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Statue de la déesse de la Justice (Piqsels)

Des asso­cia­tions fémi­nistes s'alarment d'une dépêche inter­mi­nis­té­rielle inci­tant les tri­bu­naux à clas­ser sans suite les plaintes jugées trop vieilles

Ce week-end, Le Journal du dimanche révélait que des centaines de plaintes auraient été classées à la suite d'une dépêche conjointe aux ministères de la Justice et de l'Intérieur qui incite depuis mai 2021 les procureur·eures à se débarrasser d'affaires pour lesquelles les enquêtes n'ont pas commencé au bout de six mois.

« Combien de plaintes pour violences sexistes ou sexuelles ont été ainsi classées pour des raisons étrangères à la faiblesse probatoire des dossiers ? » Dans un communiqué de presse publié mardi 8 novembre, un collectif d'associations féministes1 et la Fondation des femmes réclament des éclaircissements à la suite d'un article paru dans le Journal du dimanche (JDD), révélant que les procureur·eures de la République sont incité·es à se débarrasser des dossiers qui n'avancent pas.

Dans son édition de dimanche 6 novembre, le JDD expliquait ainsi avoir consulté une dépêche interministérielle, émise par les ministères de la Justice et de l'Intérieur en mai 2021 et suggère aux procureur.eures à classer sans suite des plaintes jugées trop vieilles pour viser la « réduction du nombre d'affaires en cours dans les services d'enquête ». Selon cette dépêche, l'enjeu serait de « garantir la cohérence de la réponse pénale ». Concrètement, les documents transmis au JDD proposent de tourner la page dans un délai « de six à vingt-quatre mois » pour les infractions routières, et de « douze à dix-huit mois » pour les atteintes aux biens.

"Situation régularisée par la destruction du scellé"

Encore plus questionnant, concernant « l'usage d'armes », la dépêche justifie l'arrêt des poursuites de cette manière : « Il peut s'agir d'une situation ponctuelle quasi régularisée par la destruction du scellé ». Pour les atteintes aux personnes - dont font partie les violences conjugales, sexistes ou sexuelles - le délai préconisé est de « six mois à deux ans ». De quoi susciter les craintes des associations féministes mobilisées puisque comme elles l'indiquent, « la dépêche ne dit pas si des crimes ou délits sont exclus » par ces directives. Rien donc ne garantie que certaines plaintes concernant des violences de genre ne soient pas classées, faute d'avoir initié une enquête suffisamment tôt, depuis mai 2021.

Le JDD n'indique pas avoir demandé de précisions aux ministères concernés et Causette n'a pas encore obtenu de réponse de son côté. Mais le journal étaye ses révélations du témoignage d'un procureur, qui explique avoir dû rendre compte en décembre 2021 et mai 2022 du nombre « d'affaires réglées » à ses supérieurs. Cela représentait plusieurs centaines de plaintes dans sa juridiction.

"Véritable scandale"

De l'autre côté du système judiciaire, l'avocate Caty Richard raconte avoir eu la très mauvaise surprise de voir classée sans suite la plainte d'une de ses clientes pour abus de faiblesse, déposée en 2018. Pour justifier du classement, le procureur de Pointoise écrivait dans le courrier qu'il lui a adressé : « Vu la dépêche interministérielle en date du 31 mai 2021 visant à apurer les stocks de procédures non traitées dans les services de police et de gendarmerie... » Cette « officialisation d'un dysfonctionnement », selon les mots de Me Caty Richard, pourrait s'aggraver alors que le gouvernement a lancé une réforme de la police judiciaire qui pourrait aboutir à une diminution du temps consacré aux enquêtes.

Après ces révélations, les associations féministes signataires de ce communiqué demandent « le plus rapidement possible un état des lieux sur ce qui semble être un véritable scandale ». Elles écrivent : « Nous rappelons que 5 ans après #MeToo, les plaintes pour violences sexistes et sexuelles ont presque doublé. Nous rappelons qu’il a été reproché aux femmes victimes de s’exprimer sur les réseaux sociaux ou dans les médias plutôt que de porter plainte. Nous rappelons qu’elles ont fortement été incitées à porter plainte et que dans ce contexte plus que tout autre, il n’est pas acceptable que tout ou partie de ces plaintes aient été destinées à la poubelle. »

Pour conclure, elles demandent à nouveau qu'un budget de 1 milliard d'euros soit dévolu à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles car : « Il était prévisible qu’une hausse sans précédent de plaintes, sur des services déjà surchargés et sous dotés, entraînerait une situation d’engorgement difficile à résoudre. »

  1. Collectif Féministe Contre le Viol, Osez le Feminisme!, l’Association européenne contre les Violences faites aux Femmes au Travail (AVFT), Du Côté des Femmes, En Avant Toute(s), Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF) et la Fondation des Femmes[]
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