Mayotte : « Parfois, ici, on n’a pas l’impression que c’est la France »

Témoignage d'Anouk, infirmière, à Mamoudzou.

112 le Covid19 vu dailleurs Anouk ∏ DR
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« Je suis infirmière au centre hospitalier de Mamoudzou, à Mayotte, depuis un peu plus d’un an. Normalement, je travaille en médecine ambulatoire, avec les patients atteints de cancer, mais depuis début avril, je suis en secteur Covid pour faire face à ­l’afflux de malades. Ici, le coronavirus est apparu fin mars, aujourd’hui, on compte 739 cas *, 44 personnes hospitalisées, 9 décès, et je suis inquiète de sa propa­gation. On a dû transformer une partie de l’hôpital en zone d’accueil pour les malades du Covid-19, on est passé de seize lits en réanimation à une trentaine actuellement. Déjà qu’en temps normal, on a beaucoup de travail, là, nos journées de douze heures sont bien remplies ! Le plus dur pour moi, notamment avec la chaleur, c’est de passer des heures masquée et surhabillée. D’autant que ça crée une barrière avec les patients avec lesquels on a du mal à communiquer et qui arrivent de plus en plus en très mauvais état.

À Mayotte, ça fait des mois qu’on doit faire face à une épidémie de dengue, qui a déjà fait une dizaine de morts. La seule chose qui me rassure un peu, c’est que plusieurs équipes sont arrivées ces derniers jours pour monter un hôpital militaire attenant au nôtre. On nous annonce la création de vingt lits supplémentaires en réanimation, on risque d’en avoir besoin. L’autre problème, c’est le confinement. Ici, clairement, tout le monde ne peut pas le respecter : 84 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, dans des bangas [cabanes locales], les femmes se sont remises à vendre les légumes au bord de la route, parce qu’elles n’ont pas le choix ! Puis c’était déjà tendu entre les jeunes et les forces de l’ordre ces derniers mois et là, ça repart de plus belle. Il y a des combats de rue organisés et des heurts très violents. L’autre jour, sur la route du travail, c’était jonché de grenades, de pierres et de poubelles brûlées. Parfois, ici, on n’a pas ­l’impression que c’est la France et les autorités communiquent très peu sur l’ampleur de l’épidémie, on a la sensation que la situation est sous-estimée. »

* Les interviews ayant été réalisées du 5 au 15 mai, ces chiffres ont probablement évolué entre-temps.

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