Algérie : « Durant la crise sani­taire, l’esprit de soli­da­ri­té propre au rama­dan n’a pas faibli »

Témoignage de Tinhinane Makaci, jour­na­liste et mili­tante, à Alger.

112 le Covid19 vu dailleurs Tinhinane Makaci ∏ DR
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« On s’est confi­nés très tôt. Les méde­cins ont don­né l’alerte très vite et ils ont été écou­tés. Les auto­ri­tés ont été très strictes tout de suite, car elles ont bien vu que l’Europe était dépas­sée, donc que poten­tiel­le­ment, chez nous, ça pou­vait rapi­de­ment mal tour­ner. En effet, ici, le sys­tème de san­té est à l’abandon. Les soi­gnants bossent avec les moyens des années 1970 ! J’exagère à peine. Il est urgent de revoir la poli­tique sani­taire après ça… Les pre­mières semaines, c’était couvre-​feu dès 15 heures. Aujourd’hui, on ne peut cir­cu­ler qu’entre 7 heures à 17 heures. 

Ce qui a fait la Une des jour­naux les pre­miers temps, ici, c’est la crise de la semoule ! Comme celle de la farine en France. Elle nous sert à faire le pain. Assez rapi­de­ment, les comi­tés de vil­lage se sont orga­ni­sés pour en ache­mi­ner chez les gens. Un sac de 15 kilos pour six per­sonnes. En Algérie, l’esprit de famille domine. Moi, j’ai gran­di dans un vil­lage en Kabylie. Comme beau­coup, je n’avais qu’une idée : rejoindre Alger. Ce que j’ai fait très tôt. Bah ! je peux vous dire que dès l’annonce du confi­ne­ment, on est tous ren­trés au ber­cail ! Truc mar­rant : dans les vil­lages, des béné­voles dés­in­fectent les voi­tures et les chaus­sures des gens à l’eau de Javel dès qu’ils arrivent de quelque part !

Depuis le début du rama­dan, le moral des troupes n’est pas au beau fixe. Normalement, cette période est la plus ani­mée de l’année. À Alger, il y a des spec­tacles, des soi­rées, des concerts. C’est la fête. C’est d’ailleurs un des seuls moments de l’année, pour les femmes notam­ment, où l’on peut sor­tir libre­ment la nuit sans risque et sans être jugée. Mais là, c’est ville morte. Les gens essaient de recréer un peu d’esprit fes­tif au sein de leur foyer. Du thé, la télé, de la cha­leur humaine. L’esprit de soli­da­ri­té propre au rama­dan n’a pas fai­bli. Il s’est réin­ven­té. Normalement, on fait ce qu’on appelle des “Iftar col­lec­tifs”, sortes de Restos du cœur avec dis­tri­bu­tion de plats cui­si­nés. Là, les asso­cia­tions récu­pèrent les den­rées ali­men­taires brutes issues de dons et les dis­tri­buent aux gens dans le besoin. L’élan de géné­ro­si­té n’a pas été ébran­lé par la crise. »

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