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Extrait du documentaire « Like a Virgin ». © Public Sénat pour Drôle de trame

Le mythe de la vir­gi­ni­té fémi­nine décons­truit par la réa­li­sa­trice Feriel Ben Mahmoud

Ce samedi 30 janvier, Public Sénat diffuse Like a Virgin, le documentaire de Feriel Ben Mahmoud sur la virginité féminine dans ses dimensions culturelles, religieuses, historiques et éminemment politiques. Nécessaire.

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Feriel Ben Mahmoud © DR.

« Quand j’ai découvert qu’anatomiquement l’hymen n’était absolument pas une preuve de virginité chez les femmes et qu’on ne pouvait pas différencier, en l’auscultant, une femme qui a eu des relations sexuelles d’une femme qui n’en a jamais eues, je me suis dit qu’il était urgent que toutes les femmes et tous les hommes le sachent ! » s’exclame Feriel Ben Mahmoud, réalisatrice du documentaire Like a virgin diffusé ce 30 janvier sur Public Sénat. Elle relève le défi de raconter et de déconstruire, à travers le monde et des expertises diverses, un mythe doublé d’un tabou à la portée universelle : la virginité des femmes.

 Cette historienne de formation a grandi entre un père tunisien et une mère française et s’est vite passionnée pour les sciences politiques, comme un fil rouge dans l’ensemble de son travail. L’idée du documentaire Like a virgin émerge dans l’esprit de Feriel Ben Mahmoud en 2005, lors de la réalisation du film Tunisie, Histoire de femmes. À l’occasion de ce tournage, elle a rencontré un groupe de jeunes adolescent·es pour échanger sur les questions du travail, du couple, du corps et de la sexualité. Sur ce dernier point, l’un d’eux l’interpelle. « Il m’a dit penser que l’égalité entre les hommes et les femmes était acquise socialement mais pas encore dans l’intimité. De mon côté, j’ai réalisé que l’injonction à la virginité féminine restait une question très sérieuse et conditionnait une vie entière de sexualité. » 

Il y a aussi eu, en 2011, les rassemblements sur la place Tahrir en Egypte pendant le printemps arabe , où des tests de virginité comme moyen de répression envers les femmes ont été pratiqués. « Cela m’a profondément heurtée, alors qu’enfin les combats féministes et LGBT étaient portés, de constater ces pratiques violentes, dans le seul but d’humilier et de décrédibiliser les femmes. » Et par là même, faire de la virginité un éternel gage de décence. 

Feriel nous démontre en 52 minutes ambitieuses et très justes que ce sujet est commun à toutes les cultures et invite à la confrontation de points de vue pluridisciplinaires : sociologique, anthropologique, religieux, psychiatrique, mais avant tout politique.  « Je suis heureuse que ce documentaire soit diffusé sur Public Sénat, car cette chaîne mettra en lumière la dimension politique de ce sujet » explique-t-elle à Causette. Sans compter que depuis septembre 2020 et le projet de loi contre le séparatisme, le débat autour des certificats de virginité (que le gouvernement souhaite interdire) est résolument d’actualité en France, comme le souligne, dans le reportage, la gynécologue de la Maison des femmes de Saint-Denis, Ghada Hatem lors d’un groupe de parole. Lorsqu’elle pose la question de savoir ce qui justifie un certificat de virginité avant le mariage, la réponse des participantes, majoritairement musulmanes, ne se fait pas attendre : « C’est comme ça ! ». Il y a en effet un déterminisme culturel et un enjeu moral, explique Ghada Hatem : « Les femmes qui souhaitent une hyménoplastie [reconstruction de l’hymen, ndlr] sont enfermées dans une morale communautaire, qui véhicule l'idée qu’il y a “un truc à arracher”, que l’homme “prend la virginité”. Et que cette étape est primordiale, car elle relève leur valeur en tant que femmes. »

Lire aussi : Certificats de virginité : continuer à les délivrer pour protéger les femmes

« C’est incroyable de constater que cette histoire d’hymen puisse pousser des femmes au suicide, que des femmes puissent être assassinées à cause d’un saignement qui était attendu et qui n’était pas là la nuit de noces. »

Feriel Ben Mahmoud

Like a virgin creuse au plus profond (et sans mauvais jeu de mot) la notion de pureté virginale qui prévaut encore dans une grande partie de l'imaginaire collectif. La scène d’ouverture du documentaire en est l’exemple parfait : Aux Etats-Unis, un « contrat d’engagement à la pureté » est signé entre une jeune fille et son père, issus d’une classe très aisée. L'illustration d'un phénomène dans lequel les jeunes femmes elles-mêmes, subissant la pression familiale, émettent le souhait de préserver à tout prix leur virginité jusqu’au mariage. La croyance est à la fois religieuse, médicale et sociale et « associe l’acte sexuel à une forme de souillure » explique Feriel. Une sémiologue nous éclaire aussi sur l’étymologie latine du mot qui renferme à la fois l’idée de la vierge et de la guerrière. Il y a donc une construction mythologique, qui perdure encore aujourd’hui, et qui valorise la virginité, vertueuse depuis l’Antiquité. 

« C’est incroyable de constater que cette histoire d’hymen puisse pousser des femmes au suicide, que des femmes puissent être assassinées à cause d’un saignement qui était attendu et qui n’était pas là la nuit de noces, poursuit Feriel. Que des opérations de reconstruction sont effectuées, parce que des médecins ont décidé au 19ème siècle que cette membrane était une preuve de virginité. » Sur cette question, l'intervention des scientifiques Nina Dolvik Brochmann et Ellen Stokken Dahl dans le reportage, révèle que la construction scientifique du mythe de « l'hymen à défleurer » (alors que l'on peut naître sans, ou le rompre en pratiquant une activité sportive par exemple) perdure aujourd'hui comme une manière de garder un contrôle sur le corps des femmes. Feriel Ben Mahmoud s'applique à le déconstruire avec un regard nouveau et averti, toujours animée par la liberté des femmes et le combat féministe. 

Lire aussi : Réparation de l’hymen, se refaire une virginité 

Like a virgin, sur Public Sénat, samedi 30 janvier à 21h. 

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