Le cinéma, une affaire d’hommes ? Dans la période de l’après-guerre puis face aux jeunes loups de la Nouvelle Vague, Jacqueline Audry impose son regard, indomptable. Réalisatrice de seize longs-métrages, dont trois adaptations de Colette, elle est l’une des femmes les plus prolifiques du septième art français.

Mitsou, au cinéma Marbeuf en 1956. © Agip/Bridgeman Images
Lors de la cérémonie des César 2020, une seule femme était nommée dans la catégorie « Réalisation ». Rien d’étonnant puisque Jane Campion demeure toujours, en cette même année, la seule femme à avoir reçu la Palme d’or. « Y a encore du boulot, mais tenez bon ! », dirait Jacqueline Audry, optimiste contre vents et machos. Méconnue et encore moins reconnue par le milieu cinéphile, cette réalisatrice a pourtant marqué la période du cinéma français d’après-guerre. Ses héroïnes audacieuses s’inscrivent dans l’air de son temps. Au lendemain de la Libération, un vent d’émancipation secoue la France et les femmes obtiennent le droit de vote. Jacqueline Audry se fait alors « la prêtresse sage, délicate et parfois corrosive des libertés nouvellement acquises », ainsi que la décrit Thérèse Lamartine dans Elles cinéastes Ad Lib 1895–1981. Mais que de patience et de perspicacité il aura fallu à cette héritière d’Alice Guy pour imposer son autre regard dans le cinéma français !
Le pouvoir du cinéma
Née en 1908 à Orange, dans le sud de la France, Jacqueline Audry est issue d’un milieu intellectuel privilégié. Ses parents avaient été passionnément dreyfusards et son père, Charles Audry, très actif au sein de la fédération socialiste du Gard. La famille est apparentée à Gaston Doumergue, président de la République de 1924 à 1931. Jacqueline grandit dans l’ébullition de l’engagement politique, aux côtés de sa sœur aînée Colette, qui deviendra agrégée de lettres et écrivaine. « Pour tout ce qui[…]