woman in gray scarf and coat standing near bridge
(©Raychan)

Racisme anti-​asiatique : une étude de la Défenseure des droits dénonce son invi­si­bi­li­sa­tion et sa récente explosion

La Défenseure des droits a publié, cette semaine, une grande enquête sur le racisme anti-asiatique, invisibilisé et qui se répand largement dans toutes les strates de l'espace public.

Un racisme et des discriminations largement invisibilisé·es, qui ont explosé depuis le début de l'épidémie de Covid-19. C'est le constat tiré de l'étude sur le racisme anti-asiatique publiée cette semaine par la Défenseure des droits Claire Hédon, et réalisée par le Réseau de recherche pluridisciplinaire « Migrations de l’Asie de l’Est et du Sud-Est en France » (MAF), le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) et l’Association des Jeunes Chinois de France (AJCF).

L'enquête, à laquelle 32 jeunes diplômé·es, résidant en France et originaires de l’Asie de l’Est et du Sud-Est, ont répondu « révèle les multiples formes de discriminations et de racisme auxquels les personnes perçues comme d’origine asiatique sont exposées dans différents domaines de la vie sociale, que ce soit à l'école, dans le monde du travail ou l'espace public », selon les chercheur·ses l'ayant menée.

Fréquemment, ce racisme se manifeste « sous la forme de l'humour », soulignent ces dernier·ères, constituant alors « un moyen de l'euphémiser » : « Du point de vue de l’auteur d’actes ou de propos racistes, les blagues et plaisanteries peuvent constituer un alibi et une forme de mise à distance afin de dissimuler son opinion raciste ou discriminatoire. » L'enquête montre également que les blagues et plaisanteries à caractères raciste et/ou discriminatoire « prennent place le plus souvent au sein des relations sociales de proximité - entre collègues, amis, camarades de classe... ». Une situation qui rend d'autant plus difficile la dénonciation de ces actes.

« Yeux moches », « bol de riz », « tu sens les nems»...

Le racisme n'est pas de la même intensité, ni de la même forme, selon les espaces où il prend place. L'enquête montre que l'espace public en général « se caractérise par une multiplication des phénomènes de harcèlements à caractère raciste et sexiste », quand ces violences sont « peu évoquées dans le milieu familial ou dans les services publics (préfecture, bureau de poste) ».

Dès l'école, « le racisme et la stigmatisation s’appuient principalement sur l’apparence physique », relèvent les auteur·trices : « yeux moches », « peau sale », « nez épaté ». «Par un jeu de catégorisation, de labellisation et d’exclusion, les enquêtés apprennent dès le jeune âge leur différence avec les autres enfants
et commencent à développer une identité ethno-raciale
», expliquent-ils et elles. Ce racisme se conjugue également au mépris social. Les enfants des migrant·es économiques, souvent employé·es pour beaucoup dans ce que les chercheur·euses qualifient de « niches ethniques », notamment la restauration, subissent les moqueries de leurs camarades de classe « faisant allusion à la profession de leurs parents ("bol de riz", "Tu sens les nems"...) ». Une « humiliation quotidienne » qui a « profondément marqué certains enquêtés durant leurs études secondaires », ces dernier·ères éprouvant un sentiment de « honte » de leur origine sociale en tant qu’enfants d’origine immigrée en voie d’ascension sociale.

Après les études, le monde du travail est aussi beaucoup associé à la fois au racisme et aux discriminations. Et le diplôme, la qualification et la maîtrise du français « ne protègent pas les personnes d’origine asiatique contre les discriminations et le racisme » : « Les diplômés, les cadres et les artistes d’origine asiatique sont confrontés à des formes de discrimination et de stigmatisation : assignation ethnique des tâches, déni de reconnaissance de statut, plafond de verre...»

Racisme et sexisme

Au racisme, se mêle également du sexisme concernant les femmes asiatiques. Si les hommes « subissent des stéréotypes liés à leur masculinité souvent déniée ou dévalorisée, par rapport à une masculinité hégémonique occidentale », la féminité asiatique fait, quant à elle, « l’objet de fantasme et de fétichisme », analysent les auteur·trices.

Selon l’étude, les femmes asiatiques sont également fréquemment abordées dans la rue par des inconnus. Avec des interactions revêtant souvent « une dimension sexuelle et sexiste, liée à l’hypersexualisation du corps des femmes asiatiques ». « Les jeunes femmes asiatiques doivent composer avec des dragues, l’exhibitionnisme, la violence verbale (« Ça coûterait combien pour la nuit ? »), voire des agressions physiques, poursuivent les chercheur·euses. Ces expériences participent à un sentiment d’insécurité intense dans l’espace public. »

Peu de réactions et de recours

Cette enquête, commandée par la Défenseure des droits, révèle également qu'il existe un faible taux de réactions et de recours (à une autorité hiérarchique, policière, juridictionnelle, administrative...) face aux racisme et discriminations chez les victimes d’origine asiatique. D'une part, cela s'explique, selon les chercheur·ses, par les stéréotypes associés à ces personnes, qui vivent difficilement avec le mythe de « minorité modèle », ce dernier les enfermant dans des stéréotypes et empêchant les victimes de verbaliser et de dénoncer les traitements différenciés qu’elles subissent. D'autre part, cette même non-réaction et ce même non-recours « renforcent davantage la banalisation du racisme anti-asiatique et des discriminations envers les personnes d’origine asiatique ».

Mais si ce racisme et ces discriminations sont donc « rarement dénoncés, débattus publiquement ou encore sanctionnés juridiquement », les populations asiatiques commencent à s'organiser. En 2010, une première manifestation contre
les agressions physiques et l’insécurité à Belleville. La pandémie de Covid-19, par son apparition en Asie de l’Est, a d'ailleurs « accéléré le processus de conscientisation ainsi que l’appropriation du savoir et des répertoires d’action antiraciste, notamment dans la jeune génération d’origine asiatique ».

Les auteur·trices de l'étude estiment que deux leviers existent pour faire prendre conscience de cette forme de racisme. Il faut que le pouvoir d'agir et l'empouvoirement des communautés d’origine asiatique continue d'augmenter « afin de prendre conscience et reconnaître les manifestations de racisme et d’actes de discrimination, aux fins de s’en protéger, d’y résister et de les combattre ». Et « sensibiliser la population d’origine non asiatique et les acteurs institutionnels aux discriminations et racisme anti-asiatique ».

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