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© Pawel Czerwinski

Méga-​bassines : une réponse adap­tée à la sécheresse ?

Cette solution est présentée par certain·es comme une réponse efficace aux épisodes de sécheresse, appelés à s’intensifier dans les années à venir. Un postulat loin de faire l’unanimité

Les violents affrontements entre policier∙ères et manifestant∙es fin mars à Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres, ont remis en lumière le dossier sensible des retenues d’eau, ou méga-bassines. Sainte-Soline fait partie d’un projet contesté d’installation de seize retenues d’eau sur le bassin de la Sèvre niortaise et du Mignon. Des dizaines d’autres projets similaires sont prévus en France.

Leur principe paraît simple : capter l’eau en hiver dans les nappes phréatiques et la stocker afin que les agriculteur∙rices abonné·es à la coopérative chargée de la bassine puissent arroser leurs cultures l’été et en cas de manque d’eau. Outre les débats éthiques sur une forme d’accaparement d’une ressource naturelle, cette solution est présentée par certain·es comme une réponse efficace aux épisodes de sécheresse, appelés à s’intensifier dans les années à venir. Un postulat loin de faire l’unanimité…

NON
Anne-Morwenn Pastier

Docteure en sciences de la terre, spécialisée dans le cycle de l’eau et membre du collectif Bassines non merci

« Ces bassines ne constituent pas une solution efficace pour lutter contre la sécheresse, particulièrement dans un contexte de réchauffement climatique avec des épisodes de chaleur plus intenses, plus longs et susceptibles de se répéter plusieurs fois par an. À force de puiser dans les nappes phréatiques en hiver, unique période de l’année où elles peuvent se recharger, on les affaiblit et on prend le risque d’épuiser le milieu naturel.

Depuis l’hiver dernier, on a d’ailleurs un problème de recharge des nappes phréatiques, notamment dans le département de la Vienne. Elles sont basses et sous leur niveau normal. Il est donc aberrant d’envisager de pomper dedans. Au Chili, où des systèmes de retenue d’eau similaires ont été mis en place, on a constaté qu’ils avaient plutôt eu tendance à aggraver le problème de la sécheresse.

Le rapport du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) publié en juillet 2022 met en avant les prétendus bénéfices de ce dispositif sur les nappes phréatiques. Mais il ne s’est fondé que sur les conditions météorologiques de la période 2000 à 2011, donc sans prendre en compte les évolutions climatiques récentes. D’ailleurs, dans ses conclusions, le BRGM prévient que, lors de certains hivers un peu trop secs, on risque de ne pas pouvoir remplir ces bassines. Donc, si on se place dans un contexte de réchauffement climatique – à très brève échéance –, on peut parier qu’il sera impossible de pomper quoi que ce soit et de faire le stock prévu. À quoi bon les construire ? Ces méga-bassines sont une ”maladaptation” au problème de la sécheresse, car on dépense de l’argent public pour maintenir un système à court terme sans même tenter de répondre aux problématiques futures.

Il ne s’agit pas de stigmatiser les agriculteurs qui ont besoin d’eau pour certaines plantations, mais de souligner qu’on manque de volonté politique pour les accompagner vers une transition. Sans compter que c’est une aberration de stocker de l’eau en surface avec les risques d’évaporation – estimés entre 10 et 20 % – et de prolifération de bactéries, alors que les nappes ne sont pas en état de fonctionner correctement. »

OUI
Yves Le Quellec

Vice-président de la Coordination pour la défense du Marais poitevin

« Il est évident que ces retenues d’eau ne vont pas faire disparaître le problème de la sécheresse ni lutter contre les climats secs en été. La question, c’est surtout celle de l’adaptation des activités humaines, et notamment agricoles, à cette problématique du manque d’eau. L’enjeu principal est d’éviter qu’on prélève de l’eau de manière excessive dans les nappes phréatiques au printemps et en été.

Je lis çà et là que, compte tenu des deux années de sécheresse et du manque de pluie que nous venons de vivre, on n’aurait de toute façon pas pu remplir ces réserves d’eau. Il me paraît essentiel de considérer le sujet zone par zone, en fonction des spécificités territoriales et pas de manière uniquement globale.

Ce que je constate, c’est que, dans la zone du sud de la Vendée [zone en lisière du Marais poitevin, qui compte 25 bassines construites entre 2007 et 2019, ndlr], on a des nappes dites réactives et peu profondes qui réagissent directement à la pluie, selon un cycle de renouvellement annuel. Comme il a un peu plu en janvier et en mars de cette année, les nappes ont donc très vite remonté. J’ai été le premier surpris de constater que, malgré un contexte de déficit pluviométrique aggravé, avec un mois de février exceptionnellement sec, on a quand même pu remplir ces réserves de substitution, ou bassines, sans impacter les nappes en question. Et ces stocks hivernaux sont autant de volumes qui ne seront pas prélevés en été, ce qui est absolument essentiel !

Toute la question est de savoir comment on encadre ces pratiques de stockage : il ne s’agit pas de prélever à tout prix et n’importe comment. Certains hivers, par exemple, il faudra accepter de ne pas remplir totalement les bassines. Et il faudra très probablement revoir certains seuils, autrement dit s’adapter à l’évolution de la situation de la ressource. Ce système de mise en commun de la retenue d’eau a aussi un avantage : il permet d’instaurer une gestion collective de la ressource en lieu et place d’une forme de Far West, où certains agriculteurs ont pu tenter de négocier leur “quota” individuel d’eau sans se soucier de l’équilibre global. »

Lire aussi l Sécheresse en Espagne : les agriculteur·rices andalou·ses ramènent leur fraise !

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