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Claudia Senik : « En majo­ri­té, le télé­tra­vail inté­gral ne convient pas aux gens »

Entretien avec Claudia Senik, professeure d’économie et directrice scientifique de la Fondation pour les sciences sociales, qui a codirigé Le Travail à distance, qui paraît ce mercredi 25 mai.

Causette : Le télétravail semblait a priori favorable aux femmes. Pourquoi le tableau est-il plus ambigu ?
Claudia Senik : On s’attendait à ce qu’il permette aux femmes de mieux concilier les deux grands domaines qu’elles ont à charge, le travail et la famille. En réalité, ces deux domaines se gênent mutuellement, ce qui crée des tensions. Pendant le
Covid, le télétravail a eu un impact négatif sur la santé mentale et la satisfaction
de vie, surtout chez les femmes et en particulier chez celles qui avaient des enfants en âge scolaire – l’école à la maison ayant majoritairement reposé sur elles. Il y a des différences entre les couples, mais, en moyenne, ce sont les femmes qui en ont le plus souffert.

Une enquête a comparé des couples hétéros français, suisses et suédois où le père travaille à la maison. En France, cette présence n’a pas créé un meilleur partage du travail domestique...
C.S. : Il s’agit d’une enquête qualitative réalisée auprès de quelques dizaines de couples, donc il faut rester prudent avant de généraliser. Mais on voit que le bouleversement de l’organisation de travail n’a pas tellement changé les attentes des uns et des autres en matière d’identité et de comportement au sein des foyers, et a même eu tendance à les exacerber. En France, les hommes enquêtés travaillent encore plus qu’avant. En Suisse, ils prennent un peu plus de tâches en charge, mais les femmes restent les orchestratrices. Alors qu’en Suède, les hommes endossent quasiment toute la charge du travail domestique et des soins aux enfants. Cela montre qu’il ne suffit pas de changer le travail pour modifier les normes dans la famille.

Le télétravail peut-il être favorable aux femmes ?
C.S. :
En majorité, le télétravail intégral ne convient pas aux gens. Il peut être une bonne affaire pour les femmes s’il est partiel et si elles évitent de le faire quand les enfants sont à la maison. La responsable des ressources humaines d’une grande entreprise expliquait récemment que les femmes ne demandent plus à télétravailler le mercredi. C’est la grande leçon qu’elles ont apprise ces dernières années !

Le télétravail va-t-il bouleverser nos modes d’organisation sociale ?
C.S. : Le télétravail partiel va perdurer. Aujourd’hui, pour un même emploi, la majorité des gens choisissent celui où l’on peut télétravailler un jour ou deux, quitte à gagner un peu moins (de 5 à 15 % en moins). C’est encore plus vrai pour les femmes, les cadres et les plus diplômés. Il y aura sans doute moins de bureaux, mais de nouveaux espaces de sociabilisation.

Le Travail à distance. Défis, enjeux et limites, codirigé par Claudia Senik. Éditions La Découverte.

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