiplient entre celui-ci et le vrai fait divers. Qui se joue de lui ? L’auteur, le tueur ? C’est parti pour une intrigue gigogne, où Luc Chomarat balade le lecteur sans jamais le perdre. Comme toujours, l’intrigue sert à moquer les poncifs du genre traité (ici, le thriller nordique), qu’il pastiche de plus belle. Un détournement léger et intelligent. 

Le Dernier Thriller norvégien, de Luc Chomarat. Éd. La Manufacture de livres, 208 pages, 16,90 euros.

Floride, de Lauren Groff

Deux ans après la traduction française des Furies, son très remarqué troisième roman, Lauren Groff revient avec son deuxième recueil de nouvelles. Soyons cash : Floride confirme une plume décidément très puissante. Situées pour la plupart dans l’État en question, voici onze tranches de vies, des portraits de jeunes femmes fracassées ou abandonnées, de mères de famille brisées. Une jeune prof condamnée au vagabondage pour une virée à travers les routes, deux filles abandonnées sur une île, une mère qui erre dans les rues la nuit, une panthère qui rôde dans la forêt et menace deux garçons, une solitaire visitée dans son bungalow par l’esprit de ses morts. À ces vies au bord de la rupture, Groff oppose la moiteur torride, une nature luxuriante et une faune omniprésente. Diverses et complémentaires, ces nouvelles convoquent les forces telluriques de leurs propres décors.   

Floride, de Lauren Groff, traduit de l’anglais (États-Unis) par Carine Chichereau. Éditions de L’Olivier, 304 pages, 22,50 euros.

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