Ils sont réputés forts, courageux, entraînés, dévoués et figurent dans le haut du tableau des fantasmes féminins. Et ils aiment bien en profiter. Alertée par de récents scandales sexuels qui ont entrouvert la porte des casernes, Causette s’est attardée sur les rapports que les soldats du feu entretiennent avec la gent féminine. Elle s’est rendu compte que règlements et déontologie ne pèsent pas lourd face à une partie de fesses collective. Du piège à filles du 14 juillet au viol en réunion, le mythe du pompier prend un sacré coup. Enquête sous l’uniforme.
Le dossier que tient l’avocat Rodolphe Constantino entre les mains est lourd. Les faits, s’ils sont avérés, éminemment graves : viol en réunion, viols et agressions sexuelles sur une mineure de moins de 15 ans. Les personnes mises en cause : vingt sapeurs-pompiers de Paris et de sa petite couronne. Voilà deux ans que sa cliente, aujourd’hui âgée de 17 ans, a déposé plainte, avec ses parents. Peu avant l’été, Me Constan- tino décide de parler de cette affaire dans la presse. En plein scandale dit de « l’affaire du bus » (voir l’encadré), à la suite duquel plusieurs militaires de la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) ont été mis en examen pour viol, les pompiers voient rouge. Leur image est un temple que personne ne vou- drait voir profané. Les quelque 250 000 soldats du feu répartis sur tout le territoire sont en effet habitués — et attachés — à avoir une excellente réputation. Et pourtant.
« Des sollicitations quotidiennes »
Représentant national d’un syndicat de pompiers
Alain est jeune retraité. Il a fait une carrière de pro chez les sapeurs-pompiers. Et il le concède sans détour : « On nous prend pour des héros, des supermen. » « Beaucoup d’hommes pompiers sont attirés par la valorisation sociale que leur offre le métier, surtout vis-à-vis des nanas, estime Laurie1, ancienne sapeur-pompier volontaire dans l’Aveyron. Les muscles saillants, le gel bien mis en toutes conditions… Ce sont des petits coqs. »
Il suffit d’aller humer l’ambiance électrique d’un bal du 14 juillet dans une grande caserne du Sud-Est de la France pour s’en convaincre. Ce soir-là, plus d’un millier de personnes sont venues se déhancher au son d’une musique de boîte de nuit. Il est presque 2 heures du matin quand une dizaine de pompiers s’éclipsent dans la salle de gym de la caserne. Quelques pompes et tractions plus tard, les muscles regon- flés, l’uniforme ajusté, ils sont portés en triomphe par d’autres pompiers et déposés sur des podiums pour offrir à leur public un strip-tease bouillant. Le champagne coule sur les torses bombés et épilés de ces Chippendales d’un soir, que viennent caresser frénétiquement les femmes accourues en nombre. Le temps d’une soirée, hébétées, elles tiennent dans leurs bras… LE fantasme2. Plus débridée que d’ordinaire, cette prise de la Bastille ?
Pas vraiment. Pour les pompiers, c’est la routine du bal. Une tradition qui « rapporte » : « Le 14 juillet, vous faites votre marché pour l’année, vous remplissez le répertoire de numéros de téléphone », explique en riant le représentant national d’un syndicat de pompiers. Et le reste de l’année ? Ben, c’est pareil. « Vous n’imaginez pas le nombre de sollicitations dont on fait l’objet. À Paris, c’était quotidien », se souvient le syndicaliste, qui a débuté à la BSPP.
Dans l’Est de la France, la secrétaire d’une caserne confirme : « On reçoit chaque semaine des mails, des lettres, des coups de téléphone de femmes qui souhaitent prendre contact avec tel ou tel pompier qu’elles ont croisé. » Elle, goûte peu cet engouement. Au contraire, elle y voit un terrain propice à des « dérives ». Et le lâche tout de go : lorsque l’affaire du bus a éclaté, elle s’est sentie « limite contente » que quelqu’un ait eu « le courage de porter plainte pour que la porte s’ouvre un peu ». Elle l’affirme : « J’ai vu des trucs, je continue à en voir. Des comportements lamentables, parfois salaces. » L’éventail des écarts de conduite est large : de la malheureuse initiative des pompiers de Ribeauvillé (Haut-Rhin) qui croyaient être bien inspirés en posant nus, un gant posé sur le sexe, pour un[…]