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Le hashtag #ViolCrimeImpuni projeté sur l'Assemblée nationale dans la nuit du jeudi 28 juillet © Jordan Dorey

Le hash­tag #ViolCrimeImpuni pro­je­té sur les murs de l'Assemblée natio­nale et du Tribunal de Paris

Dans la nuit de jeudi 28 à vendredi 29 juillet, plusieurs activistes mené·es par Karine Sanzalone, jeune femme violée par un chauffeur de taxi dont le procès s’est tenu fin juin, ont projeté le hashtag #ViolCrimeImpuni sur les murs de l’Assemblée nationale et du Tribunal judiciaire de Paris pour interpeller les élu·es.

L’image est saisissante : l’édifice de l’Assemblée nationale et la devanture du Tribunal judiciaire de Paris ornés de lettres rouges et jaunes, sous le hashtag #ViolCrimeImpuni. « On ne savait pas ce que ça allait donner, le risque était plutôt grand et je flippais, mais au final, j’ai vraiment eu l’impression d’être utile », confie Karine Sanzalone à Causette. Début juillet, la jeune femme partageait à Causette son histoire et son combat après le verdict rendu au tribunal d'Evry le 29 juin à l’encontre de son violeur présumé, pour des faits remontant à 2016. Un verdict qu’elle jugeait trop léger : l’homme a été reconnu coupable et condamné à six ans de prison, dont quatre avec sursis et deux fermes, mais aménageables. Aujourd’hui, Karine se relève de cet événement traumatisant d’une façon : par l’action. 

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Jeudi 28 juillet à 23h, la jeune femme a en effet retrouvé trois ami·es à elle pour une escapade un peu particulière. Après avoir mûrement réfléchi les moindres détails de la soirée, Karine, Lucas, Amélie et un photographe ont fourré dans le coffre d'une voiture projecteur et batterie achetée à leurs frais - 800€ - et se sont dirigé·es vers le Tribunal judiciaire de Paris dans le 17ème arrondissement. Avec les moyens du bord, le quatuor a voulu marquer le coup, et a vu les choses en grand. Une idée simple : déranger et interpeller les élu·es et les passants sur la façon dont sont traitées les violences sexuelles, en projetant directement sur les façades de l'Assemblée nationale et du Tribunal judiciaire de Paris un slogan, #ViolCrimeImpuni. « C’est à Paris qu’on peut faire bouger les choses, en s’adressant directement aux élus », estime Karine.

Flippée, mais fière 
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Karine Sanzalone devant le Tribunal de Paris © Jordan Dorey

Le déroulé de la soirée a été fluide, bien qu’un peu angoissant. Premier arrêt : le parvis du Tribunal de Paris. « Ça a été le plus simple. On a mis 10 minutes pour s’installer, personne ne nous a dérangés. » Les lettres rouge sang du hashtag sont restées projetées une dizaine de minute, le temps d’immortaliser le moment, avant de remballer le projecteur. Deuxième arrêt, à minuit : l’Assemblée nationale. Bien rodée, l’équipe ne s’est pas éternisée, préoccupée par les quelques policier·es posté·es derrière les grilles. « Sur le moment, j’étais un peu stressée, témoigne Karine. On n'avait pas du tout demandé l’autorisation. Au début, je ne voyais pas trop ce que ça pouvait rendre. Puis en voyant les photos, je me suis dit “quand même, ça claque”. »

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Devant l'Assemblée nationale © Jordan Dorey

En effet, le slogan placardé en lettres jaunes juste au dessus des colonnes de l’édifice a rayonné dans l'obscurité de la nuit. Karine s’est émue de voir des groupes de passant·es curieu·ses et intrigué·es s’arrêter prendre quelques clichés de ce spectacle insolite. « C’est vraiment à ce moment-là que je me suis rendu compte de la puissance du projecteur et du message, sourit-elle. J’ai été super fière et soulagée de me rendre compte que je pouvais être utile à mon échelle. Ça me pousse à continuer et à me dire que s’il y a des gens avec nous, derrière nous, le gouvernement va finir par réagir. » 

Au troisième arrêt, l’affaire se corse. Sur la place Beauvau, devant le Ministère de l’Intérieur, le renforcement du dispositif policier est tel qu’il semble impossible de projeter le hashtag sans se faire surprendre. Les ami·es décident donc de montrer patte blanche et de se manifester directement auprès brigadiers pour obtenir leur permission. « Quand ils ont entendu “affaire de viol”, ils ont fait des grands yeux », se remémore Karine. Ils déclinent immédiatement leur demande. « Le problème, c’est qu’il s’agit d’un bâtiment historique et étatique, et qu’on ne peut pas dégrader les murs et encore moins projeter un message politique dessus. C’est en tout cas l’argument qu’on nous a donné. » Satisfaite de cette initiative, Karine n’a pour l’heure reçu aucun retour de la part d’élu·es.

« Cette action n’est pas juste pour moi »
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Affiches créées par Karine et ses ami·es © DR

Depuis un mois, la jeune femme réfléchit avec ses ami·es, Lucas et Amélie, à la façon de transformer sa souffrance en de vraies actions concrètes pour faire évoluer la législation sur les violences sexuelles. Une façon pour elle de rebondir et de donner un autre sens à ce qu’elle a vécu. « Je me suis dit que si je ne faisais rien après la vague de médiatisation qu’il y a eu autour de mon affaire, je me laisserais tomber et je ne pourrais plus me relever », livre Karine. Sa volonté : agir non plus pour elle-même, mais pour les autres. « Cette action, elle n’est plus juste pour moi, mais aussi pour toutes les autres victimes. C’est pour leur montrer qu’il y a une voix qui est prête à s’élever. Et j’espère qu’ainsi, les victimes se sentiront un peu moins seules. Pour moi, c'est sans doute trop tard, mais pour toutes les autres, je peux encore faire un truc », se promet-t-elle.

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La Parisienne et ses ami·es n’en sont donc pas à leur première action, mais aucune jusqu’ici n’a été d’une telle ampleur. Lundi dernier, le 25 juillet, Karine et six ami·es ont réalisé une session de collages dans la capitale, à l'aide de visuels spécialement créés pour l’occasion. On pouvait y lire le slogan « L’égalité femme-homme sera la grande cause du quinquennat » rayé en rouge, ou encore une « to-do list égalité femme-homme ». « Je souhaite aussi que d’autres personnes se saisissent des hashtags, des visuels, des images qu’on crée, et proposent des actions similaires pour qu’on ait encore plus de poids », défend-elle. La jeune femme a d’ailleurs tendu la main à d’autres associations engagées comme #NousToutes ou le collectif « colleur·euses contre les féminicides », et attend une réponse de leur part.

Une pétition et une tribune

Karine et Samantha, une autre femme victime de viol du même chauffeur de taxi et constituées partie civile lors du procès, ont également publié le 25 juillet une pétition sur change.org, signée par plus de 36 000 personnes et une tribune sur Mediapart, rassemblant la signature d'une centaine de personnalités publiques et politiques, à l'image de la sénatrice Laurence Rossignol ou de la députée socialiste Isabelle Santiago. Dans le texte intitulé « Pour une loi qui accorde une réelle priorité aux traitements des violences sexuelles », les deux femmes reviennent sur leur histoire et exhortent directement Emmanuel Macron et la Première ministre Elisabeth Borne à mettre en place des investissements massifs dans les institutions judiciaires et policières, pour « donner une vraie priorité aux jugements des crimes sexuels »

Elles apportent des leviers concrets à mettre en place, tels que la refonte de l’utilisation du FIJAIS (Fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes) qui recense les personnes condamnées pour infractions sexuelles ou violentes, ou encore « une véritable politique de sensibilisation des forces de l'ordre autour du dépôt de plainte concernant les violences sexistes et sexuelles ». Elles revendiquent également un meilleur accompagnement juridique, économique et psychologique des victimes, ainsi que l’attribution de plus de moyens pour la Justice. Pour Karine Sanzalone, une chose est sûre : « On ira encore plus loin. J’espère vraiment que les députés vont s’emparer du sujet. »

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