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© Capture d'écran Netflix

Le boom du cor­set à la sauce Bridgerton

C’est un paradoxe : la flamme pour les corsets aurait été ravivée par La Chronique des Bridgerton. La série Netflix, qui se déroule à l'époque victorienne, ne manque pourtant pas de montrer les contraintes imposées aux corps féminins, au cours de leur quête effrénée d'un bon mariage. Focus sur une tendance anachronique, notamment à l'heure du body positive.

Le 25 décembre 2020, La Chronique des Bridgerton a pris d’assaut la pop culture. Sur TikTok, de jeunes utilisatrices font l’acquisition du « Corset Bridgerton », une pièce Amazon à environ 20 euros. « C’est une invention hybride, observe la styliste Aloïs Guinut, on y a ajouté les brocards de satin des robes victoriennes. » Les tiktokeuses se filment laçant et resserrant leurs corsets, montrant leur seins remonter de manière spectaculaire et leur taille s’affiner toujours plus. Chaque tendance TikTok est notamment basée sur une chanson particulière. L'extrait de la chanson Haus of Holbein de SIX, qui accompagne le « Bridgerton challenge » est le suivant : « You bring the corsets we'll bring the cinchers, no one wants a waist over nine inches », soit « apporte les corsets, nous apporterons les gaines, personne ne veut une taille de plus de 22 centimètres ». Pourquoi ça marche ? « Bridgerton a transposé un corset qui est celui qui parle aux gens. » explique l'historienne de mode Audrey Millet. Cette pièce de lingerie représente une vision commune de la féminité, selon laquelle il faut souffrir pour être belle.

Une histoire d'hypersexualisation des femmes

Le corset que l’on portait extrêmement serré à la taille est un attribut du XIXème siècle, soit « le moment où l’on est arrivé à une extrême déformation du corps », selon Audrey Millet. Il s’inscrit dans l’histoire de l’hypersexualisation des femmes. «Le corset, c’est du sexe, c’est de la transpiration. Il y a en plus cette idée que la beauté passe par la douleur ». À l’époque, cette cage faite de tissu, de baleines en fer et de lanières s’accompagne des talons aiguilles, de l’avènement des maisons closes et des pratiques sexuelles bondage. « Le corset peut être à fleurs et à dentelle, mais au final, il s'agit d’en tirer les lacets » résume Audrey Millet. Cohabitent donc aujourd’hui, de façon tout à fait paradoxale, un mouvement body positive qui envoie valser le mythe du corps parfait issu d’un regard patriarcal dominant, et un soudain attrait pour le corset qui enferme les jeunes femmes dans une silhouette idéalisée d’amphore, tout en obstruant leurs mouvements.

Kim Kardashian et autres constructions

Si le mouvement d’acceptation de soi a pour mantra « chacun fait ce qu’il veut, tant qu’il est heureux », que veulent les jeunes femmes des années 2020 ? Un nom revient à tous les coups : Kim Kardashian. « Elle ressort les gaines, et tout le monde applaudit !» déplore Audrey Millet. Kim Kardashian, qui proclamait « Nude selfies until I die » (« Selfies dénudées jusqu'à ma mort ») en recevant un Webby Awards pour avoir « cassé Internet » en 2016, a fondé sa fortune sur son corps. Avec sa marque, SKIMS, la star de télé-réalité offre à ses fans de quoi lui ressembler : des gaines, des corsets et des waist-trainers, soit des corsets de sport qui promettent d’affiner la taille, mais dont l’efficacité sur le long terme n’a jamais été prouvée. Cette lingerie permettrait d’obtenir « la silhouette hourglass [sablier, ndlr] à la mode », comme l’explique Aloïs Guinut, à savoir : des seins et des hanches augmentés, mais surtout pas de ventre. Pour la styliste, le corset peut n'être « qu'une parure esthétique, un accessoire juste pour le look ». Les amatrices de mode auraient moins de réticences à porter des habits contraignants car, comme le dit Audrey Millet, « personne ne met des Louboutins pour se faire du bien aux pieds. »

La mode, l'amour et la haine

Clémentine Desseaux, mannequin grande taille depuis plus de dix ans et figure incontournable du body positive sur Instagram, porte une taille 42 et plus depuis ses 12 ans. Elle a souvent été confrontée à des tendances dont elle n’était pas la cible : « Je me suis toujours sentie coupable de ne pas pouvoir rentrer dans ces vêtements. La mode, c’est l’amour et la haine ». Serait-ce finalement possible de se prêter au jeu de la mode sans complexer sur sa silhouette ? « Toute tendance est discriminante, explique Aloïs Guinut, mais le body positive crée une inclusion ». Lise, étudiante de 20 ans et « évidemment féministe », adore son corset : « Je ne le porte pas tout le temps pour ne pas m’habituer à voir mon corps avec, mais je me sens sexy dedans et il apporte un plus à certaines tenues. » La mode, secondée par la liberté de disposer de son corps, permet alors aux femmes de donner un second souffle à la lourde histoire de cette pièce : « Le corset n’est pas plus sexualisant qu’autre chose ! affirme Lise, Je l’ai acheté parce que je l’ai vu sur TikTok, c’est tout. Mon copain ne l’aime pas, ma famille non plus. Je l’ai acheté pour moi-même, tout simplement. »

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