198489492 522373515558948 4837319648259282310 n
©AT

Remboursement des consul­ta­tions psy : le dis­po­si­tif divise les psychologues

Depuis mardi, les Français·es peuvent bénéficier d’un forfait de huit consultations chez le·la psychologue, intégralement pris en charge par la Sécurité sociale et les complémentaires santé. Un dispositif qui suscite le mécontentement d’une partie des professionnel·les de la santé mentale.

Dans une volonté de mieux prendre en charge la santé mentale, mise à mal par la crise sanitaire du Covid-19, le gouvernement a inauguré hier la plateforme MonPsy. Désormais, tous·tes les Français·es de plus de trois ans peuvent, via ce dispositif, se faire rembourser huit séances par an chez un·e psychologue partenaire de l’opération gouvernementale. Une mesure qui s’ajoute au « chèque-psy » pour les étudiant·es mis en place en février 2021, complété mi-avril 2021 par « un forfait 100% psy enfant » en faveur des 3-17 ans. « La pandémie a révélé l’importance du sujet de la santé mentale », avait déclaré Emmanuel Macron lors des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie en septembre 2021.

Un dispositif nécessaire pour le gouvernement car, pour l’heure, la prise en charge psychologique reste assez marginale en France. Seule une personne en dépression sur trois est suivie par un·e professionnel·le de santé, à en croire le sondage dévoilé en septembre 2021 par l’Union nationale de familles ou amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (Unafam) et la Fondation Pierre-Deniker. Et un·e Français·e sur dix serait actuellement touché·e par la dépression, selon l’étude. Or, de nombreux·es pychologues jugent le dispositif insuffisant. Le 29 mars, plus de 2 000 praticien·nes ont d’ailleurs signé une tribune dans Le Monde appelant au boycott de la plateforme MonPsy, considérée comme de « la poudre aux yeux ». « Beaucoup de psychologues sont favorables à un dispositif de remboursement des séances au nom d’une égalité d’accès aux soins psychiques […] Pour autant, le dispositif MonPsy est inacceptable et dangereux pour nous comme pour nos futurs patients », écrivaient les signataires.

Prescription médicale

Car, concrètement, pour bénéficier du remboursement, plusieurs conditions sont à remplir et ce sont justement ces dernières qui suscitent le débat chez les professionnel·les. Premier point de crispation : la nécessité pour le·la patient·e de passer par la case médecin pour demander à son·sa généraliste une prescription médicale. Une condition jugée « inadéquate » par une partie des psychologues car n’appartenant pas au « domaine de compétences des médecins ».

De plus, l’obligation de se confier une première fois chez son médecin avant de le faire auprès d’un·e psychologue peut « provoquer une réticence supplémentaire », entrainant « un retard de prise en charge », souligne Patrick-Ange Raoult, secrétaire général du Syndicat national des psychologues (SNP) et signataire de la tribune du Monde. La Fédération française des psychologues et de psychologie (FFPP) adopte sur ce point une position plus mesurée. Selon sa présidente, Gladys Mondière, il aurait fallu trouver un dispositif hybride, en laissant le choix entre un passage par le généraliste et un accès direct vers un·e psychologue.

Consulter un·e psy référencé·e

Pour avoir accès aux huit séances, le·la patient·e devra obligatoirement consulter un·e psychologue référencé·e sur la plateforme gouvernementale MonPsy. Sur les 18 000 psychologues libéraux·ales exerçant en France, 1 300 se sont porté·es volontaires, selon le ministre de la Santé, Olivier Véran. Les candidat·es doivent répondre à des critères d’éligibilité pour apparaître sur la plateforme, comme l’obligation d’avoir exercé pendant au moins trois ans. À l’heure actuelle, 600 psy sont inscrit·es.

La première séance d’évaluation sera facturée et remboursée à hauteur de 40 euros, les suivantes à 30 euros – la Sécurité sociale prend en charge 60% des frais et la complémentaire santé 40%. Pour justifier ces calculs, le ministère affirme avoir tenu compte de la durée moyenne d’une séance, estimée à « environ quarante minutes ». Une décision « lourde de conséquences » car elle « condamne l’ensemble de la profession à une paupérisation sans précédent », déplorent les signataires de la tribune. Le tarif d’une séance de thérapie est de soixante euros environ.

Qui pourra en bénéficier ?

Une partie des psychologues estime également que le dispositif exclut les troubles psychologiques les plus graves. Il s’adresse aux Français·es souffrant de troubles dépressifs et anxieux d’intensité « légère à modérée », précise la plateforme MonPsy. Les enfants de plus de trois ans et les adolescent·es concerné·es doivent être « en situation de mal-être ou souffrance psychique d’intensité légère à modérée, pouvant susciter l’inquiétude de l’entourage (famille, milieu scolaire, médecin…) ». Quant aux adultes, iels doivent être « en souffrance psychique présentant un trouble anxieux d’intensité légère à modérée ; un trouble dépressif d’intensité légère à modérée ; un mésusage de tabac, d’alcool et/ou de cannabis (hors dépendance) ; un trouble du comportement alimentaire sans critères de gravité. » Pour les personnes en proie à des « pensées suicidaires » ou à troubles psychiques « plus sévères », la plateforme précise que « le patient sera orienté vers des soins plus spécialisés ». Au total, le ministère envisage une prise en charge d’environ 200 000 personnes.

C’est ce plafonnement qui suscite le mécontentement des professionnel·les. « Les patients en burn out ou prenant un traitement antidépresseur, souffrant de troubles alimentaires ou d’une addiction, seront de facto exclus de cette prise en charge », dénonce la tribune qui critique également le nombre « insuffisant » de séances. « Nos patients ont souvent besoin de plus de huit séances, si le nombre de séances annuelles remboursées est limité à huit, comment allons-nous clore de manière imposée ce qui a commencé à s’ébaucher ? “Vous vous êtes livrés tout l’été ? Eh bien ! Payez maintenant !” », interrogent, amer·ères, les signataires, qui ajoutent pour conclure : « Nous sommes des psychologues, nous ne serons jamais des vendeurs de soins psychiques. »

Lire aussi I Santé mentale : les psychologues dans la rue pour défendre leur profession

Partager
Articles liés

Inverted wid­get

Turn on the "Inverted back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.

Accent wid­get

Turn on the "Accent back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.