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Amine Mojito. © Capture d'écran Instagram

L’ex-youtubeur Amine Mojito condam­né pour pro­vo­ca­tion à la haine et à la vio­lence à l’égard des femmes

Le jeune homme de 27 ans, qui s’était rendu célèbre en 2016 en diffusant des vidéos où il violentait des jeunes femmes, a été condamné, le 29 novembre dernier, à réaliser un stage de sensibilisation sur l’égalité femmes-hommes.

C’était en 2016. Amine Mojito, un youtubeur français aux cheveux longs, devenait célèbre sur les réseaux sociaux en diffusant de multiples vidéos dans lesquelles il pratiquait des actes de violences particulièrement dégradants et humiliants sur des jeunes femmes. Le phénomène est tel auprès des jeunes que le Collectif féministe contre le viol (CFCV) porte plainte contre X pour « provocation à la discrimination, à la violence et à la haine à l’égard d’un groupe de personne en raison de leur sexe », en l’occurrence des femmes ici. Six ans après, Amine Mojito, 27 ans, a été condamné le 29 novembre dernier par la 17ème chambre du tribunal judiciaire de Paris, à réaliser à ses frais un stage de sensibilisation sur l’égalité femmes-hommes de cinq jours. 

De son vrai nom Illan Magneron, Amine Mojito – qui se présente à l’époque comme youtubeur - commence à diffuser ces images début 2016 sur Snapchat, Périscope, Twitter et YouTube. Elles ont depuis été supprimées de ces réseaux. Sur les vidéos qui témoignent d’une grande violence, de jeunes femmes sont filmées à quatre pattes, les fesses souvent dénudées et le visage tourné vers un mur. Elles sont alors fessées, frappées avec toutes sortes d’objets (ceinture, fouet, bouteille, chausson, parapluie), insultées ou encore aspergées par Amine Mojito, seul ou en compagnie d’amis. À la fin des vidéos, les fesses des jeunes femmes présentent souvent des traces de coups. Ultime humiliation, l’homme les appelle dans ces vidéos, « les keh à Mojito », (une abréviation qui signifie « pute » en arabe). Amine Mojito encourage aussi ses abonné·es à lui suggérer d’autres actes de violences à travers des diffusions en direct sur l’application Périscope. 

Phénomène inquiétant 

Le phénomène Amine Mojito prend rapidement une ampleur considérable. Ses comptes Snapchat, Instagram, Twitter atteignent plusieurs milliers d’abonné·es en quelques mois. Parmi eux·elles, des jeunes vont être influencé·es par l’image déshumanisée et dégradante des femmes véhiculée par Amine Mojito selon le CFCV. « La première fois que j’ai entendu parler des vidéos d’Amine Mojito, c’est par des mineurs condamnés pour violences sexuelles. Ils disaient tous "Nous on fait comme Mojito" », explique Emmanuelle Piet, présidente du CFCV dans un communiqué publié début décembre

Lorsque le collectif porte plainte pour « provocation à la haine ou la violence » contre les femmes, des faits punis d’un an de prison et 45 000 euros d’amende, il s'appuie sur la force juridique de la Fondation des femmes. « Si on ne fait rien, on envoie le signal que ce qui est fait n’est pas punissable, est toléré, voire accepté », expliquait à l’époque, Anne-Cécile Mailfert, présidente de la fondation, auprès du journal Le Monde.

Longue procédure 

S’en suivent six longues années de procédure judiciaire pendant lesquelles aucune des multiples femmes filmées par Amine Mojito ne dépose plainte. « Certaines ont été auditionnées », souligne Benjamin Chouai, avocat du CFCV et membre de la Force juridique de la Fondation des Femmes, à Causette. Les jeunes femmes sont consentantes dans les vidéos, avançait d’ailleurs le jeune homme dans l’une de ses dernières apparitions publiques, dans le bain moussant du youtubeur Jeremstar en mai 2016. « Il n’y a ni drogue ni argent », affirmait-il alors. « Le CFVC n’a pas porté plainte au nom de potentielles victimes mais parce qu’il estime que les vidéos incitent à penser que ce qui est montré n’est pas grave, que les femmes aiment être frappées, soutient Benjamin Chouai. Le fait qu’elles soient consentantes ne change rien à l’effet. » 

De son côté, Amine Mojito a cessé la diffusion de ses vidéos en 2017 et ne fait plus parler de lui aujourd’hui. Personne ne sait d'ailleurs ce que l'homme, présent à son procès, fait vraiment dans la vie. « Durant l'audience, il prétendait être dans le milieu du sport », indique Benjamin Chouai à Causette. Amine Mojito a donc complètement disparu des radars. Quel est alors le sens d’une condamnation si tardive ? Me Chouai reconnaît une « discordance de temps entre la diffusion des vidéos et le jugement d’Amine Mojito ». Un délai que l’avocat impute au temps judiciaire qui peut être « très long ».

« Un bon rappel à tous ceux qui pensent pouvoir diffuser de la haine contre les femmes sur Internet »

Benjamin Chouai, avocat du CFCV.

Six ans après le dépôt de plainte du CFCV, Amine Mojto comparaissait donc devant la justice le 29 novembre dernier pour « provocation à la discrimination, à la violence et à la haine à l’égard d’un groupe de personne en raison de leur sexe ». Une qualification inscrite dans la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse mais encore « rare » dans les tribunaux, selon Benjamin Chouai. « Ce n’est pas une infraction souvent retenue, pourtant la liberté d’expression est un principe qui a certaines limites, ajoute-t-il. Dans l’affaire d’Amine Mojito, une association s’est mobilisée, ce qui a fait bouger les choses mais sinon, il faut des moyens financiers conséquents et beaucoup d’énergie pour engager une procédure longue comme celle-là. » 

Amine Mojito a été condamné à réaliser à ses frais un stage de sensibilisation sur l’égalité femmes-hommes de cinq jours. Il a aussi été condamné à verser un euro symbolique au titre des dommages et intérêts demandés par le CFCV ainsi que le remboursement des frais de défense encourus par l’association. « La peine peut sembler légère au regard de la violence des faits mais c’est une peine adaptée compte tenu de l’ancienneté et du fait qu’il ne fasse plus parler depuis plusieurs années, estime l’avocat du CFCV. C’est une sanction opportune ainsi qu’un bon rappel à tous ceux qui pensent pouvoir diffuser de la haine contre les femmes sur Internet. » 

À la barre, l’homme a premièrement essayé de se dédouaner, indiquant que ce n’étaient pas ses comptes qui diffusaient ces vidéos, nous apprend Me Chouai. Il a ensuite dit qu’il avait changé et qu’il regrettait ses actes. Des regrets auxquels l'avocat n’apporte que peu de crédit. « Il a été d’une grande immaturité en se victimisant sans cesse. » Pour lui, Amine Mojito n’a pas paru prendre conscience de la gravité des faits qui lui étaient reprochés. Il n’a toutefois pas fait appel de la décision du tribunal correctionnel.

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