Son attachement à l’Algérie et son adoption à l’islam ont nourri beaucoup de fantasmes et de légendes. Personnage énigmatique dont la disparition prématurée a contribué à renforcer l’aura, Isabelle Eberhardt, reporter, écrivaine, fascine aujourd’hui encore par son anticonformisme et sa soif de liberté.

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Comment ne pas être touché par le destin tragique d’Isabelle Eberhardt, une des premières femmes reporters de guerre, fauchée à 27 ans par une crue de l’oued d’Aïn Sefra, dans le nord-ouest de l’Algérie, aux portes du désert ? De cette écrivaine, qui aura fait de cette autre rive de la Méditerranée sa terre d’adoption, il reste de passionnants écrits et une poignée de photos. Sur l’une d’entre elles, elle pose en tenue traditionnelle drapée dans un burnous, ce long manteau en laine avec capuche, le crâne rasé, coiffée d’une chéchia. Une tenue masculine avec laquelle elle a sillonné les routes d’Afrique du Nord, se gorgeant de paysages pour tenter d’étancher sa soif de liberté et d’absolu. « Comme toujours en route, dans le désert, je sens un grand calme descendre en mon âme. Je ne regrette rien, je ne désire rien, je suis heureuse », confie-t-elle dans Écrits sur le sable.
Fille illégitime de Natalia de Moerder (née Eberhardt), une aristocrate, et d’Alexandre Trofimovsky, un anarchiste, tous deux réfugiés russes, Isabelle Eberhardt naît à Genève le 17 février 1877. Son acte de naissance ne stipule que le nom de sa mère, d’où le voile de mystère qui nimbera longtemps sa filiation. Certains auteurs prétendront même qu’elle serait la fille du poète Arthur Rimbaud. Soucieux du qu’en-dira-t-on de la bonne société tsariste, Natalia et Alexandre décident de rester en Suisse et s’installent à[…]