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Zhanna Agalakova, le 22 mars 2022 à la conférence de presse RSF © Capture d'écran de la chaîne Youtube TV5MONDE

La jour­na­liste démis­sion­naire Zhanna Agalakova dénonce un sys­tème média­tique russe aux ordres du Kremlin

Zhanna Agalakova a démissionné de son poste de correspondante à Paris le 18 mars avant de justifier son geste par un refus de la « propagande » russe lors d'une conférence de presse organisée par Reporters Sans Frontières.

Il y a cinq jours, la journaliste Zhanna Agalakova postait sur Instagram une vidéo où elle enlève de son poignet un bracelet orné du logo de Perviy Kanal (Channel One) , la chaîne de télévision nationale russe pour laquelle elle a travaillé durant 20 ans. Le texte d’accompagnement indique sobrement : « C'est officiel maintenant. J'ai rédigé la demande le 3 mars. It's over for me #joblesson #itsover »

Lors d’une conférence de presse organisée à Paris mardi 22 mars par Reporter sans frontière (RSF), Zhanna Agalakova a pris la parole pour expliquer les raisons de sa démission. « J’ai fait des compromis dans ma carrière mais là, [l'invasion de l'Ukraine], c’était la ligne rouge », déclare-t-elle, en précisant : « Je n’ai jamais menti, je me suis beaucoup tu. J’ai beaucoup hésité avant de vous parler. Tout le monde m’a dit que j’étais folle. Je le fais pour les Russes. » Elle dénonce l'asphyxie de la presse indépendante, dont de nombreux titres ont été contraints de suspendre leurs activités à cause du risque d'emprisonnement en cas de diffusion d'« informations mensongères » selon la nouvelle loi entrée en vigueur peu après l'entrée en guerre le 24 février. Zhanna Agalakova fustige aussi le récit du conflit biaisé et amoindri tel que racontée dans les médias d'État, « qui transmet uniquement le point de vue du Kremlin ». Surtout, elle enjoint les Russes à ne pas se laisser « zombifier » par les manipulations du discours médiatique et les références fallacieuses à la « dénazification » de l'Ukraine : « Je veux que les gens apprennent à discerner la propagande [de la réalité, ndlr]. »

« Ne soyez pas de tels zombies » : un discours similaire à celui de Zhanna Agalakova était tenu le 16 mars par Marina Ovsyannikova. Sortie du tribunal où elle a écopé d'une amende de 30 000 roubles (243€) pour avoir avoir brandi une affiche « No War » en plein journal télévisé, cette journaliste travaillait elle aussi pour Pervi Kanal, média d'État et première chaîne du pays. Zhanna Agalakova est donc la deuxième journaliste en quelques jours à quitter cette chaîne avec pertes et fracas, une attitude qui contraste avec l'atmosphère policée habituelle.

Lire aussi : La journaliste russe Marina Ovsyannikova assume son geste et veut rester en Russie

Dans les locaux de RSF où elle a répondu aux questions de la presse, une carte du monde aux pays coloriés selon leur degré de respect de la liberté de la presse est affichée dans le dos de l'ex-correspondante. La Russie, 150ème sur 180 pays dans le classement RSF, est en rouge foncé, avant-dernière teinte avant le noir final qu’arbore, entre autres, la Chine. « Un nouveau classement sera publié début mai » explique Christophe Deloire, le secrétaire général de RSF sur TV5 Monde, « et il est vrai que la situation s'est aggravée, la répression et la censure se sont vraiment amplifiées [en Russie, ndlr] au cours des dernières semaines ».

D’après lui, d'autres démissions de journalistes russes ont eu lieu depuis le 24 février, bien que le phénomène soit difficilement chiffrable. De son côté, Zhanna Agalakova invite toutefois à ne pas juger trop vite celles et ceux qui ne se rebellent pas comme elle. La journaliste est consciente de ce qu’elle risque (« Je sais qu’en Russie, on m’accusera d’être espionne »), mais aussi consciente de ses libertés. L’ancienne présentatrice ne travaille plus sur le sol russe depuis 2005, a couvert Paris puis New-York avant de revenir en France. Ses collègues dans le pays ont, elles et eux, « des parents dont ils doivent s’occuper, des enfants à élever, des loyers à payer. Ils sont pris en otage. »

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