Capture d’écran 2023 05 25 à 10.17.12
©DR

Claudia Senik : « En majo­ri­té, le télé­tra­vail inté­gral ne convient pas aux gens »

Entretien avec Claudia Senik, pro­fes­seure d’économie et direc­trice scien­ti­fique de la Fondation pour les sciences sociales, qui a codi­ri­gé Le Travail à dis­tance, qui paraît ce mer­cre­di 25 mai.

Causette : Le télé­tra­vail sem­blait a prio­ri favo­rable aux femmes. Pourquoi le tableau est-​il plus ambi­gu ?
Claudia Senik : On s’attendait à ce qu’il per­mette aux femmes de mieux conci­lier les deux grands domaines qu’elles ont à charge, le tra­vail et la famille. En réa­li­té, ces deux domaines se gênent mutuel­le­ment, ce qui crée des ten­sions. Pendant le
Covid, le télé­tra­vail a eu un impact néga­tif sur la san­té men­tale et la satis­fac­tion
de vie, sur­tout chez les femmes et en par­ti­cu­lier chez celles qui avaient des enfants en âge sco­laire – l’école à la mai­son ayant majo­ri­tai­re­ment repo­sé sur elles. Il y a des dif­fé­rences entre les couples, mais, en moyenne, ce sont les femmes qui en ont le plus souffert.

Une enquête a com­pa­ré des couples hété­ros fran­çais, suisses et sué­dois où le père tra­vaille à la mai­son. En France, cette pré­sence n’a pas créé un meilleur par­tage du tra­vail domes­tique…
C.S. : Il s’agit d’une enquête qua­li­ta­tive réa­li­sée auprès de quelques dizaines de couples, donc il faut res­ter pru­dent avant de géné­ra­li­ser. Mais on voit que le bou­le­ver­se­ment de l’organisation de tra­vail n’a pas tel­le­ment chan­gé les attentes des uns et des autres en matière d’identité et de com­por­te­ment au sein des foyers, et a même eu ten­dance à les exa­cer­ber. En France, les hommes enquê­tés tra­vaillent encore plus qu’avant. En Suisse, ils prennent un peu plus de tâches en charge, mais les femmes res­tent les orches­tra­trices. Alors qu’en Suède, les hommes endossent qua­si­ment toute la charge du tra­vail domes­tique et des soins aux enfants. Cela montre qu’il ne suf­fit pas de chan­ger le tra­vail pour modi­fier les normes dans la famille.

Le télé­tra­vail peut-​il être favo­rable aux femmes ?
C.S. :
En majo­ri­té, le télé­tra­vail inté­gral ne convient pas aux gens. Il peut être une bonne affaire pour les femmes s’il est par­tiel et si elles évitent de le faire quand les enfants sont à la mai­son. La res­pon­sable des res­sources humaines d’une grande entre­prise expli­quait récem­ment que les femmes ne demandent plus à télé­tra­vailler le mer­cre­di. C’est la grande leçon qu’elles ont apprise ces der­nières années !

Le télé­tra­vail va-​t-​il bou­le­ver­ser nos modes d’organisation sociale ?
C.S. : Le télé­tra­vail par­tiel va per­du­rer. Aujourd’hui, pour un même emploi, la majo­ri­té des gens choi­sissent celui où l’on peut télé­tra­vailler un jour ou deux, quitte à gagner un peu moins (de 5 à 15 % en moins). C’est encore plus vrai pour les femmes, les cadres et les plus diplô­més. Il y aura sans doute moins de bureaux, mais de nou­veaux espaces de sociabilisation.

Le Travail à dis­tance. Défis, enjeux et limites, codi­ri­gé par Claudia Senik. Éditions La Découverte.

Partager
Articles liés

Inverted wid­get

Turn on the "Inverted back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.

Accent wid­get

Turn on the "Accent back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.