Dans le nord-est du Brésil, des milliers d’enfants sont atteint·es de malformations congénitales après que leurs mères ont contracté le virus Zika pendant leur grossesse, en 2015. Adriana Melo, la médecin qui a découvert le lien entre l’épidémie et ces anomalies cérébrales, se refuse à abandonner ces femmes et leurs petit·es, qu’elle accueille dans un institut créé pour eux·elles.
C’est la première chose que note le visiteur en arrivant à l’Institut de recherche Professor Joaquim Amorim Neto (Ipesq), qui accueille les enfants victimes des conséquences du virus Zika et leurs familles : ici, il n’y a que des femmes. Dans le couloir, à l’entrée, elles sont assises devant des fauteuils roulants ou gardent leurs petits dans leurs bras. En blouse bleue, d’autres femmes, soignantes, passent et leur indiquent que c’est leur tour d’être prises en charge. Aucune présence masculine en ces lieux. « Oh ! ça fait longtemps qu’ils sont partis », lance Josymari, déclenchant le rire de ses voisines. Cette quadragénaire aux cheveux retenus dans une queue de cheval est mère de trois enfants – Marcos, 14 ans, Jorge, 10 ans, et Gilberto, 6 ans, atteint de microcéphalie. Leur conversation reprend. Elles parlent de couches, des sondes qu’il faut bien nettoyer, d’étouffements qui les font frémir, d’une mère qu’elles n’ont pas revue depuis un moment. Elles jettent un œil de temps à autre vers leurs enfants, redressent leur tête, leur essuient la bouche, les caressent.
Consultations gratuites
Il est 9 heures du matin. Par le portail, d’autres femmes arrivent, portant leurs petits à bout de bras. L’Institut de recherche scientifique a été reconverti en centre spécialisé entièrement consacré aux enfants Zika à partir de 2015, pour prendre en charge une centaine d’entre eux·elles, venu·es du nord-est du Brésil, où 90 % des cas du pays sont apparus entre 2015 et 2016. La pauvreté que connaît historiquement cette région explique en partie ce chiffre : « Pas de moustiquaires, pas d’eau courante, donc de l’eau en réservoir qui croupit avec une forte chaleur. Ces femmes ont dû être piquées des dizaines de fois pour que leurs bébés soient atteints », estime la chercheuse Adriana Melo. Cette scientifique multiprimée, qui a démontré le lien entre Zika et des anomalies cérébrales – en détectant le virus dans le liquide amniotique du fœtus, quand les autres chercheur·euses avaient limité leurs analyses au sang –, a créé ce centre avec son mari, Romero, pour aider ces mères et leurs enfants qui ont développé des malformations congénitales graves : microcéphalies, macrocéphalies 1 ou syndrome de Guillain-Barré 2.
« Pas de moustiquaires, pas d’eau courante, de l’eau en réservoir qui croupit. Ces femmes ont dû être piquées des dizaines de fois pour que leurs bébés soient atteints. »
Adriana Melo, gynécologue, présidente et cofondatrice de l'Ipesq
Vue de l’extérieur, la maison sur deux étages semble ordinaire. Seules les peintures d’enfants sur la façade indiquent qu’il ne s’agit pas d’un simple logement. À l’intérieur, sept salles ont été aménagées pour la pratique des thérapies. Une dizaine de spécialistes travaillent dans l’établissement qui fonctionne cinq jours sur sept. La majorité sont kinésithérapeutes, mais il y a également un orthophoniste, une psychologue et une pédiatre qui offrent des consultations gratuites. L’essentiel des soins consiste à exercer les muscles qui ne bougent pas, à masser les[…]