Témoignages : ni avec toi, ni sans toi

Untitled 5
© Weronika Gesicka, Untitled #5, série "Traces".
Courtesy the artist and Jednostka Gallery

« Aimer, c’est regarder ensemble dans la même direction. » La maxime est charmante. Mais, dans la vraie vie, les destinées amoureuses sont rarement aussi simples. Chaque mois, Causette donne la parole à un duo sentimental pour comprendre comment les visions divergentes de chacun·e n’empêchent pas (toujours) le ménage de tourner.
Benjamin, en couple avec Claire*, avec qui il va avoir un second enfant, aime Vanessa depuis bientôt deux ans. Il essaie de se séparer de l’une ou de l’autre, sans succès. Vanessa tente de le quitter aussi, en vain.






Benjamin

34 ans

« Je suis tombé amoureux de Vanessa progressivement. Je n’étais pas très bien dans mon couple depuis la naissance de notre fils. J’ai toujours eu une relation très compliquée avec Claire*, la maman. La famille, c’est important pour elle. Il faut se battre pour sa famille. Partir n’est pas concevable tant qu’on n’a pas exploré toutes les solutions pour s’en sortir.
Depuis le début de ma relation avec Vanessa, il y a bientôt deux ans, j’en parle beaucoup à mes amis, bien qu’ils connaissent Claire. Aucun ne me fait la morale, mais j’ai eu tout le panel de conseils possibles : il faut que tu quittes Vanessa, que tu quittes Claire, que tu rappelles Vanessa dans deux ans.

L’amour que je porte à Vanessa est exceptionnel, et notre histoire intense, douloureuse. J’ai connu beaucoup de gens qui se sont mis dans une situation d’adultère, mais jamais aussi longtemps. Je ne sais pas comment sortir de là. J’ai énormément à perdre : la relation avec mes enfants et celle avec Vanessa. De facto, toutes les solutions sont douloureuses. Alors je ne choisis pas. Je viens de finir un livre dont la quatrième de couverture indiquait : “Les endroits les plus sombres de l’enfer sont réservés aux indécis.”
Claire a de sérieux doutes, mais pose peu de questions. Elle demande parfois si je la trompe, je réponds que non. Je dois être un très bon menteur ou il y a un bon alignement des planètes pour que je ne me fasse pas griller. Claire est tombée enceinte alors que nos rapports sexuels étaient rares depuis un an. J’ai dit plein de fois que je ne voulais pas de ce deuxième enfant et que je ne l’aimais plus. Nous avons envisagé un avortement, mais elle a refusé. Je suis en colère contre la vie et contre moi-même. Si j’étais parti bien plus tôt, je n’aurais pas eu ce problème. Si je me sépare de Claire, je ne verrai plus mes enfants tous les jours. J’ai envie d’être un bon père présent au quotidien.
J’ai essayé de rompre avec Vanessa cent fois, et réciproquement, mais on n’y arrive pas. C’est contre nature de quitter quelqu’un qu’on aime. Aujourd’hui, j’ai deux femmes dans ma vie qui pensent toutes les deux que je suis un connard. Mon estime de moi est au plus bas. Peut-être qu’un jour j’arriverai à quitter l’une des deux et à me regarder dans une glace. » 

Vanessa

33 ans

« J’ai quitté le père de ma fille il y a un an et demi. Est-ce ma rencontre avec Benjamin qui a fait que notre couple ne fonctionnait plus ou le fait que notre couple ne fonctionnait plus qui a rendu ma rencontre avec Benjamin possible ? Un peu des deux. Mon amour pour lui m’est tombé dessus. J’ai essayé de me convaincre que cette romance entre collègues serait une parenthèse, mais quatre mois plus tard, je m’installais seule avec ma fille. J’ai toujours dit à Benjamin que je n’étais pas partie pour lui ni à cause de lui.
Cet été-là, il a passé ses congés en famille. C’est là que mon cœur s’est déchiré pour la première fois. Une sensation insupportable de jalousie, de sentiment d’abandon, d’injustice totale. Comment pouvait-il me dire que j’étais la femme de sa vie et jouer la comédie de l’amour en famille ? À son retour, j’ai rompu. Une heure plus tard, on recommençait à s’envoyer des messages. Depuis, je l’ai quitté cent fois peut-être.

Mes ami·es répètent que j’ai le choix. J’ai le choix de le -quitter, certes, mais pas celui d’être avec lui. Ce choix n’appartient qu’à lui. Je crois que j’ai tout entendu : que je me comportais comme une femme battue qui sait qu’il ne changera jamais, mais qui y retourne quand même ; que je m’étais complètement perdue dans cette histoire ; que j’étais faible, inconsciente ; que je croyais en une chimère ; que les hommes ne quittent jamais leur femme ; que je ne méritais pas ça !
Je me sens impuissante et en position de faiblesse. Je ne sais plus comment me débattre entre cet amour si incroyable et cette situation si invivable. À chaque fois que je romps, mes ami·e·s me félicitent, comme si j’avais remporté une victoire. Cette situation absurde les fait beaucoup parler, mais il y a aussi ce que personne ne voit, qui n’appartient qu’à nous. Cette impression que, si nous étions sept milliards de pièces de puzzle sur cette planète, il serait ma pièce de puzzle à moi. Avec lui, tout est évident. Et rien ne l’est, évidemment. Et pourtant, j’y crois, alors j’y reviens toujours. Peut-être qu’un jour on racontera dans Causette comment on a fini par la fonder, notre famille, bancale, maladroite, avec nos deux enfants du même âge et cet enfant qui est né malgré notre amour. »

* Les prénoms ont été modifiés.

Si vous aussi, vous souhaitez nous raconter votre histoire de couple, écrivez à anna@causette.fr

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