Dans une boulangerie d’un quartier populaire de Montpellier, les livres servent de prétexte à la rencontre entre habitant·es du centre et de la périphérie. Ou comment se réchauffer l’âme entre un thé à la menthe et un extrait de Salinger…
« On voudrait une fraise, là. Une banane… Et puis le rose aussi. » Le visage collé au bac à bonbons, les deux enfants ne s’émeuvent pas du tohu-bohu qui naît dans leur dos. S’ils se retournaient, ils verraient l’écrivain Nourdine Bara installer chaises et tables dans un coin du Pain d’Or, la boulangerie de La Paillade, un quartier populaire de Montpellier (Hérault). Auteur du roman Le Tour de toi en écharpe (éd. Domens), mais aussi de pièces de théâtre, réalisateur d’un court-métrage, Nourdine est un touche-à-tout qui aime que la culture et la parole citoyenne s’invitent dans l’espace public. Sous l’œil placide des client·es venu·es acheter une baguette, son acolyte et l’animateur de la soirée, Lazreg Ghenaim, interpelle l’assemblée qui s’installe doucement, une tasse de thé à la menthe en main : « Tout le monde s’est inscrit ? » Avant de murmurer, entre inquiétude et ravissement : « On était partis sur une dizaine de personnes, en fait, il y en a au moins vingt ! » Prestement, Nourdine extrait quelques tabourets supplémentaires dissimulés derrière le rideau d’un vieux Photomaton.
Depuis un an, la boulangerie accueille une initiative imaginée par l’écrivain : « Dites-le avec un livre ». Les participant·es sont invité·es à présenter un ouvrage qui leur tient à cœur et la façon dont celui-ci a influé sur leur vie. Car, comme le précise le maître d’œuvre, « cela s’appelle “Dites-le AVEC un livre”. Pas “Dites un livre”. » Au départ, les rencontres avaient lieu à l’extérieur : installées sous des arcades, les boutiques du quartier convergent en effet vers une placette dominée par un pin parasol. Mais, avec la venue du froid, Ahmed, le boulanger, s’est proposé pour accueillir les assemblées.

Lendemain de drame
Une énième causerie littéraire ? Pas vraiment. D’abord parce que La Paillade, avec ses 12 500 habitant·es vivant sous le seuil de pauvreté, ses 45 % de population sans diplôme et son taux de 46 % de chômage chez les moins de 26 ans, ce n’est pas vraiment Saint-Germain-des-Prés. Plutôt un quartier[…]