On a beaucoup entendu les anti-PMA pour toutes. De plus en plus, la voix des femmes lesbiennes et célibataires ayant eu recours à la procréation médicalement assistée (PMA) à l’étranger se fait audible. Il y a trois ans, Causette a donné la parole aux enfants né·es de la PMA, puisque tout le monde parle et pense à leur place sans qu’on ne sache ce qu’ils et elles vivent vraiment. Ils et elles ont entre 6 et 44 ans. Et chacun, avec ses mots, nous raconte son vécu.
Éden, 9 ans, fille de Stéphanie et Séverine

« À l’école, il n’y a que moi qui ai deux mamans. Des fois, je l’explique à mes copains, et des fois, ils ne savent pas vraiment si c’est vrai ou pas, mais je m’en fiche. On ne m’a jamais embêtée avec ça. Pour la fête des Mères, je fais un cadeau pour l’une, et pour la fête des Pères, je fais un cadeau pour l’autre. Ou sinon, je fais un cadeau pour les deux à la fête des Mères, et je fabrique une carte pour quelqu’un d’autre pour la fête des Pères. En fait, je me dis qu’avoir deux mamans, c’est pareil qu’avoir un papa et une maman, parce qu’on ne fait pas tellement de choses en plus avec un papa. On peut faire les mêmes choses avec deux mamans. Des fois, je choisis de ne pas en parler parce que je trouve que c’est un peu secret, et j’ai peur que tout le monde me pose des questions là-dessus. Mais, à mes vrais amis, je leur raconte comment ça s’est passé pour ma naissance : il y a un monsieur qui a donné une graine à ma maman, et après ma maman m’a faite moi, et puis ma sœur. On en a parlé avec mes mamans, il y a longtemps. J’avais des questions : par exemple, je me demandais si j’avais vraiment un père. Maintenant, je sais que non, que c’est juste un monsieur qui a donné une graine. J’aurais bien aimé le rencontrer un jour, mais je ne sais pas si ce sera possible. Mes mamans n’ont pas répondu à toutes les questions. Je ne sais pas comment le bébé a évolué dans la graine et s’est transformé. Pourquoi c’est ce donneur et pas un autre donneur qui a donné sa petite graine ? Elles m’ont dit qu’elles m’expliqueraient quand je serai un peu plus grande et que je comprendrai mieux. Et puis il y a des questions que je ne leur ai pas encore posées, parce qu’elles sont compliquées, donc je ne les dis pas maintenant. De toute façon, je n’y pense presque jamais. »
Anne-Lise, 23 ans, fille de Yolène et Chantal

« Mes parents se sont rencontrées il y a trente et un ans. Ma petite sœur et moi avons toutes les deux été conçues par insémination artificielle à l’hôpital Érasme, à Bruxelles. On l’a toujours su, nos mères nous ont toujours expliqué les choses, ce n’était pas du tout un tabou. Petite, cela ne m’a jamais posé de problème, car les autres enfants s’adaptent très vite. À l’école, tout le monde savait que j’avais deux mamans, et les autres étaient même plutôt jaloux. C’est après que c’est devenu plus compliqué. Surtout au collège, quand je me suis retrouvée avec des gens que je ne connaissais pas, dans un établissement catholique. Je me sentais différente et, surtout, je sentais, à travers plein de petits détails – notamment les formulaires de rentrée – que la différence n’était même pas envisagée. Ce n’est pas une discrimination frontale, c’est juste qu’on nous dit : “Vous n’existez pas.” Ça demande un courage double de dire : “Je suis là et je suis différente”, d’autant que, quand j’avais 10 ans, la PMA, personne ne savait ce que c’était. Pendant longtemps, j’ai eu la stratégie de ne pas le dire, ou de sélectionner drastiquement les amis à qui j’en parlais. Ma sœur, elle, a eu une technique un peu différente : elle le disait ouvertement, et tant pis pour ceux que ça embêtait ! Chacune a fait comme elle pouvait. Ce qui m’a amenée à changer, c’est la Manif pour tous. J’ai très mal vécu cette période, c’était un enfer. Voir des gens qui manifestent, qui disent que nos parents ne peuvent pas se marier, que ce sont des pédophiles, qu’ils maltraitent les enfants…[…]