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De gauche à droite, © Agat Films /Bidi Film / France3 Cinéma, © Capricci Films, © Condor Films.

How To Have Sex, Vincent doit mou­rir, Et la fête conti­nue ! : les sor­ties ciné de la semaine

Une première fois désenchantée à 17 ans, une romance sur fond d’apocalypse à 40, un cœur battant à 68… Voici les sorties du 15 novembre. 

How To Have Sex

Attention, fausse piste : le titre How To Have Sex est à prendre au deuxième, voire dixième degré. En l’occurrence, le premier long métrage de Molly Manning Walker, toute jeune cinéaste londonienne, n’a rien d’un tuto coquin pour « apprendre à faire l’amour » … mais tout d’un film coup de poing, dûment salué par le prix Un certain regard au dernier festival de Cannes. Précisément, ce récit d’apprentissage s’attaque à un sujet important : la pression sociale qui s’exerce sur les jeunes filles autour de leur première fois, singulièrement aujourd’hui. Une violence ritualisée qui lui permet d’aborder l’imparable question du consentement… 

Encore un film social anglais bien « dark » et bien pluvieux, soupireront les mauvais coucheurs ? Pas vraiment ! En nous entrainant dans la foulée de Tara, Skye et Em, trois copines d’à peine 17 ans qui s’offrent leurs premières vacances en Grèce dans une station balnéaire très fréquentée, Molly Manning Walker s’échappe habilement des banlieues moroses pour mieux déplacer nos regards. Au programme de ses héroïnes exubérantes et rieuses : manger des frites dans un karaoké saturé de monde, s’éclater sur des dance-floors fluo, picoler jusqu’à vomir, multiplier les nuits blanches avec deux garçons plus âgés… et permettre à Tara, la plus petite et la plus marrante, de perdre enfin sa virginité. « Fardeau » dont elle semble vouloir se débarrasser à tout prix (Mia McKenna-Bruce est extraordinaire de gouaille et de finesse mêlées dans ce rôle), pressée qu’elle est par ses deux amies affranchies et goguenardes.  

Question (centrale, fondamentale) : est-elle vraiment libre de refuser ? Derrière la fête permanente, derrière les fous rires en groupe, émergent en effet un malaise, une drôle d’acidité. Et c’est ce trouble, d’abord furtif, puis entêtant, puis prédominant, qui permet au film de Molly Manning Walker de vite s’extraire du sillon convenu des comédies potaches pour mieux nous surprendre, nous émouvoir, et enfin nous éblouir. De fait How To Have Sex se vit comme une plongée en apnée dans l’adolescence, ses rêves et ses violences, qui dégage moins d’euphorie que de désillusions pour finir, le rythme jovial du début cédant la place, peu à peu, à un lent vertige nauséeux. Une sorte de gueule de bois que la réalisatrice a l’intelligence d’observer en alliée, avec beaucoup de tendresse et sans juger.  

HOW TO HAVE SEX HD

How To Have Sex, de Molly Manning Walker.

Vincent doit mourir

Imaginez un « survival » français bien barré, avec des personnages ancrés dans le réel, option M. et Mme Tout-le-monde, des comédiens et comédiennes tour à tour ordinaires, burlesques et brutaux, une ou deux séquences proprement inoubliables et, pour couronner le tout, un foisonnement de métaphores qui n’entache jamais le plaisir, tout en faisant réfléchir… Tels sont les ingrédients savoureux, assez inattendus, de Vincent doit mourir, premier long métrage en forme de cocktail frappé puisqu’il mélange plusieurs genres a priori inconciliables – du film de zombies à la comédie romantique – pour mieux conjurer ses névroses… et les nôtres !

Mais, au fait, pourquoi Vincent doit-il mourir ? Nul ne le sait, et surtout pas lui, graphiste sans histoires qui, du jour au lendemain, se fait agresser par n’importe qui. Au bureau, dans la rue, en voiture, partout. Pire encore, du stagiaire au facteur, en passant par des enfants… tout le monde cherche à le tuer, au premier regard et sans raison apparente ! Il n’a donc d’autre choix que de fuir, et sans doute de changer de vie, s’il y arrive… Ecrit par Stephan Castang (qui vient du théâtre) et Mathieu Naert, porté par Karim Leklou et Vimala Pons, qui forment ici un tandem poético-imprévisible particulièrement inspiré, boosté par des scènes d’action et des effets spéciaux un peu… particuliers, et jalonné de gueules beaucoup moins lisses que d’habitude, Vincent doit mourir est évidemment une fable humaniste. 

Pas totalement exempte de faiblesses scénaristiques – il suffirait que Vincent s’achète des lunettes noires pour que sa vie soit simplifiée, se dit-on tout le long ! -, elle se rachète toutefois par l’acuité de sa réflexion sur la frustration, la colère et la violence contemporaines. Omniprésentes dans notre quotidien en effet, et d’autant plus exacerbées par l’actualité. 

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Vincent doit mourir, de Stephan Castang. 

Et la fête continue !

Plonger dans un film de Robert Guédiguian, c’est un peu comme se retrouver en famille. Des visages et des lieux familiers, des rires et des engueulades à foison, une certaine idée du collectif, et ce lien qui reste indestructible quoi qu’il arrive, par-delà les rides, les regrets, les pertes… les années. Cette fois pourtant, avec Et la fête continue !, on est encore plus content.e et touché.e de retrouver la « petite troupe de Robert » que d’habitude. Sans doute parce que ce nouvel opus – le 23e du cinéaste marseillais - parie sur la surprise de l’amour au soir d’une vie dédiée aux autres (celle de son héroïne). Probablement parce que s’y niche un regain d’espoir après une petite salve de films mélancoliques (La Villa) ou très sombres (Gloria Mundi). 

Or donc, le « padre » Guédiguian nous entraine dans les pas de Rosa, la soixantaine jolie (merveilleuse Ariane Ascaride), qui a consacré sa vie à sa famille et à la politique avec le même sens du sacrifice. Tous et toutes pensent qu’elle est inébranlable, d’autant que Rosa est la seule qui pourrait sceller l’union de la gauche à Marseille, à la veille d’une échéance électorale décisive. Elle-même s’accommode assez bien de tout ça, jusqu’au jour où elle tombe amoureuse d’Henri (tendre Jean-Pierre Darroussin). Et là, pour la première fois, Rosa a peur de s’engager…  

Voilà, c’est à la fois très simple et très fin. Picorant dans l’histoire récente de la cité phocéenne (l’effondrement des immeubles de la rue d’Aubagne, les dernières municipales et le sursaut de la gauche), Robert Guédiguian redistribue subtilement, ici, sa géographie intime et politique (il délaisse les quartiers périphériques de l’Estaque et de Saint-Henri et filme essentiellement le centre historique de Marseille). En clair, alors qu’il entame une nouvelle décennie, celle de ses 70 ans, il se recentre comme jamais, au cœur de sa ville-monde préférée comme au cœur de son propos (l’engagement, quoi qu’il en soit). Ultime qualité de ce récit attachant : sa grande musicalité… C’est dire si c’est la fête, en effet !

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Et la fête continue !, de Robert Guédiguian. 

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