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Emma Oudiou (©Youtube)

Pour l'ex-athlète Emma Oudiou : « Le monde du sport n'est pas en capa­ci­té de bien pro­té­ger les ath­lètes et les vic­times présumées »

L’ancienne spécialiste de demi-fond Emma Oudiou a témoigné, aux côtés de Claire Palou, ex-partenaire d'entraînement, lors de la commission d'enquête parlementaire sur les défaillances des fédérations sportives quant aux violences sexuelles, mardi 5 septembre. L’athlète espère que des lois seront votées pour mieux protéger les victimes.

Causette : Pourquoi avez-vous accepté de témoigner durant la commission d'enquête parlementaire sur les défaillances des fédérations sportives ?

Emma Oudiou : J'ai été invitée par l'Assemblée nationale il y a un mois, un mois et demi, à participer à cette commission avec Claire Palou, qui est une ancienne partenaire d'entraînement. J'ai accepté parce que je trouve cela super que l'Assemblée nationale se saisisse de ces sujets qui sont hyper importants, surtout à l'approche de Paris 2024. J'ai moi-même été victime du milieu sportif et, quasiment tous les jours, j'ai des femmes qui viennent se confier à moi sur ce qu'elles vivent ou ont vécu comme violence dans ce milieu. Donc, ça me paraissait hyper important de pouvoir s'adresser directement à l'Assemblée nationale.

D’après vous, est-ce que cette commission va permettre dans le futur de mettre un coup de pied dans la fourmilière concernant le traitement des violences sexuelles au sein des fédérations sportives ?

E.O : Je ne sais pas, l'avenir nous le dira. Je pense que ça va permettre de visibiliser beaucoup de sportives qui ont un récit à donner par rapport aux violences qu'elles ont vécues, ça c'est sûr ! Après, est-ce que ça va vraiment faire bouger les fédérations sur ce problème ? Je le souhaite de tout cœur ! J’espère que, suite à cette commission d'enquête, des lois seront votées pour mieux protéger les victimes et pour pouvoir mieux sanctionner les auteurs de violences. 

Comment peut-on expliquer, à un an des JO, qu'il y ait toujours des athlètes et des entraîneur·euses auteur·es de violences sexuelles au sein des fédérations sportives ?

E.O : Je pense que le milieu du sport reflète ce qui se passe plus généralement dans notre société. Malheureusement, des agresseurs, des auteurs de violences, il y en a partout, et il y en a à des postes clés, que ce soit en politique, dans le cinéma et dans le sport. Et je pense qu'à un an des JO, beaucoup de fédérations sont quand même assez réticentes à vouloir aborder ces sujets hypersensibles. Il y en a beaucoup qui veulent prioriser la performance et les potentielles médailles, et pas forcément mettre l'accent sur la protection des victimes et sur la prévention par rapport aux violences sexuelles dans le sport.

L’athlète Wilfried Happio avait été accusé l’année dernière d’agression par une autre athlète, qui a déposé plainte. Elle a été classée sans suite en juin dernier, quel est votre regard là-dessus ?

E.O : C'est hyper difficile de s'exprimer sur cette affaire-là. Il est auteur présumé dans le sens où la plainte qui a été déposée contre lui a été classée sans suite, et une autre plainte a été retirée. Il n'a pas été sanctionné par la justice. Après, forcément, j'ai envie de croire les victimes, j'ai envie de croire les femmes qui se sont courageusement exprimées par rapport à lui. Ce que l’on voit, c'est que la justice a rendu un classement sans suite, c'est-à-dire qu'elle estime qu'elle n'a pas suffisamment d'éléments pour dire s'il est coupable ou non.

Dans le monde du sport et de manière générale, très souvent, les victimes se retrouvent dans des situations où il est hyper difficile de prouver qu'elles ont effectivement été victimes. Et ce que je trouve dommage, c'est que le monde du sport n'est pas en capacité de bien protéger les athlètes et les victimes présumées. On est toujours dans le même schéma, que ce soit par rapport à Wilfried ou d'autres accusations.

Vous avez quitté le domaine de l'athlétisme en 2020. Est-ce le fait d'avoir été victime de violences sexuelles qui vous a poussée à prendre cette décision ?

E.O : Les violences sexistes et sexuelles interviennent dans un contexte de violences plus générales dans le milieu sportif : comme des violences psychologiques, ou encore de la maltraitance à l'entraînement. C'est tout ce contexte qui m'a poussée à arrêter parce que je n'arrivais plus à me reconnaître dans le sport. J'avais perdu mon intégrité en tant que sportive et en tant que femme.

Pour moi, c'était hors de question de continuer dans un milieu qui ne me respectait pas et pour lequel je perdais également du respect. Depuis que j'ai parlé de manière publique en 2018 suite à la plainte que j'ai déposée contre un entraîneur national, je reçois beaucoup de témoignages par rapport aux violences sexistes et sexuelles dans l'athlé. Et j’en ai fait un documentaire qui s'appelle « Suite » dans lequel je donne la parole à cinq athlètes victimes de violences sexuelles.

Lire aussi l Avec son documentaire "Suite", l'ancienne athlète Emma Oudiou dénonce les violences sexuelles dans l'athlétisme

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