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Le candidat ultra libéral Javier Milei élu le 19 novembre 2023 président de l'Argentine. © Adrián Escandar / Wikimedia

Javier Milei, nou­veau pré­sident argen­tin, “la mas­cu­li­ni­té toxique dans toute sa splendeur”

Élu à 55,6 % des voix, l’économiste argentin de 53 ans qui se présente comme “antisystème” prendra ses fonctions le 10 décembre prochain. IVG, éducation sexuelle, droits des personnes LGBTQIA+ : sa victoire est une mauvaise nouvelle, selon Élodie Bordat-Chauvin, sociologue et politiste à l’Université Paris 8.

Causette : Qui est Javier Milei? D’où sort-il ?
Élodie Bordat-Chauvin : Le nouveau président est arrivé sur la scène politique au moment du confinement. Il faut savoir que l’Argentine a vécu le plus long confinement au monde. Dans ce contexte, il a organisé des manifestations contre le confinement et pour la liberté, car il est libertarien. Il se présente aussi comme “anarcho-capitaliste” mais, en réalité, sur les questions sociales il est extrêmement conservateur. On le compare d’ailleurs volontiers à un Trump argentin (il a même arboré des casquettes “Make Argentina great again”), et c’est également un fervent admirateur de Jair Bolsonaro [ancien président brésilien, ndlr]. Il prévoit, par exemple, de faire passer le budget militaire de 0,6 % du PIB à 2 %. Or, comment trouver cet argent ? En supprimant des ministères, notamment l’Éducation, la Santé et le ministère des Femmes, des Genres et de la Diversité. Car en Amérique latine, l’Argentine est le pays qui a les droits en faveur des personnes LGBTQIA+ les plus avancés. Une loi de 2021 impose aux administrations et entreprises publiques de recruter au moins 1 % de personnes trans. Or, Milei, lui, veut en finir avec l’État…
Après la propriété privée, l’une des valeurs les plus importantes pour lui, c’est la famille. Mais, au nom de la liberté, il ne voit aucun problème à la vente d’organes ou même d’enfants : en ce sens, il veut libéraliser tout l’accès à la santé. Il en va de même pour l’éducation : il veut mettre en place des bons d’échanges (vouchers) qui permettraient d’avoir accès à l’éducation ; il dit que cela ne marche pas d’obliger les enfants à aller à l’école, donc, va à l’école qui veut. Dans la même logique, il veut interdire l’éducation sexuelle à l’école, qu’il considère comme un endoctrinement.

Causette : Peut-il réellement revenir sur la légalisation de l’IVG, qui a eu lieu en 2020, comme il le promet ?
é. B.-C. : Il s’est dit ouvertement contre, au nom de la liberté de l’enfant à naître et de la liberté du fœtus à vivre. Il s’est aussi déclaré membre des “drapeaux bleus”, les opposants au mouvement pro-IVG. Il a dit qu’il voulait organiser un référendum pour que les gens se positionnent sur cette question et, selon les résultats, faire modifier la loi. Sauf qu’une loi déjà votée ne peut pas être annulée comme cela. Il faudrait qu’elle repasse au congrès : or, lui et son parti n’ont pas de majorité au parlement. A priori, il ne pourrait pas remettre en cause ce droit. Ce qui inquiète, en revanche, c’est le soutien que lui apporte la droite traditionnelle du secteur des affaires : cela signifie donc qu’il peut y avoir des alliances. L’ancien président Mauricio Macri et la candidate de son parti, Patricia Bullrich, ont appelé à voter pour Milei.

Causette : Comment met-il en scène sa masculinité ?
É. B.-C. : Javier Milei a déclaré [en 2022]: “Je ne m’excuserai pas d’avoir un pénis. Je n’ai pas à avoir honte d’être un homme blanc, blond, aux yeux bleu clair.” Il utilise le mot “celeste” en espagnol, qui est aussi la couleur du drapeau argentin : cela en dit long sur son nationalisme. Il souhaite rendre l’Argentine à sa puissance et lutter contre la crise économique. Là encore, on pense à Donald Trump dans la mise en avant de la masculinité : on a vu qu’il brandit régulièrement une tronçonneuse [symbolisant les tailles budgétaires]. Sa compagne depuis six mois, Fatima Florez, une blonde sculpturale, aux cheveux très longs, rappelle aussi le couple Trump. D’autant que tous les deux sont des produits médiatiques : lui a été l’économiste le plus invité des plateaux de télévision pendant des années, un peu comme Éric Zemmour. Fatima Florez, elle, est humoriste et s’est fait connaître à la télé pour ses imitations de l’ancienne présidente Cristina Kirchner. C’est un couple glamour et médiatique. Enfin, on peut évoquer sa manière très grossière et agressive de parler : Javier Milei parle du peso, la monnaie nationale comme d’une “merde”, insulte ses adversaires politiques… C’est la masculinité toxique dans toute sa splendeur.

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