18 10 2022 163 © Margot LHermite
Photo : Margot L'Hermite

Qui est Mélanie Vogel, la pétro­leuse du Sénat qui a lut­té avec convic­tion pour que l’IVG intègre la Constitution ?

Ne rien lâcher et défendre jusqu’au bout ses convic­tions. Une maxime que semble avoir faite sienne la séna­trice éco­lo­giste Mélanie Vogel, qui s’est bat­tue pen­dant un an et demi pour faire ins­crire le droit à l’IVG et à la contra­cep­tion dans la Constitution. Un com­bat qui doit abou­tir ce lun­di, lors de l’adoption défi­ni­tive de la révi­sion consti­tu­tion­nelle par le congrès.

“J’ai beau­coup pleu­ré, ce qui ne m’arrive jamais habi­tuel­le­ment, mais c’était des pleurs de joie…”, raconte Mélanie Vogel à Causette, décri­vant l’émotion qu’elle a vécue le 28 février, alors que le Sénat ren­dait un avis favo­rable en vue de l’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution.

Car, rap­pelle la séna­trice éco­lo­giste des Français·es de l’étranger, “jusqu’au der­nier moment, l’issue de cette his­toire est res­tée incer­taine, un amen­de­ment des Républicains étant sus­cep­tible de blo­quer le pro­ces­sus. Le stress était intense”. Et le résul­tat dépasse toutes ses attentes : 267 voix pour et seule­ment 50 contre. Une vic­toire écra­sante pour celle qui copré­side éga­le­ment, depuis juin 2022, le par­ti vert euro­péen et a fer­raillé pen­dant de longs mois : “Lorsque j’ai dépo­sé, en octobre 2022, la pre­mière pro­po­si­tion de loi de cette man­da­ture visant à ins­crire l’IVG dans la Constitution, la plu­part des gens pen­saient que c’était impos­sible.” La jeune femme de 38 ans se heurte en effet à l’opposition de l’assemblée très conser­va­trice qu’est le Sénat, mais aus­si à celle du pré­sident de la République et de la plu­part des groupes poli­tiques. En 2017, les séna­trices com­mu­nistes Laurence Cohen et Éliane Assassi avaient dépo­sé un texte simi­laire, mais celui-​ci n’a jamais été mis à l’ordre du jour, rap­pelle Public Sénat.

Féministe, les­bienne et écologiste

Ce qui a per­mis d’inverser la ten­dance et de faire abou­tir une reven­di­ca­tion de longue date des fémi­nistes : “Le tra­vail achar­né et la déter­mi­na­tion de quelques par­le­men­taires dont je fais par­tie pour sanc­tua­ri­ser ce droit, dans un contexte glo­bal où il est for­te­ment mena­cé”, rap­pelle à Causette celle qui a été notam­ment rejointe dans cette lutte par la dépu­tée Mathilde Panot, pré­si­dente du groupe La France insou­mise à l’Assemblée. Une mobi­li­sa­tion qui fait de la France le pre­mier pays au monde à pro­té­ger l’avortement dans son texte fon­da­men­tal. Au prix, pour la jeune séna­trice, fémi­niste, les­bienne et éco­lo­giste, d’un déchaî­ne­ment de haine sur les réseaux sociaux. “Lorsqu’on devient une per­son­na­li­té publique, il faut accep­ter qu’une par­tie de soi ne vous appar­tient plus tota­le­ment”, tranche-​t-​elle, ajou­tant tou­te­fois que “les mes­sages posi­tifs sont néces­saires pour gar­der la sen­sa­tion de l’utilité de ce qu’on fait.”

Lire aus­si l IVG dans la Constitution : une fois de plus, mer­ci les les­biennes pour la lutte

Le rôle qu’a pu jouer son envi­ron­ne­ment fami­lial dans son enga­ge­ment poli­tique ? Sur ce sujet, Mélanie Vogel se fait plus éva­sive : “On ne par­lait jamais de poli­tique à la mai­son, mon père ne votait même pas.” Et sa déter­mi­na­tion, d’où vient-​elle ? De ce même père, ven­deur, de sa mère, femme au foyer et “fière de son com­bat pour le droit à l’avortement”, de sa sœur, qui a arrê­té ses études après la licence et dont elle est très proche ? “Pas facile de le savoir”, tranche la jeune femme, qui évoque au sujet de son enfance des expé­riences “à la fois néga­tives et posi­tives”.

Une chose est sûre pour Mélanie Vogel, “l’envie de contri­buer à chan­ger le monde a tou­jours été là”. C’est elle qui explique notam­ment son stage à Amnesty International au Chili dans le cadre de ses études à Sciences Po et aus­si son choix de rejoindre le par­ti éco­lo­giste, convain­cue du lien néces­saire entre lutte contre le chan­ge­ment cli­ma­tique et jus­tice sociale. Mais après dix ans à arpen­ter les cou­loirs du Parlement euro­péen comme assis­tante par­le­men­taire puis conseillère poli­tique, deve­nir séna­trice n’avait rien d’une évi­dence. “Instinctivement, j’avais peur de me faire écra­ser, de ne rien réus­sir à faire avan­cer. Mais c’est aus­si cela qui m’a convain­cu qu’il fal­lait jus­te­ment y aller.” Autant dire qu’elle a su faire men­tir ses craintes.

Une vie à 100 à l’heure

Depuis la vic­toire his­to­rique du 29 février, la pres­sion n’est pas retom­bée et les réunions et inter­views s’enchaînent, y com­pris le week-​end : “Avant d’être élue, je voya­geais déjà plus que la moyenne, mais les choses se sont accé­lé­rées depuis que je suis deve­nue séna­trice des Français de l’étranger en octobre 2021. J’aime ce mou­ve­ment, mais là c’est un peu extrême”, confie cette brune élé­gante, dont seuls des légers cernes sous les yeux tra­hissent la fatigue.

Une vie sur les cha­peaux de roues qui l’empêche sou­vent de voir les gens qu’elle aime, au pre­mier rang des­quels sa com­pagne depuis 2019, l’eurodéputée alle­mande Terry Reintke. “Il faut se battre pour sacra­li­ser des moments de qua­li­té et réus­sir à pas­ser tout un week‑end ensemble”. Si elle n’a pas renon­cé à fon­der une famille, Mélanie Vogel n’a tou­te­fois pas l’air d’être encore prête à ralen­tir : “J’ai plein d’autres pro­jets sur le feu, notam­ment une pro­po­si­tion de loi sur l’accès à l’IVG, puisque la droite nous a expli­qué pen­dant les débats que l’important n’était pas le droit, mais l’accès !” iro­nise celle qui défend éga­le­ment la mise en place d’une “Sécurité sociale de l’alimentation”, visant à garan­tir à cha­cun une cer­taine somme lui per­met­tant de consom­mer des pro­duits de qualité.

Lors de ses rares moments de loi­sir, elle cultive sa pas­sion pour l’escalade, dans une salle à Paris ou à Bruxelles. Loin de la mer et du soleil de son enfance mar­seillaise. “C’est le drame de ma vie, que les par­le­ments fran­çais et euro­péens soient sous la gri­saille et la pluie !” Elle avait pré­vu d’y retour­ner, le week-​end der­nier, mais une mani­fes­ta­tion pour l’Ukraine l’a rete­nue à Paris. On ne se refait pas.

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