@tim goedhart
© Tim Goedhart

Séquelles de la Covid-​19 : réap­prendre à respirer

Fatigue, essoufflement, anomalie cardiaque… Certains malades de la Covid-19 gardent des symptômes longtemps après avoir contracté la maladie. Trois d’entre eux, d’âges différents, ont accepté de raconter leurs séances de kinésithérapie respiratoire, qui consistent à retrouver le souffle et reprendre goût à la vie.

Krimo, 64 ans

Après trois séances de rééducation, Krimo voit déjà une amélioration. « Je vais plutôt bien ce matin, j’ai un peu plus de forces. Avec le kiné, on y va à fond. » Son kiné, c’est Vincent Marson, installé à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine), après dix ans de pneumologie. Il coordonne le réseau Récup’air, un collectif de cent vingt kinés rejoints par une centaine de volontaires pour développer la prise en charge des patient·es post-Covid. Depuis le déconfinement, le réseau a reçu une cinquantaine de patient·es orienté·es par les médecins et les pneumologues des hôpitaux. « On observe des similitudes avec les maladies respiratoires chroniques que l’on connaît. La différence, c’est l’essoufflement pathologique post-Covid. Mais on a des armes pour aider le patient à prendre le contrôle de son souffle. Reste ensuite à appliquer cette gestion à l’effort. » Grâce aux techniques de rééducation des poumons, Vincent Marson reste plutôt optimiste quant à la récupération rapide et réelle post-Covid, d’autant plus avec les patient·es qui se portaient très bien avant. C’est le cas de Krimo, ingénieur franco-algérien. « Je faisais quarante-cinq minutes d’activité physique par jour, j’avais une bonne hygiène de vie. L’hospitalisation, ça m’a déstabilisé. La Covid-19, c’est pas une maladie, c’est comme si on nous inoculait un truc dans les poumons. Du jour au lendemain, on est essoufflé tout le temps. » Il se trouvait en Algérie, sur le chantier d’autoroute qu’il dirige, quand il s’est senti fatigué. Un premier scanner des poumons indique une atteinte de 10 à 15 %. Une semaine plus tard, après avoir été rapatrié dans un hôpital parisien, un second scanner montre entre 50 et 75 % de lésions. Il restera six jours en réanimation et dix-sept jours en tout à l’hôpital. Il s’applique désormais à suivre les exercices prescrits pour sa remise en forme, recommence à marcher trente minutes par jour, en plus de ses trois séances de kiné hebdomadaires où il apprend à mieux respirer. « Je ne peux pas commander mes poumons, mais je sais que je peux arriver à remonter la pente. Et puis je dois bien reprendre mon travail. Si je suis rétabli à 80 %, je retournerai en Algérie et je finirai ma rééducation là-bas. »

Thomas, 25 ans

Allongé dans un cabinet de kiné parisien, Thomas répète ses exercices : inspiration par le nez en gonflant la cage thoracique, expiration par la bouche en rentrant le ventre. « Une mesure de nez pour deux mesures de bouche », pendant que le kiné appuie les mains sur son ventre, son thorax, son dos. « C’est pas douloureux, ça me permet de prendre conscience de mes poumons et de mon débit d’air. » Ses constantes sont normales, voire bonnes. « C’est incompréhensible : en théorie, il pourrait courir un marathon, mais il souffre d’une fatigue énorme », commente Pierre Kourovsky, qui n’a jamais vu ça en trente-deux ans de pratique. Depuis qu’il a eu la Covid en mars, Thomas se sent constamment crevé. Lui qui s’était mis à la boxe et pratiquait le tennis a désormais du mal à assurer son travail de développeur Web. « Je ne peux pas rester concentré, parfois, j’ai besoin de m’allonger un moment. » En août, il finit par consulter la médecin généraliste Marie-Laure Alby, intervenue sur de nombreux plateaux de télévision. Elle l’oriente vers une consultation post-Covid à l’hôpital Cochin, qui l’oriente à son tour vers le réseau Récup’air. Ces patient·es demeurent un mystère pour Pierre Kourovsky, l’un des coordinateurs du réseau. « Les bronchites chroniques ou l’asthme, on sait faire. Mais la Covid, c’est incompréhensible. Les conséquences de la maladie sur le long terme sont multiples, il y a autant de symptômes que de patients. » En plus de son ordonnance pour quinze séances de kiné, Thomas s’est vu prescrire cinq séances de soutien psychologique. « Ça me fait du bien de parler de la maladie. J’ai peur de contaminer les gens, je deviens parano. » Sa famille et ses collègues se montrent compréhensif·ves. « Personne ne me dit que c’est dans ma tête, ils ont même plutôt peur pour moi. » Quand il se sent seul, Thomas regarde le hashtag #AprèsJ20 sur Twitter, qui sert de point de ralliement à celles et ceux qui souffrent d’une Covid longue. « Mais c’est une connerie, après, je me sens encore plus mal. » Après les exercices de respiration suit le renforcement musculaire sur Huber 360 Evolution, sorte de Wii Fit géante dans laquelle Pierre Kourovsky et ses associés ont investi 30 000 euros. « Elle permet de solliciter l’ensemble du corps et de travailler en douceur avec des programmes personnalisés. » Sans oublier de respirer, bien sûr. À terme, son kiné espère lui faire suivre un programme plus sportif. « Mais pour ça, Thomas doit être plus en forme. »

Grégory, 39 ans

Ce matin-là, Grégory sort tout juste de sa séance de kiné à l’Espace du souffle à Tours (Indre-et-Loire). À part une pause pendant le mois d’août, il s’y rend trois fois par semaine depuis début juin. « Je ne vois pas de différence, j’ai toujours un très gros essoufflement, surtout au repos. Ma compagne aussi a été malade, mais elle s’est remise au bout de dix jours. Pour moi, ça fait six mois et demi, sans aucune explication. On est face à une maladie où tout le monde est perdu. » Avant la Covid-19, Grégory courait trois à quatre fois par semaine. Rien d’extraordinaire pour cet enseignant qui a bouclé plusieurs marathons. Aujourd'hui, il peine à enchaîner plus de vingt « assis-debout » sur une chaise en trente secondes et se heurte à l’incompréhension autour de lui. « On a très peu de cas à Tours, les médecins sont peu informés. J’ai dû en changer deux fois pour en trouver un qui me croie ! Les kinés ne sont pas plus informés. Ils ont commencé à me traiter en faisant comme pour les maladies qu’ils connaissent, c’est-à-dire avec une réadaptation à l’effort en remusclant le cœur. Plus ils me poussaient, moins bien j’allais : je faisais des courses sur tapis, mais je mettais quatre jours à m’en remettre. » Pour mieux comprendre ce qu’il se passe, il va subir une épreuve d’effort cardio-respiratoire le mois prochain dans une clinique privée. En attendant, il lit beaucoup, notamment sur les réseaux sociaux. « Je fais partie de plusieurs groupes sur Facebook, mais les informations viennent de gens qui ne sont ni dans la recherche ni dans la médecine. » Néanmoins, cela lui permet de se rendre chez le kiné avec des pistes d’explication à explorer. Depuis qu’il a vu un cardiologue, il sait que son problème serait finalement plutôt cardiaque que pulmonaire. En théorie, ses poumons vont bien. « J’ai une vie en dents de scie : il y a des moments un peu meilleurs, alors on s’emballe et on retombe un peu plus bas quand il y a une nouvelle crise. Il y a des gens pour qui ça s’améliore, pour moi non.

Partager
Articles liés

Inverted wid­get

Turn on the "Inverted back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.

Accent wid­get

Turn on the "Accent back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.