Causette Bondire Metz 26 HD
La cheffe Marion Goettlé, cofondatrice de l’association Bondir·e, intervient devant des élèves du lycée hôtelier Raymond-Mondon à Metz. © Manuel Braun pour Causette

Harcèlement dans la res­tau­ra­tion : en finir avec le cau­che­mar en cuisine

Un œuf reçu en plein visage, des coups, des agres­sions sexuelles. Dans la res­tau­ra­tion, milieu aus­si pres­ti­gieux qu’éprouvant, la vio­lence phy­sique et ver­bale a long­temps fait par­tie du folk­lore. Pour rompre avec ces pra­tiques, la ving­taine de chef·fes de l’association Bondir·e sen­si­bi­lise les futur·es professionnel·les dans les lycées hôteliers.

Les témoi­gnages sont écrits sur des bouts de papier, comme des petits mots échan­gés au fond d’une classe. « En stage, on m’a sou­vent rabais­sée et rame­née au fait que je suis une fille en cui­sine. On m’a fait des remarques sexistes, limite vul­gaires, ça m’a mise mal à l’aise » ; « Mon maître de stage m’a pla­qué contre le mur et frap­pé parce que, selon lui, je m’entendais trop bien avec l’équipe » ; « J’ai pris un “head­shot” [tir dans la tête, ndlr] avec un œuf parce que j’avais oublié d’enfourner des meringues »… Leurs auteur·rices, une cen­taine d’élèves en bac pro­fes­sion­nel ou BTS, ont pris place un jeu­di d’avril à la biblio­thèque du lycée hôte­lier Raymond-​Mondon de Metz (Moselle). Un peu raides dans leurs cos­tumes et leurs chaus­sures cirées, ils et elles se des­tinent à la res­tau­ra­tion. Du haut de leurs 15 à 20 ans, ils et elles en ont déjà goû­té les aspects les plus violents.

Milieu pres­ti­gieux qui embauche à tour de bras, la gas­tro­no­mie est aus­si un monde éprou­vant, tes­to­sté­ro­né. Les insultes et les coups ont long­temps tenu lieu de péda­go­gie, et les femmes demeurent sou­vent trai­tées comme des intruses. C’est ce qu’expliquent face aux élèves Marion Goettlé et Samy Benzekri, en lisant à haute voix leurs his- toires ano­nymes. Tous deux font par­tie de l’association Bondir·e. Environ une fois par mois, une tren­taine de pros de la cui­sine (chef·fes, mais aus­si pâtissier·ères, chocolatier·ères, sommelier·ères…) inter­viennent à tour de rôle dans les éta­blis­se­ments qui les sol­li­citent ou qu’ils démarchent pour ouvrir le débat sur les violences.

Être des “guer­riers”, cour­ber l’échine

Marion Goettlé et Samy Benzekri ont à peine dix ans de plus que les ados, et leurs CV enfilent comme des perles des res­tos cotés de Paris, Monaco, New York. « On est venus faire l’intervention que l’on n’a pas eue et qui nous aurait bien ser­vi », intro­duit la jeune cheffe. La Strasbourgeoise, cash et volu­bile, a ouvert sa pre­mière adresse à 22 ans et tient six ans plus tard le Café Mirabelle, à Paris. Fille et petite-​fille de res­tau­ra­teurs, elle a fré­quen­té une école hôte­lière, puis mul­ti­plié les expé­riences dans tous types d’établissements, jusqu'à des étoi­lés du guide Michelin.

Son par­cours l’a expo­sée à « pas mal de vio­lences » qu’elle a long­temps vécues comme « inhé­rentes au métier, comme s’il fal­lait être des guer­riers, cour­ber l’échine ». Jusqu’à ce que, mi-​2020, le pre­mier confi­ne­ment fige sa vie à 100 à l’heure et celle de ses col­lègues. Dans cette bulle ines­pé­rée d’introspection, une dizaine de cheffes – d’abord des femmes – se mettent à échan­ger sur ce qui ne tourne pas rond en cui­sine. Chacune a une his­toire de vio­lence, ver­bale, phy­sique, sexiste ou sexuelle, à par­ta­ger sur ce bou­lot pour­tant « mer­veilleux » qu’elles ont épou­sé comme un sacer­doce. Avec la cheffe Manon Fleury, star de la cui­sine végétale[…]

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