Catherine Corsini livre une adaptation très réussie du livre éponyme de Christine Angot. Son portrait de femme au long cours, traversé de violences, saisit par son intégrité. Il a aussi la chance d’être éclairé par Virginie Efira, actrice magistrale.
Retracer une vie en deux heures : voilà le défi que s’est fixé Catherine Corsini (auteure remarquée de La Belle Saison). Fine, la cinéaste a fait le choix d’une forme classique, à la fois ample et modeste, pour raconter un parcours complexe. Bien vu ! Les ellipses de son récit, qui court sur une quarantaine d’années, n’enlèvent rien à la netteté de son portrait. Et puis cette simplicité est parfaitement raccord avec la droiture timide de Rachel, son héroïne. On la découvre ainsi à la fin des années 1950, à Châteauroux. Jeune secrétaire, elle rencontre Philippe, « fils de famille » brillant et pervers, lors d’un bal. Coup de foudre fatal : leur amour difficile brisera sa vie et celle de leur fille (la narratrice du film)...
En clair, cette romance désuète n’a rien de romantique. De fait, au-delà de son arc temporel singulier, ce récit saisit par ses violences. Intimes et sociales. Emprise, disparition, puis réapparition et inceste du côté de Philippe (parfait salaud auquel Niels Schneider prête son charme voyou) ; solitude, aveuglement, puis culpabilité du côté de Rachel (Virginie Efira, magnifique de subtilité) : le malaise plane, constam- ment. Peu à peu, on comprend que cet amour impossible (entre le père et la mère, puis entre le père et la fille, histoire d’anéantir un peu plus la mère) prend sa source dans le mépris de classe. Atemporel. Ultime humiliation que les deux femmes parviendront pourtant à dépasser. Par la force de leur amour... et des mots : ceux du roman d’Angot, que l’on entend en voix off, sont aussi secs que méticuleux. C’est dire si le beau film sobre de Corsini leur rend justice.
Un amour impossible, de Catherine Corsini.
