#MeTooAnimation : Anissa, l'animatrice en lutte contre la pédo­cri­mi­na­li­té dans les colos

Anissa a fondé en mars l’association #MeTooAnimation, contre les violences sexistes et sexuelles dans les colonies de vacances. Rencontre avec une jeune femme dont l'engagement pour la protection de l'enfance est devenu un sacerdoce, à mesure que pleuvent des milliers de témoignages.

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Anissa © DR

Elle compte presque un million d’abonné·es sur Tik Tok et plus de cent mille sur Instagram. Mais Anissa n’est pas une influenceuse comme les autres. À presque 22 ans, la jeune femme a créé en mars 2022 l'association #MeTooAnimation, pour lever le voile sur les violences sexistes et sexuelles sur mineur·es dans le monde de l’animation. Le mouvement a publié, le mardi 7 juin, une pétition à destination des autorités pour exiger une meilleure formation des animateur·rices pendant le BAFA. Une pétition qui débute avec ce témoignage glaçant : « J’avais 8 ans. Il nous jouait du violon tous les soirs. Une nuit, je me réveille tétanisée, il avait une main sur ma bouche, et l’autre dans ma culotte. »

Piercing au septum, débardeur noir et longs cheveux châtains détachés, Anissa nous salue avec un sourire chaleureux dès que nous la rencontrons. Tout de suite à l’aise, la jeune femme déborde d’énergie, même à 9h du matin. Des qualités qui ne surprennent pas quand l’on sait qu’Anissa est monitrice en colonies de vacances depuis 4 ans. « La colo, c’est ma raison de vivre », confie-t-elle à Causette.

Une passion qui l’a amenée à constater les dysfonctionnements en matière de prévention des violences sexistes et sexuelles durant ces vacances encadrées. « Je passe la saison complète, deux mois chaque été, en tant qu'animatrice. J’ai pu voir tout et n’importe quoi. J’ai vu des animateurs qui échangent leur numéros avec des jeunes, qui sexualisent le corps des filles et des garçons, qui prévoient de les fréquenter en dehors de la colo, qui se mettent en couple avec, qui ont des mains baladeuses, des relations sexuelles. Ça m’a rendue folle de voir ça. » Anissa en parle aux différentes directions pendant plusieurs années, mais on ne la croit pas. Ses signalements n’aboutissent à rien.

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Alors, en mars 2022, elle se met en tête de créer une association pour alerter à grande échelle sur le sujet. Sa voie d’action : les réseaux sociaux. « Le problème n’est pas seulement dans une seule colonie de vacances, ça ne concerne pas un seul animateur. C’est un problème de système. Pour libérer la parole, je me devais de passer par les réseaux sociaux », explique-t-elle. Rapidement, elle voit son mouvement en grand : des projets pour faire changer la loi, imposer des règlements, interpeller le gouvernement, renforcer la prévention dans les écoles et sensibiliser dès le plus jeune âge.

Une pétition pour tout changer

Pour faire réagir, Anissa lance donc une pétition le 7 juin dernier, dans laquelle elle rappelle la gravité des témoignages qu’elle a reçus et liste trois mesures à mettre en place. Une journée de prévention aux VSS dans la formation du BAFA pour repérer des enfants victimes ou des comportements anormaux. Affecter une personne référente des VSS dans chaque colonie de vacances. Et interdire le recrutement de personnes mises en cause pour des infractions sexuelles. « J’ai écrit cette pétition pour sensibiliser tout le monde sur la question, pour lier les gens autour d’une action commune, mais je vise surtout les parents. Je veux qu’ils se rendent comptent de l’ampleur du problème et du besoin de garantir la sécurité de leurs enfants. » La pétition compte déjà plus de 27 000 signatures. 

Et ça ne s’arrête pas là. Anissa souhaite dans le futur écrire un manuel de prévention à destination de l’enseignement, de la primaire au lycée. La vingtenaire a pour projet de mener des tables rondes, de devenir intervenante dans des colonies, d’aller à la rencontre des jeunes et des directeur·rices des centres d’animation. « Tout ce que je veux dire à ces jeunes, c’est que ce ne sera jamais de leur faute, qu’il ne faut pas avoir honte, que nous les croyons, et surtout, qu’ils ne sont pas seuls », déclare-t-elle avec un ton solennel.

Briser l’omerta

Au départ, tout n’a pas été simple. « Honnêtement, j’avais peur quand j’ai créé l’asso. J’ai subi beaucoup de pression, car ça s’est très mal passé dans le passé avec certaines équipes de colo à cause de ces violences que je dénonçais. Mais la volonté de faire changer les choses a dépassé la peur », confie-t-elle. Son attachement pour les enfants a pris le dessus. Puis elle publie sa première vidéo dénonçant des agressions sexuelles dans les centres d’animation sur les réseaux sociaux. Du jour au lendemain, Anissa devient la personne à contacter pour les mineur·es qui ont été victimes de VSS. « J’ai reçu plus de mille messages en un mois, d’enfants violés, agressés, et ça a largement dépassé le cadre de la colonie. J’ai obtenu des témoignages de jeunes filles et garçons de 14-17 ans violentés par leur moniteur de colo, leur famille, leur proche. Je ne pensais pas voir autant de preuves de la pédocriminalité en France », se désole la jeune femme, les yeux au sol.

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Témoignages sur le compte Instagram de #MeTooAnimation

Très sensible, Anissa encaisse chaque témoignage. « J’ai vite eu le cœur brisé. Mes gamins de colo sont comme mes enfants. J’étais tellement choquée dès que je lisais le témoignage horrible de ce qui a pu arriver à des fillettes de huit ans. » Un sentiment d’impuissance qu’elle espère justement surmonter avec #MeTooAnimation.

Une responsabilité, mais passionnée

Cet instinct de révolte, Anissa le cultive depuis longtemps. Au moment de créer l’association, la jeune femme n’a pas trop réfléchi, elle a foncé tête baissée. Une fibre pour l’engagement et la justice qui remonte à loin, jusqu’à sa mère. « Je viens d’une famille très militante, ma mère m’emmène en manifestation depuis que je suis petite. Donc forcément, comme je suis en plus très touchée par les sujets liés à l’enfance, j’ai tout de suite été motivée pour utiliser mon influence sur les réseaux, pour peut-être avoir un impact positif et instigateur d’un changement », raconte-t-elle en se tressant les cheveux. Malgré les doutes, les obstacles et la peur de ne rien pouvoir changer, la jeune femme se réjouit de savoir son entourage près d’elle, toujours présent pour la soutenir et l’encourager. 

Anissa assume une grande responsabilité. Elle gère la communication et les prises de parole médiatiques de l’association, épaulée par les dix autres membres. « Un projet comme celui-ci, c’est beaucoup d’investissement. L’association prend toute la place aujourd’hui. » L'influenceuse a en effet mis fin à son master de droit pénal après une dépression, pour s’engager dans quelque chose avec plus de sens. « Je ne me repose jamais, je vis à mille à l’heure, mais ce n’est pas grave. Ce que je fais est bien trop important pour faire une pause », admet-elle avec un petit sourire. « #MeTooAnimation est la chose dont je suis la plus fière dans ma vie ». Anissa n’a peut-être que 21 ans, mais elle fait partie de ces jeunes que rien ni personne n’arrêtent, pour mener à bien leurs combats.

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