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Détail du portrait de Joséphine en 1801 par Gérard (Musée de l’Ermitage, Saint-Petersbourg)

Série d’été – Ruptures épis­to­laires : la lettre de Joséphine à Napoléon

Les lettres de rupture sont parfois plus puissantes que les lettres d’amour elles-mêmes. Pour ce dernier épisode de notre série d'été, nous vous proposons la déchirante lettre de Joséphine de Beauharnais à son empereur d'époux. Dedans, elle renonce à leur union infertile pour une sinistre raison d'État : la nécessité de la descendance de Napoléon Bonaparte.

Série d’été : Te dire que je m’en vais 4/4

C'était ainsi, à l'époque du Code napoléonien : il ne faisait pas bon d'être une femme, mais encore moins une femme infertile. Même lorsque vous vous appelez Joséphine de Beauharnais et que vous avez conclu un mariage d'amour en 1796 avec le général qui s'auto-couronnera empereur en 1804.

Plus âgée que lui de six ans, veuve, « maigre et pauvre » selon la description faite par Agnès Pierron dans Lettres de rupture, publié dans la collection Mots intimes des éditions Le Robert, Joséphine voit son destin bouleversé par cette union. Confidente et meilleure alliée de son ambitieux mari qui ne cesse de lui écrire lorsqu'il part à la guerre, elle devient impératrice en même temps qu'il monte sur le trône. Mais lorsque, cinq ans plus tard, elle n'est toujours pas tombée enceinte, c'est la raison d'État qui prend le dessus : il faut une autre épouse à cet empereur qui ne tient sa légitimité non pas de dieu comme les rois qui l'ont précédé, non pas d'une lignée familiale aristocrate dans laquelle il aurait éventuellement pu se choisir un héritier, mais seulement de la force.

Joséphine est alors contrainte à puiser en elle une autre sorte de force : celle de rédiger, le 15 décembre 1809, la missive convenue et très politique que nous vous retranscrivons ci-dessous. On imagine l'humiliation publique - en fait, aux yeux de tous les sujets de l'Empereur - qu'a dû représenter pour elle cette répudiation pour cause d'infertilité.

Quelques mois après cette rupture, le 11 mars 1810, un mariage civil est conclu entre l'empereur Napoléon et Marie-Louise d'Autriche, union qui a le bon goût d'améliorer les relations entre la France et l'Autriche, ternies depuis « l'affaire » Marie-Antoinette. Les époux ne s'étaient jamais rencontrés avant cette date.

Lettre de Joséphine à Napoléon

Le 15 décembre 1809

Avec la permission de notre auguste et cher époux, je dois déclarer que ne conservant aucun espoir d'avoir des enfants qui puissent satisfaire les besoins de sa politique et l'intérêt de la France, je me plais à lui donner la plus grande preuve d'attachement et de dévouement qui ait jamais été donné sur la terre. Je tiens tout de ses bontés ; c'est sa main qui m'a couronnée, et du haut de ce trône je n'ai reçu que des témoignages d'affection et d'amour du peuple français.

Je crois reconnaître tous ces sentiments en consentant à la dissolution d'un mariage qui désormais est un obstacle au bien de la France, qui la prive du bonheur d'être un jour gouvernée par les descendants d'un grand homme si évidemment suscité par la Providence pour effacer les maux d'une terrible révolution, et rétablir l'autel, le trône et l'ordre social.

Mais la dissolution de mon mariage ne changera rien aux sentiments de mon cœur : l'Empereur aura toujours en moi sa meilleure amie. Je sais combien cet acte, commandé par la politique et par de si grands intérêts, a froissé son cœur ; mais, l'un et l'autre, nous sommes glorieux du sacrifice que nous faisons au bien de la patrie.

Lire aussi l Ruptures épistolaires : la lettre de Lou Andreas-Salomé à Rainer Maria Rilke

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