La chro­nique de Cathy Yerle | Chat-​charge mentale

jumping cats

Le jour où Fiston est parti de la maison, j’étais très préoccupée par cette histoire de syndrome du nid vide que le bon sens populaire m’avait vendu comme irrémédiable. Alors, j’ai décidé de prendre un chat.

C’est super un chat. Surtout au début. C’est tout petit, c’est joueur, c’est câlin, ça ronronne, ça mordille, ça griffouille. Moi, j’ai pris un mâle en hommage à Fiston. Le souci, c’est qu’au bout de quelques mois il s’est mis à marquer son territoire. C’est comme ça, les mâles. Ça pisse partout fièrement. Et ça pue. 

Donc mon nid, après avoir senti, pendant des années, le lait caillé, la couche remplie, la chaussette sale et le vieux kebab abandonné dans un coin de chambre d’ado, s’est mis à sentir le pipi de chat, la pâtée au poulet, les croquettes au thon. Je ne parlerai pas d’odeur de litière et de ses petits jets de gravillons qui crissent sous la pantoufle. 

Mais malgré les réveils plusieurs fois par nuit et les attaques du soir quand je me mets au lit parce qu’il me prend pour une souris dans mon pyjama gris, je me suis bien habituée à mon chat devenu grand. Et gros. 

Je le prends en photo dans ses moments les plus attendrissants, je poste sur les réseaux sociaux son minois de minou mutin. Il reçoit des « cœurs », des « j’aime », des « non, mais quelle mignonnerie ! » Mes ami·es, même virtuel·les, le connaissent, l’appellent par son nom, son surnom. 

Curieusement, ça décuple mon amour. J’admire son côté superstar médiatique qui me fait oublier mes accoudoirs de canapés laminés, les rideaux en lambeaux, la tapisserie arrachée, les miaulements stridents à la moindre panne de croquettes, les vomissements intempestifs sur le tapis du salon quand il s’est trop goinfré et l’organisation quasi militaire que constitue le moindre départ de plus de deux jours. 

Donc le nid est occupé, la charge mentale intacte. Rien n’a changé. Sauf quand les enfants passent à la maison. Le chat ne les supporte pas. Et vice versa. Ma vie devient alors un enfer. Je reçois un tombereau de reproches à propos de ma mauvaise éducation féline, de la place prédominante que je donne à l’animal, de son surpoids, de sa photo qui trône de façon soi-disant indécente au milieu de celles de la famille. 

Gros chat en rajoute, ne manque pas de faire un caca odorant à côté de sa caisse au beau milieu du repas et de distribuer des coups de griffe vicieux au moindre geste un peu brusque. Même Chéri, plutôt copain avec Raminagrobis, trouve que je me laisse manger la pâtée sur la tête, qu’il est urgent de sevrer cette bête de ma présence et que je lui montre quelle est sa place. Alors, j’ai décidé de quitter le nid. J’ai accepté cette proposition de boulot, à l’autre bout du monde, tellement passionnante. Et je me suis envolée sous les yeux de la famille atterrée. 

Souvent, les dimanches soir, on se fait des visios. Je les vois réuni·es autour du (Pa)chat, de plus en plus gros. Il paraît qu’ils font une garde alternée. Une semaine chacun·e. Tous et toutes me disent, avec des larmes au fond des yeux, que je leur manque énormément. Moi aussi, bien sûr. De temps en temps. 

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