« La Vie en ose » : et si le nid vide était le meilleur endroit où prendre son envol ?

La romancière et réalisatrice Lisa Azuelos explore le « syndrome du nid vide » et le dépassement de soi à travers son nouveau roman La vie en ose.

La Vie en ose 1
© éditions Belfond

Pour Alice, 53 ans la vie n’est pas franchement toute rose. Son mari Laurent vient de la quitter pour une jeune femme et Chloé sa petite dernière s’envole loin de la maison pour vivre sa vie d’adulte. S’ajoute à ces départs, l’obligation pour cette quinquagénaire qui se rêvait styliste d’accepter un poste de vendeuse dans une boutique de déco. Alice qui a passé sa vie à s’occuper des autres, se retrouve seule face à elle-même et au temps qui passe, avec cette interrogation déterminante : « Qui est-on, à quoi sert-on quand on n’est plus la femme ou la mère de quelqu’un ? »

Avec La vie en ose, sorti le 11 juin 2020 aux éditions Belfond, Liza Azuelos rend hommage à ces mères-courages qui ont tant consacré à leurs familles et qui se sentent désœuvrées une fois que tout s’arrête. Avec bienveillance, l’autrice explore à travers le personnage d’Alice le syndrome du nid vide, ce sentiment de tristesse, de solitude et d’abandon qui accompagne de nombreuses mères lorsque leurs enfants quittent la maison. Un roman qui prend des allures de manuel de développement personnel – certaines apprécieront, d’autres pas ! - tant l’on peut se retrouver à travers Alice.

Le roman interroge l’enjeu de se réinventer après « l’accomplissement » supposé que serait le fait d’avoir mené à bien son rôle de parent jusqu’à la majorité de son enfant, et de savoir accueillir avec douceur les secondes chances de milieu de vie. Lisa Azuelos nous livre subrepticement un message militant, plaidant pour une meilleure considération du travail quotidien des mères de famille, celles que la société adore moquer. Un message d’amour aussi, à celles qui doutent, qui culpabilisent, qui reculent et qui osent. Car finalement, le nid vide est bien le meilleur endroit pour prendre son envol.

Nous avons proposé la lecture de La vie en ose à un duo de lectrices, une mère et sa fille. Si elles ont apprécié le livre, elles ne se sentent pas concernées par le drame vécu par l’héroïne : pour elles, cette étape a été plutôt perçue comme un aboutissement.

Causette : Caroline, Élisa, vous êtes-vous reconnues à travers le duo du roman, Alice et Chloé ?

Caroline : Le roman tourne surtout autour du personnage d’Alice et des quelques mois qui suivent le départ de sa fille Chloé. Je me suis reconnue en tant que maman bien que notre situation est différente : Chloé part vivre à des centaines de kilomètres, alors qu’Élisa habite seulement à 500 m de mon domicile.

Élisa : Le personnage de Chloé est peu présent dans le roman mais elle semble avoir une relation fusionnelle avec sa maman, ce qui est mon cas aussi. Là, ça ne faisait qu’une semaine qu’on ne s’était pas vues. On s’entend très bien, on a toujours eu une belle relation. Ma mère m’a par ailleurs élevée avec beaucoup d’autonomie et d’indépendance. On s’appelle finalement moins qu’avant mais on est toujours très proches, on a d’ailleurs passé tout le confinement ensemble !

Alice vit très mal l’envol de son dernier enfant Chloé qui part faire ses études de cuisine en province. Comment s’est déroulé le départ d’Élisa pour vous deux ?

Caroline : C’est là que je suis différente d’Alice. Je dois avouer que pour moi, c’était plutôt un soulagement ! L’envol de ma fille m’a facilité le quotidien, ne plus sentir d’obligation pour préparer les repas, pour faire les courses, ne plus être obligée de prévenir lorsque je rentre tard. Comme l’exprime Alice dans le roman, notre relation, c’est désormais beaucoup de liberté et peu de contrainte. Le départ d’Élisa pour moi c’était surtout une nouvelle vie qui commence. Un nouveau chapitre où enfin je pense à moi.

Élisa : J’ai quitté la maison très jeune pour m’installer avec mon mec. À notre rupture, je suis retournée vivre quelques mois chez ma maman car j’avais besoin d’elle à ce moment de ma vie. Puis le hasard de la vie a fait que j’ai trouvé un appartement tout près de chez elle. À ce moment-là j’ai eu peur, mais ce n’était pas de (re)quitter ma mère mais plutôt de m’installer seule. Je n’ai pas ressenti de culpabilité de quitter le nid car ma mère m’a élevée avec l’idée de vivre ma propre vie.

Caroline, vous n’avez donc pas vécu ce qu’on appelle communément « le syndrome du nid vide » ?

Caroline : Je ne connaissais pas ce terme auparavant. Non, le départ d’Élisa pour sa vie d’adulte a été une grande source de joie, un accomplissement. En devenant mère je me sentais investie d’une mission, celle d’amener ma fille à devenir une adulte. Je pense que j’ai bien fait le job, maintenant c’est ma deuxième vie qui commence. Je n’ai pas vécu de période de tristesse mais elle revient parfois par petite touche, en me disant « elle se débrouille bien sans moi, tiens. »

Tout au long du roman, Alice s’étonne à présent de n’avoir qu’elle dont s’occuper, qu’elle a géré et d’avoir à présent énormément de temps à se consacrer. Caroline, avez-vous aussi ressenti cet étonnement ?

Caroline : L’étonnement d’Alice m’a permis de me remettre en question. Je me suis regardée dans la glace en me demandant pourquoi je ne fais pas davantage de choses pour moi. Alice a commencé la danse, moi j’ai très envie de me mettre au yoga.

Alice met beaucoup de temps à s’approprier les chambres de ses enfants. Au départ d’Élisa, vous êtes-vous réapproprié sa chambre ?

Caroline : Il était hors de question de faire de la chambre d’Élisa un mausolée. Assez rapidement après son départ, j’ai trié ce qu’elle n’avait pas jugé bon d’emporter avec elle. J’ai transformé son ancienne chambre d’ado en chambre d’amis. Dans le roman, Alice aide les mères à faire le deuil de la chambre de l’enfant et je pense que c’est tout à fait ça. Il est important de faire le deuil de cette vie-là. Ce qui ne veut pas dire tout jeter et ne plus accueillir l’enfant chez soi bien sûr mais de se réapproprier son espace.

Élisa : J’ai trouvé ça totalement normal que ma mère se réapproprie ma chambre surtout que j’avais quasiment tout emmené pour vivre avec mon copain. Mais je dois quand même avouer que ça m’a fait un peu bizarre qu’elle devienne une chambre d’amis !

Alice réalise des pèles-mêles avec les souvenirs précieux, les premières fois, pour ces mamans qui ne parviennent pas à vider la chambre de leur enfant. Avez-vous aussi gardé certaines choses de l’enfance d’Élisa ?

Caroline : En tant que maman, ce symbole du pêle-mêle m’a beaucoup touchée. Moi aussi j’ai gardé quelques petits trucs qui ont une valeur inestimable, une jolie création de la maternelle, sa première guitare et des photos un peu partout.

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