blue and white flag on pole
(©Taylor Brandon)

Israël : craintes accrues d’une ségré­ga­tion entre les hommes et les femmes

Sur fond de ségrégation entre les sexes, pourtant interdite, dans les transports en commun, les Israéliennes craignent de plus en plus de voir leurs droits et leur place dans la société réduit·es à peau de chagrin.

De Tel Aviv à Ashdod en passant par Ramat Gan, les scènes de harcèlement sexiste se sont multipliées, ces dernières semaines, dans les transports en Israël. Des jeunes filles se voient refuser l’entrée dans un bus en raison de leur tenue, des chauffeurs assurent que leur ligne est réservée aux hommes, et d’autres que les femmes doivent s'asseoir au fond. Le mois dernier, des juifs ultra-orthodoxes ont même empêché un bus public de repartir, alors qu'il était arrêté dans la ville religieuse de Bnei Brak, car il était conduit… par une femme. « Ils ont refusé d’entrer dedans et ont tout fait pour qu’il ne puisse pas reprendre la route », a raconté un témoin au média israélien Yid Info.

Ces actes de ségrégation sont pourtant interdits par la loi, depuis une décision de la Haute Cour de Justice datant de 2011. Déclarer qu'un transport en commun est réservé à un genre est proscrit, tout comme la volonté de faire assoir les femmes au fond d'un bus ou d'un train. En début de semaine, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a réagi à ces différents incidents dans un communiqué, rapporte The Jerusalem Post, affirmant qu’Israël « est un pays libre, où personne ne peut choisir qui prend les transports publics ou dicter où s’assoient les femmes et les hommes ». Avant de conclure : « Ceux qui font ça enfreignent la loi et doivent être punis. »

« Les transports publics apparaissent comme le dernier front d'une guerre culturelle en Israël sur le statut des femmes, dans une société fortement divisée entre une majorité laïque et une minorité politiquement puissante de juifs ultra-orthodoxes, qui désapprouvent la mixité en public », note Roni Caryn Rabin, la correspondante du New York Times sur place, dans une récente enquête sur le sujet.

Coalition avec l'extrême droite et les ultra-orthodoxes

Les craintes d’une ségrégation entre les sexes s'accroissent depuis la formation du nouveau gouvernement de coalition de Benjamin Netanyahu, en décembre 2022, qui fait la part belle à l’extrême droite et aux ultra-orthodoxes, représenté·es par deux partis politiques : le Shas et Judaïsme unifié de la Torah (UJT). Le Shas a ainsi proposé, dès ses premiers pas au sein de la machine gouvernementale, une loi pour emprisonner les femmes six mois si elles se présentaient habillées de manière « inappropriée » devant le mur des Lamentations. 

Après avoir provoqué un tollé, la loi a rapidement été abandonnée, mais les attaques contre les Israéliennes n’ont pas cessé. Le quotidien Haaretz en a répertoriées au moins cinq. Parmi elles, l’interdiction par l’Administration publique d’utiliser le féminin dans les annonces de recrutement. Alors que l’utilisation des deux genres y était admise depuis longtemps, pour combattre le sexisme. 

Plus grave encore, la volonté de la coalition de donner plus de pouvoir aux tribunaux rabbiniques. En Israël, il n’existe pas de séparation entre la religion et l’État. Tout ce qui concerne les mariages et les divorces relèvent ainsi de tribunaux religieux. Avec sa nouvelle loi, le gouvernement souhaiterait étendre leur champ de compétences à l’aspect économique des divorces, comme la pension alimentaire, mais aussi leur permettre de statuer sur des affaires civiles, comme les litiges entre employé·es et entreprises, ou entre propriétaires et locataires. Or, seuls des hommes peuvent être juges au sein des tribunaux rabbiniques, ce qui fait craindre aux femmes des décisions sexistes et arbitraires.

« Ils sont en train de changer les règles du jeu »

Dans son classement annuel sur les écarts entre les femmes et les hommes, publié en juin dernier, le Forum économique mondial a fait chuter Israël de la 60e place à la 83e, en raison d’une baisse dans la participation des Israéliennes à la vie politique et économique du pays.

« Ce qu’il se passe n’est pas une question de gauche ou de droite au gouvernement. Ils sont tout simplement en train de changer les règles du jeu, et cela aura un effet dramatique sur les femmes. Nos droits vont être attaqués », craint auprès du New York Times Moran Zer Katzenstein, à la tête de Bonot Alternativa, une organisation pro-démocratie qui rassemble plusieurs groupes se battant pour les droits des femmes.

Les membres de Bonot Alternativa se sont à plusieurs reprises rendues dans des manifestations anti-gouvernement habillées comme les personnages du roman dystopique The Handmaid’s Tale (La Servante Écarlate, en français). Une marche pour les droits des femmes doit se tenir le 24 août prochain, à Bnei Brak, pour dénoncer les atteintes subies dans l’espace public par ces dernières, qui refusent d’être ramenées « des centaines d’années dans le passé ».

Partager
Articles liés
npg d34632 ann zingha by achille deveria printed by franaois le villain published by edward bull published by edward churton after unknown artist

Anna Zingha, reine de fer

Cette souveraine redoutée a combattu les envahisseurs portugais pendant plus de trente ans. Parfois décrite comme une femme cruelle et cannibale, elle incarne pourtant une figure majeure de la résistance anticoloniale.

Inverted wid­get

Turn on the "Inverted back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.

Accent wid­get

Turn on the "Accent back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.