HS10 suremballage © Fiona Crott pour Causette
© Fiona Crott pour Causette

Écologie et grande dis­tri­bu­tion : pas de quoi s'emballer !

Bien que l’agroalimentaire et la grande distrib aient signé un pacte avec le gouvernement visant à réduire les emballages en plastique, les produits sur les étals restent très, très emballés ! Quant au vrac, qui commence à s’implanter aussi dans les grandes enseignes, il revient souvent plus cher. Certain·es client·es, refusant d’être pris·es pour des courges, dénoncent ce greenwashing.

Une pomme lavée « prête à croquer », glissée dans un sachet transparent. Deux avocats protégés par une coque en plastique. Une banane avec sa peau couchée dans une barquette en polystyrène enveloppée de film alimentaire – ou, pis, des œufs durs déjà écalé. Les bras vous en tombent ? À l’heure où il est impossible de fermer les yeux sur ­l’urgence environnementale, on se demande bien comment des industriels français peuvent encore se laisser aller à des pratiques aussi scandaleuses, dignes du Japon, champion toutes catégories du suremballage. Parfois, il s’agit même de fruits ou de légumes bio ! On nage en pleine contradiction. 

En février, treize groupes de l’agro­alimentaire et de la grande distribution se sont engagés à réduire les emballages plastique. Ainsi, à Carrefour, les bananes bio équitables sont désormais vendues ceinturées d’une bande… en polypropylène (on ne peut pas tout révolutionner du jour au lendemain !). Ce qui représente, selon l’enseigne, vingt-trois tonnes de plastique en moins sur une année. Mais pas d’emballement : sur les étals, on peut encore tomber sur des concombres ou des oranges bio gainé·es de film plastique . Argument invoqué : il ne faudrait pas que l’on puisse les confondre avec leurs cousins ou cousines pollué·es par les pesticides ! 

#PlastiqueStupide ! 

Pour dénoncer ce type d’aberrations, Greenpeace Canada a lancé, en 2018, #RidiculousPackaging et #BreakFreeFromPlastic et suggéré aux consommateurs et consommatrices de taguer les enseignes ou les magasins responsables. Le réveil des industriels passera-t-il par la pratique du « name and shame », très répandue sur les réseaux sociaux ? Aline Gubri 1, qui anime le blog Consommons sainement, en est convaincue. « Aujourd’hui, ce sont encore plus de dix tonnes de plastique qui sont fabriquées dans le monde… chaque seconde ! En France, la moitié du plastique est destinée aux emballages. Ceux destinés à l’alimentaire représentent 15 % de nos ordures ménagères », explique cette jeune conférencière et consultante en économie circulaire. Emboîtant le pas à l’ONG canadienne, elle a initié le mot-clé #PlastiqueStupide pour dénoncer les conditionnements dans ce matériau. Elle compte, ensuite, organiser un concours de l’emballage le plus grotesque. Après les Gérard de la télévision, les Tocards du plastique ? 

D'autres encore sont pris la main dans le vrac, à la faveur d'un effet de mode. Tout le monde s’y met. Les magasins bio, évidemment, pratiquent la vente en vrac depuis un sacré bout de temps. Les épiceries 100 % sans emballage poussent comme des champignons. Quant aux grandes surfaces, pour certaines un peu à la traîne, elles s’équipent à leur tour à la vitesse grand V de silos à vrac, prenant en marche le train de ce nouveau mode de consommation que certains prédisent durable. 

Dans l’esprit des client·es, et dans les pratiques des magasins sensibilisés au zéro emballage depuis perpète, si les aliments ne sont pas emballés, ils doivent nécessairement être moins chers. Ça semble logique ! Or, à regarder de plus près les étiquettes, il semblerait que ce ne soit pas toujours le cas, comme l’a pointé le site d’information Les Jours dans son enquête « Au supermarché, l’arnaque au vrac », parue en mai dans la série « Le vrai du bio ».

De fait, les consommateurs et consommatrices sont vigilant·es. Ils traquent le moindre green faux pas de ces nouveaux et nouvelles converti·es au zéro déchet et pointent leurs dérives à coup de tweets ironiques. Quelques-un·es interpellent même les enseignes sur des différences de prix constatées qu’ils·elles jugent pour le moins exagérées. Des demandes auxquelles les distributeurs répondent à chaque fois, sans doute pour limiter un éventuel bad buzz. Le riz en vrac est 40 % plus cher que le paquet de riz basmati bio vendu dans le même magasin ? Il s’agit d’une qualité de riz différente, les volumes achetés sont plus faibles et nécessitent donc plus d’intermédiaires, se justifient ainsi les responsables de Carrefour, moqués sur Twitter par des client·es. Autant d’arguments qui ne satisfont guère ceux et celles à qui on ne la fait pas. 

Un surcoût pour l’entretien

Autre explication donnée pour ces écarts de prix, parfois carrément abusifs : le temps que nécessite l’entretien quotidien des bacs distributeurs de vrac. Pour que cela ne vire pas à la cata autour des silos, il faut en effet régulièrement inspecter et nettoyer le rayon. Quand d’autres ont simplement repensé leur manière de gérer ce nouvel espace, certaines grandes enseignes répercutent tout simplement le surcoût sur les client·es. 

Le seul souci est que tout cela risque d’être contre-productif. Selon une récente étude 2, 37 % des Français·es achètent des produits sans emballage, principalement des fruits oléagineux ou fruits secs et des légumineuses. Une tendance qui ira en s’amplifiant dans les prochaines années. Et pour cause, la distribution en vrac présente de nombreux avantages écologiques et économiques. Aujourd’hui, les acheteur·euses remplissent de petits sacs en papier mis à leur disposition. Quelques convaincu·es de la première heure viennent même avec leurs propres contenants. 

Le zéro déchet gagne du terrain. Sous la surveillance des consommateurs et des consommatrices !

1. Autrice de Zéro plastique, zéro toxique. éd. Thierry Souccar, 2017. 
2. Nielsen Panel News, décembre 2018.
 

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