HUGUES DE BEAUCHESNE AURORE BERGE 02
© Hugues de Beauchesne / Wikimedia Commons

Travail d'intérêt géné­ral pour "parents défaillants" : "absurde, nul et non-avenu"

La ministre des Solidarités et des Familles Aurore Bergé a annoncé dans La Tribune Dimanche la mise en place de travaux d'interêts généraux pour les "parents défaillants" ainsi que des amendes et la création d'une commission scientifique sur la parentalité. Une aberration pour Aurélia Sevestre, membre du collectif Pour une parentalité féministe (PA.F).

Causette : Comment le collectif a t-il accueilli les annonces de la ministre ?
Aurélia Sevestre :
D'abord, cela nous a fait bondir. Ensuite, nous pointons l'ambiguïté de ces déclarations : il s'agit à la fois de sanctions mais aussi d'organiser une commission sur la parentalité, co-présidée par le pédopsychiatre Serge Hefez, c'est à dire promettre à la fois la carotte et le bâton. C’est absurde, nul et non-avenu : cela ne va avoir aucun effet sur le fond du problème, qui n’est pas de restaurer l’autorité sur les enfants mais d’éduquer à la responsabilité parentale. Aurore Bergé évoque des "parents débordés" à accompagner : mais si la responsabilité parentale était équitablement partagée à la base, il y aurait moins de parents (comprendre, de mères) débordés. Ce qu'il faut, c'est surtout changer la législation pour appliquer des politiques sociales différentes, qui vont traiter le problème à la source.

Causette : Est-ce une manière déguisée de stigmatiser les mères célibataires ?
A. S. : Aurore Bergé ne précise pas qui est le "parent défaillant" dont elle parle. Est-ce qu’à chaque fois qu’un enfant commet des violences, on va sanctionner le parent qui s’occupe des enfants, qui en a la charge effective ou bien celui qui n’est pas là, absent et effectivement défaillant ? Il est clair que l’idée de la ministre est de restaurer l’autorité parentale sur les enfants, à la suite des émeutes du mois de juin. À ce moment-là, le gouvernement avait pointé du doigt la responsabilité des familles monoparentales. Or, elles constituent un quart des foyers en France et très souvent, il s'agit de mères célibataires. Est-ce que ce sont les mères célibataires que l'on imagine faire des travaux d’intérêt général ? Est-ce que ce sont elles qui vont payer des amendes parce qu’elles ne se présentent pas à l’audience de leur enfant lorsqu'elles sont en train de faire des ménages...? Le vrai problème, c'est la loi, qui organise les inégalités sociales et économiques entre les sexes, entre les pères et les mères. On arrive à des situations catastrophiques puisque 45% des familles monoparentales vivent sous le seuil de pauvreté : or, c'est cette pauvreté qui jette les gamins dans la rue, au pied des tours. On sait que, dans un tiers des cas, les pères ne versent pas la pension alimentaire, qu'ils organisent leur insolvabilité pour que le juge ne fixe pas de pension. Il y a un vrai souci.

Causette : Comment responsabiliser les pères ?
A.S:
La tentation de sanctionner est grande, mais on voit que cela ne règle pas le problème. Les sanctions sont faciles à mettre en place mais une fois que le parent a été sanctionné, qu'est ce qui garantit qu’il sera moins absent, plus responsabilisé ? Rien. Le gouvernement ne prend pas le problème dans le bon sens : pour nous, il s'agit d'abord d'un problème d'éducation... des parents. Être mère, ça s'apprend et être père, aussi. Aujourd’hui, les pères ne bénéficient pas du même temps de "formation" que les mères après la naissance : nous, on milite pour un congé paternité aligné sur la durée du congé maternité avec une partie non transférable à la mère, pour que le père s’occupe seul de son enfant dès les premiers jours de la vie. C'est très important.

Causette : Qu'en est-il de cette commission annoncée sur la parentalité : est-ce une fausse bonne idée?
A.S :
A priori, cette commission va se mettre en place et c’est très bien, en théorie. Elle devrait être constituée de pédopsychiatres, de magistrats, de sociologues... on peut donc avoir bon espoir qu’ils abordent les problèmes de façon interdisciplinaire. Mais il y a déjà eu celle sur les 1000 premiers jours de l'enfant, en 2020 et après, qu’est ce que cela a donné ? Comme tous les rapports, est-ce suivi de changements de législation ? Bien souvent, non. Ensuite, on parle de commission sur la parentalité alors que l'on devrait plutôt parler de co-parentalité : on en revient toujours au même problème, qui est de ne pas responsabiliser au même titre le père et la mère. Nous devons avoir les mêmes droits parce qu’ils impliquent les mêmes devoirs vis-à-vis des enfants.

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