Yaël Braun-​Pivet devient la pre­mière femme pré­si­dente de l’Assemblée nationale

La députée Renaissance des Yvelines a été élue présidente de l’Assemblée nationale ce mardi. Une élection historique, puisqu’il s’agit de la première femme à la tête du Palais Bourbon. Une consécration personnelle aussi, pour une femme dont les débuts politiques ont été semés d’embûches.

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©G.Garitan

Yaël Braun-Pivet aime ouvrir la voie. Elle était déjà la deuxième femme à présider la prestigieuse Commission des lois sous la XVème législature, voici qu’elle devient, ce mardi 26 juin, la première femme à présider l’Assemblée nationale sous la XVIème. La députée Renaissance de la 5ème circonscription des Yvelines a été élue au deuxième tour avec 242 voix, devant la socialiste représentante de la Nupes, Fatiha Keloua-Hachi (146 voix), la LR Annie Genevard (61) et le candidat RN Sébastien Chenu (90), qui a décidé de retirer sa candidature à l'issue du premier tour. Yaël Braun-Pivet prendra dès demain ses quartiers à l’hôtel de Lassay, après quatorze locataires masculins depuis 1958. Une élection historique d’autant plus symbolique que le nombre de femmes élues députées le 19 juin dernier est en recul de 2% par rapport à 2017.

Si son élection était dans les tuyaux, elle n’en reste pas moins inattendue. Nommée à la tête du ministère des Outre-Mer à la fin du mois de mai par Élisabeth Borne et réélue députée des Yvelines le 19 juin, Yaël Braun-Pivet n’avait pas prévu de se présenter à l’élection au perchoir. Le président de l’Assemblée Richard Ferrand, personnage emblématique de la macronie, devait en effet rempiler pour un second mandat jusqu’à ce qu’il se fasse battre par la Nupes dans sa 6ème circo du Finistère. 

Ministre éphémère 

Alors, dès le soir du second tour des législatives, des député·es, y compris de l’opposition, demandent à la ministre fraîchement nommée de revenir au Palais Bourbon pour représenter la majorité, rapporte Libération dans un portrait de la nouvelle présidente de la chambre basse. « Je lui ai envoyé un SMS pour lui dire que ça devait être elle, déclare le député LR Raphaël Schellenberger auprès du quotidien. C’est une personnalité de nature à apaiser les choses. » Après avoir remporté la primaire de la majorité mercredi 22 juin, Yaël Braun-Pivet a démissionné de son poste de ministre des Outre-Mer le week-end du 25. Un aller-retour express dans le gouvernement qui a d'ailleurs suscité une forte colère chez les élu·es ultramarins, dont les territoires traversent actuellement une crise politique sans précédent.  

Au-delà de cette récente crispation, la personnalité de Yaël Braun-Pivet semble avoir fait consensus sur les bancs de l’Assemblée. Que ce soit dans son groupe de la majorité comme dans ceux de l’opposition. « Elle a su écouter et en même temps avoir de la poigne quand il fallait, poursuit Raphaël Schellenberger auprès de Libé. Elle a défendu l’institution, parfois tenu tête au gouvernement, par exemple sur des sujets de calendrier, même si elle n’a pas toujours gagné. On la respecte et on l’estime. »

« Benalla de l’Assemblée nationale »

Yaël Braun-Pivet fait son entrée en politique il y a cinq ans. Élue dans la 5ème circonscription des Yvelines, elle a fait partie de la cohorte des nouveaux·elles élu·es macronistes qui avaient massivement investi l’Assemblée en 2017. Si aujourd’hui elle est respectée de ses pairs, les débuts de cette avocate pénaliste de 51 ans bombardée au poste de présidente de la Commission des lois n’ont pas été de tout repos. Ses premiers pas dans un microcosme jusqu’ici inconnu lui ont même valu un procès en amateurisme, intenté par les député·es de son camp comme de ceux de l’opposition.  

Il y a eu au départ l’affaire Benalla à l’été 2018, dans laquelle l’ancienne directrice de centres d’accueil des Restos du cœur tenait le rôle de corapporteuse de la commission d’enquête sur l’ex-collaborateur du président, Alexandre Benalla. Un « mauvais rôle » pour l’inexpérimentée présidente de la Commission des Lois, accusée par plusieurs député·es de « protéger » l’Élysée. L’Insoumis Alexis Corbière la qualifiant même de « Benalla de l’Assemblée nationale ». Après quatre jours d’auditions, la commission d’enquête explose en plein vol et aucun rapport ne sera finalement publié. 

Putsch politique

Puis c’est le faux pas politique qu’elle commet quand elle postule quelques semaines plus tard pour remplacer François de Rugy à la présidence de l’Assemblée. « Je crois que ce n’est pas à la hauteur des aspirations des Français au renouvellement », déclare Yaël Braun-Pivet au micro de RTL au sujet de la candidature de Richard Ferrand. Coup de tonnerre, six heures plus tard : la marcheuse se retire de la course et fait part de son « choix personnel » de soutenir ce même Richard Ferrand. 

Agacé·es autant par le crime de lèse-majesté à l'encontre de ce très proche d'Emmanuel Macron, que par le soudain changement de cap, des député·es LREM auraient monté un « putsch » pour la destituer de la présidence de la Commission des lois lors du renouvellement annuel des postes en octobre 2018. Selon des informations de L’Express, il y aurait eu aussi des raisons moins avouables, liées à une forme de jalousie. « L'accession d'une néophyte à l'un des postes les plus prestigieux de l'Assemblée a été mal vécue par des élus chevronnés, mais aussi par des petits nouveaux qui se seraient bien vus à sa place », rapporte le média en 2018. 

Tenir la barre 

Mais Yaël Braun-Pivet tient la barre. Elle est même réélue à la tête de la Commission des lois à la mi-mandat en 20191. « Elle a peut-être péché par inexpérience au début, mais il faut lui reconnaître qu’elle a progressé, salue aujourd’hui la députée socialiste Cécile Untermaier auprès de Libération. C’est une femme d’ouverture, intelligente, animée par la volonté de réussir. »

Quand a sonné l’heure du bilan en juin, beaucoup sur les bancs de l’hémicycle ont salué sa capacité d’écoute, son ouverture à travailler avec des député·es de tous bords et sa bonne humeur. Des qualités qui lui ont permis de s’imposer dans sa fonction. On compte parmi ses faits d’armes, entre autres, la création de structures d’accompagnement vers la réinsertion après une peine de prison, la création d’une amende forfaitaire pour trafic de stupéfiant ainsi que la fin du « verrou de Bercy », un mécanisme judiciaire qui réservait à l’administration fiscale l’initiative de poursuites pour fraude fiscale.  

Propos sexistes

Yaël Braun-Pivet a aussi dû, comme nombre de ses consoeurs, faire face à des remarques misogynes sur les bancs de l’Assemblée. En janvier 2018, la présidente de la Commission des lois rappelle à l'ordre le député LR Robin Reda, accusé d'avoir révélé à la presse des éléments de son rapport sur la pénalisation du cannabis, avant même de les présenter à l'Assemblée. Réponse de Robin Reda : « Merci pour ce rappel au règlement quasi maternel » avant de se justifier : « Je dis ça parce que vous pourriez être ma mère ».

Seul caillou dans la chaussure de Yaël Braun-Pivet : son rejet en 2018 de l’inscription du droit à l’avortement dans le préambule de la Constitution demandée à l'époque par les député·es LFI. « Il n’est nul besoin de brandir des peurs en France », assurait-elle. Des propos qui la rattrape aujourd’hui alors que la majorité a déposé samedi une proposition de loi pour inscrire justement le droit à l’avortement dans le marbre. Mais le plus grand enjeu de son mandat reste sûrement, pour l’heure, de tenir les rênes d’une Assemblée qui n’a jamais été aussi fragmentée. 

Lire aussi I Quatre ans plus tard, la majorité consent à inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution

  1. En 2017, les député·es de la majorité s’étaient engagé·es à remettre en jeu l’ensemble des postes à responsabilité à mi-mandat[]
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