a black silhouette of a woman

Témoignage : « Au col­lège, j’ai lais­sé croire que j'étais bisexuelle parce que c’était plus accep­table que sim­ple­ment “les­bienne” »

Leila a passé les vingt-huit premières années de sa vie à faire croire aux autres qu'elle était bisexuelle-elle y a cru, elle aussi, pendant sept ans. Elle livre son témoignage sur ses années de harcèlement au collège, qui ont entravé sa construction de soi, en tant que femme lesbienne.

L’adolescence représente une période cruciale pour la construction identitaire d’une personne. Pourtant, bien trop souvent, les collégien·nes n’ont pas en main les cartes nécessaires pour se construire sainement. Le collège semble loin derrière Leila, aujourd’hui âgée de 29 ans. Mais ce qu’elle a vécu au lycée français du Caire dans les années 2005 l’a longtemps impactée, l’empêchant d’assumer pleinement le fait d’être lesbienne. 

« Très tôt, j’ai su que j’aimais les femmes, mais je n'ai pas su mettre de mots dessus avant le harcèlement. Au collège, on a commencé à me traiter de “sale lesbienne”, et c’est là que j'ai découvert le terme. Je me faisais déjà harceler parce que j'étais un petit peu atypique mais à partir de là, il y a vraiment eu une escalade. Quand on était dans les vestiaires on me demandait d'aller dans un coin pour ne pas regarder les autres, on me mettait à l’écart de plein d’activités. On me disait : “ne tombe pas amoureuse de moi”. J’étais lesbienne, je n’avais pas mauvais goût. Beaucoup d'amitiés se sont brisées, dont celle avec ma meilleure amie, qui était aussi mon premier amour. Elle fera son coming-out bien plus tard, et m’avouera que mes sentiments de l’époque étaient réciproques. Malheureusement, à cause de la lesbophobie, nous n’avons jamais eu d’histoire. Je me suis sentie très seule parce que même mes soi-disant amis avaient des comportements homophobes. Ils insistaient pour savoir comment ça se passait au lit avec une fille. Ça a été des attouchements, parfois, on m’embrassait pour savoir ce que ça faisait. On s'inquiétait des comportements que je pouvais avoir envers les autres filles, par contre on ne reprochait pas à ces filles d'avoir des comportements déplacés avec moi. Je subissais aussi du cyber-harcèlement et je recevais des appels anonymes à la maison. La rumeur est arrivée jusqu'aux oreilles des autres parents, qui se moquaient aussi et ma mère l’a très mal vécu. Mes parents ne savent toujours pas que ce n’est pas juste une rumeur. Ma mère m’a dit récemment que si j'étais lesbienne, cela serait la fin du monde.

« Le plus difficile n'était pas de dire “j'aime les femmes” mais de dire “je n'aime pas les hommes”. »

Je l'ai assumé pendant un an au collège sauf que le harcèlement est devenu tel que j'ai dû commencer à faire semblant de tomber amoureuse d'hommes. J’ai accepté leurs avances quand on était en soirée et c'était vraiment horrible. J'ai dû me forcer, et ça a été un cauchemar. J’étais donc perçue comme bissexuelle et c’était moins pire que d’être perçue comme lesbienne. Je me suis construite avec des traumatismes parce que j'ai fait des choses avec des hommes que je ne voulais pas faire. Quand on se construit à travers l'homophobie, on se construit sans base, sans repère. Donc pendant longtemps, quand je développais des sentiments pour une fille, je ne disais rien, je le gardais pour moi. J'ai attendu d'avoir 28 ans pour faire un deuxième coming out et dire : “je suis lesbienne”. S'il y avait eu plus d'informations à l'époque j'aurais pu être lesbienne toute ma vie, mais j'ai grandi dans l'homophobie. Le plus difficile n'était pas de dire “j'aime les femmes” mais de dire “je n'aime pas les hommes”.

En troisième, j'ai fait une tentative de suicide, je n'en pouvais plus. Après, j’ai fait mon lycée au CNED. Il n'y a jamais eu de répercussion pour les personnes qui m'ont insultée et harcelée. J'aurais préféré que ce soit quelque chose de rare, qui ne soit arrivé qu’à moi, mais récemment encore une jeune fille s’est suicidée et ça me rend extrêmement triste [le 5 octobre, à Kingersheim (Haut-Rhin), Dinah Gonthier, 14 ans, s’est suicidée suite au harcèlement scolaire à caractère raciste et lesbophobe qu’elle subissait depuis deux ans, ndlr]. 

Il faudrait éduquer au genre et à l'orientation sexuelle dès l'école, parce que nous sommes beaucoup à découvrir qu'on ne rentre pas dans la norme à ce moment-là. Je n'avais pas de représentation, il n'y avait rien pour me dire que c'était normal. Aujourd’hui, je pleure quand je vois des couples lesbiens dans les séries, parce que c'est exactement ce que j'aurais voulu voir à l'époque. Aujourd’hui, je m’affiche en tant que lesbienne sur internet et la lesbophobie que je vis en ligne ressemble énormément à celle de l'époque : les commentaires sur ma vie sexuelle, les "je peux te changer", les insultes… Mais je n’ai plus peur. »

Lire aussi l Harcèlement scolaire : lesbophobie et biphobie quotidiennes au collège

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