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Une famille / Nour Films

“Une famille”, l’indispensable docu­men­taire de Christine Angot

L’écrivaine signe avec Une famille son premier film de réalisatrice. Un documentaire puissant, à la fois intransigeant et bouleversant, qui la voit faire le tour de ses proches pour les questionner non pas seulement sur l’inceste qui l’a détruite, mais sur le déni qui l’entoure.

Intransigeant, courageux, hyper sensible, foudroyant… Un wagon d’adjectifs ne saurait rendre compte de la puissance d’Une famille, première réalisation de Christine Angot. Une chose est sûre : un sentiment d’absolue nécessité s’en dégage, qui submergera même les plus rétif·ives à ses écrits ou à sa personnalité. Parce qu’il témoigne d’une peine immense, doublée d’une détermination non moins colossale. Et parce qu’il s’adresse à nous toutes et tous, porté par la volonté de dénoncer non pas seulement l’inceste, comme elle le fait depuis des années dans ses livres, mais le déni collectif qui l’entoure.

Une mise en contexte s’impose, pour mieux comprendre l’enjeu de ce documentaire bouleversant. Une famille démarre alors que Christine Angot est invitée pour présenter Le Voyage dans l’Est (Flammarion, 2021) à Strasbourg, où son père a vécu jusqu’à sa mort, en 1999. C’est la ville où elle l’a rencontré pour la première fois à 13 ans et où il a commencé à la violer – ce qu’elle raconte précisément dans ce récit implacable – et où sa femme comme ses enfants vivent toujours… Parce qu’elle a envie – besoin – d’être soutenue, elle décide de ne pas venir seule, mais avec une caméra et Caroline Champetier, grande directrice de la photographie (qui a travaillé avec Godard, Desplechin, Carax, etc.), et de frapper à la porte de “la” famille, la sienne, afin de la confronter à son silence coupable.

“Je veux qu’on voie, je veux qu’on sache”, dit-elle. C’est cela qui frappe et saisit au départ : la confiance formidable qu’a cette femme de lettres dans la vérité de l’image et la convergence entre ses intentions – dévoiler ce que sa famille, et par là même la société, s’obstine à cacher – et son matériau (le film). De fait, la grande séquence choc où elle met littéralement le pied dans la porte de la maison de son père, puis se confronte de façon forcenée à sa femme, est extraordinairement parlante. Elle montre, par-delà sa violence malaisante, que Christine Angot n’est pas dans le règlement de comptes ni dans l’indécence, mais dans la survie. Et elle dit bien au-delà des mots – la preuve par l’image ! – combien l’inceste et son déni relèvent d’une mécanique de domination et de mépris.

Une famille ne saurait, toutefois, se réduire à ce morceau de bravoure. Christine Angot a composé un vrai récit jalonné de rencontres avec sa mère (une séquence à la fois dure, émouvante et digne), son ancien compagnon (un moment déchirant) et sa fille Léonore (lors d’un épilogue lumineux), en s’appuyant sur une vraie dramaturgie… Qui nous touche profondément. D’abord, et c’est nouveau dans son œuvre, parce qu’elle ne s’intéresse plus seulement à l’impact que l’inceste a eu sur elle, mais également à l’impact qu’il a eu sur ses proches. Et puis une grande cohérence se dégage de son récit apparemment hybride, qui mêle à ces rencontres des images d’archives familiales (tournées trente ans plus tôt, lorsqu’elle était jeune épouse et jeune mère). Bâti sur le double ressort de la connaissance (tout le monde savait) et de la reconnaissance (puisqu’il s’agit d’être enfin regardée), ce film confirme en tout point, en tout cas, que l’écrivaine Christine Angot n’est pas arrivée au cinéma par hasard.

Affiche UNE FAMILLE.jpg

Une famille, de Christine Angot

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