Marguerite de Navarre, fine fleur de la Renaissance

Celle que les poètes surnommaient la « Marguerite des Marguerites » est l’une des femmes les plus brillantes de la Renaissance. Sœur aînée de François Ier, duchesse d’Alençon puis reine de Navarre, elle exercera une grande influence politique, religieuse et culturelle sur le royaume. L’autrice de L’Heptaméron possédait plus d’une corde à son arc.

portrait of marguerite of navarre c. 1527. artist clouet jean c. 1485 1541
Portrait de Marguerite de Navarre (autour de 1527), par Jean Clouet.
© Heritage Image Partnership Ltd/Alamy Stock Photo

Issue de la célèbre dynastie des Capétiens et fille de Charles d’Orléans, comte d’Angoulême, Marguerite naît le 11 avril 1492 à Angoulême (Charente). Elle est cependant rapidement éclipsée par la naissance de son frère qui n’est autre que François Ier, le futur roi de France. Un cadet de deux ans qu’elle aime tendrement et auquel elle est très dévouée. Les deux enfants bénéficient d’une excellente éducation et Marguerite, qui se prend de passion pour les lettres, se révèle brillante. À 13 ans, elle parle l’italien et l’espagnol aussi bien que le français. L’érudite en herbe connaît aussi le grec, le latin et l’hébreu. Plus tard, elle étudiera même la philosophie et la théologie. 

Duchesse et diplomate 

Marguerite doit pourtant quitter ses chers instructeurs et sa famille à l’âge de 17 ans : sa mère, Louise de Savoie, la marie à Charles IV, duc d’Alençon. La vie de la jeune femme s’assombrit alors. Elle n’aime pas son époux, qu’on dit inculte et grossier, et connaît un quotidien morne au château d’Alençon. Mais le destin a de plus grands projets pour elle…

L’avènement de son frère en 1515 va changer la vie de Marguerite. François Ier la fait venir à la Cour, où elle participe à la vie mondaine. Mais, femme de caractère et d’une grande intelligence, elle ne s’arrête pas là. Elle épaule le roi pour les affaires politiques et négocie pour lui. Son influence s’accroît et elle joue un rôle diplomatique majeur en 1525, lorsque François Ier perd la célèbre bataille de Pavie, qu’il menait pour dominer l’Italie du Nord. Quand il est fait prisonnier en Espagne par l’empereur Charles Quint, Marguerite fait le voyage jusqu’en terre ibérique pour le libérer. Elle est mandatée pour négocier avec l’empereur germanique, qui réclame une rançon et des terres en échange du roi. Marguerite échoue dans sa mission et rentre bredouille. François Ier sera relâché une année plus tard, à la condition de signer le traité de Madrid qui l’oblige à céder des terres à Charles Quint et à abandonner la revendication d’autres régions. 

Reine et politique

Peu de temps après la bataille de Pavie, l’époux de Marguerite décède. Veuve et sans enfants, elle se remarie en 1527 avec Henri II d’Albret, roi de Navarre. Elle devient donc reine d’un royaume, aux côtés d’un homme qu’elle trouve bien plus séduisant. De leur union naîtra Jeanne d’Albret, future mère du roi Henri IV. Marguerite développe ses talents politiques durant ce second mariage. Elle administre le royaume avec son mari et continue ses négociations à l’échelle internationale. Pendant plusieurs années, elle tente d’atteindre la conciliation avec Charles Quint pour récupérer certains territoires au sud des Pyrénées. Elle organise des conférences, le flatte de multiples façons et envisage même une union entre sa fille et le fils aîné de l’empereur… Là encore, sans succès. 

Très instruite et amoureuse des lettres, Marguerite de Navarre anime la vie intellectuelle à la Cour et se sert de son influence pour favoriser le mouvement de la Renaissance. Elle protège des artistes tels Marot, Des Périers et Rabelais. Ce dernier dédie son Tiers Livre à cette reine à « l’esprit abstrait, ravi et extatique »*. Car Marguerite est une mystique. Elle se mêle à la vie religieuse de son époque et s’intéresse à la Réforme protestante, tout en maintenant ses liens avec l’Église catholique. La reine de Navarre entretient une correspondance avec l’évêque de Meaux, Guillaume Briçonnet, précurseur du réformisme, et protège les premiers réformés. Ainsi, Jean Calvin se réfugie auprès d’elle à Nérac. Elle publie des textes qui sont l’expression de son rapport à la foi, comme Le Miroir de l’âme pécheresse (1531), ce qui lui vaudra d’être accusée d’hérésie par la Sorbonne. Inspirée par les nouveaux penseurs, Marguerite tente de convaincre François Ier de s’ouvrir aux idées religieuses modernes qui se diffusent alors en France. Mais, aux alentours de 1540, le contexte politique devient si épineux que le roi cesse de soutenir les inclinations de sa sœur. Il s’affiche résolument en faveur du catholicisme et l’écarte de son entourage. C’est un véritable déchirement pour Marguerite, qui est séparée de cet homme qu’elle aime tant. Perdant de son influence, elle se retire dans ses terres et se consacre à l’écriture.

Une femme de lettres

Marguerite écrit depuis toujours, mais c’est à la fin de sa vie que son talent se révèle entièrement. On connaît ses Marguerites de la Marguerite des princesses (1547), recueil de nombre de ses poèmes, mais l’apothéose de sa création est L’Heptaméron, un recueil de soixante-douze nouvelles qui se déroulent en sept jours – le huitième étant incomplet. Elle aurait rédigé cette œuvre entre 1540 et 1545, en prenant pour modèle les dix journées du Décaméron, de l’Italien Boccace. L’ouvrage de la reine de Navarre est d’une grande richesse. On y trouve des récits de galanterie, de violence, mais aussi du tragique et des histoires d’amour. Marguerite n’aura malheureusement pas le temps de terminer ce livre, qui paraîtra à titre posthume. L’œuvre inachevée est d’abord recomposée et éditée partiellement par Pierre Boaistuau en 1558, avec pour titre Histoire des amants fortunés. En 1559, Claude Gruget publie les soixante-douze nouvelles sous le titre Heptaméron. Des nouvelles de la reine de Navarre. 

La vie de Marguerite de Navarre se sera achevée bien plus tôt. Elle meurt le 21 décembre 1549 à Odos (Hautes-Pyrénées), près de Tarbes. Née deux ans avant son frère adoré, elle s’éteint deux années après lui. 

* Épigraphe du Tiers Livre, de François Rabelais, publié en 1546.

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