Fascinée par la mer depuis l’enfance, Anita Conti s’est imposée comme la première femme océanographe française. Avec son appareil photo et ses carnets, elle a su se faire adopter par le monde fermé des marins. Et déjouer la superstition qu’une femme porte malheur à bord ! Cette lanceuse d’alerte a contribué à la prise de conscience écologique sur la fragilité des océans.

© Anita Conti /Archives de Lorient
Fécamp, 11 juin 1939. Anita Conti, 40 ans, embarque sur le morutier Viking-F797 pour une campagne de pêche qui doit durer plus de trois mois dans l’Atlantique Nord (mer de Barents, Spitzberg, île aux Ours). C’est la première fois qu’elle va séjourner aussi longtemps sur un navire. Seule femme au milieu d’une cinquantaine d’hommes, appareil photo vissé à l’œil et carnet de notes jamais loin, elle va s’employer à observer et documenter la vie à bord de ces marins. « Vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ces hommes restent ainsi, debout, fichés dans la morue, les poignets et les mains trempées de cette eau sanglante et glaciale, raconte-t-elle dans Le Carnet Viking, journal de bord de cette expédition, publié bien après sa mort. Le visage balayé d’embruns, de pluie, brûlé de vent, les jambes alourdies traversées de crampes ; ils veulent les ignorer, ils veulent demeurer debout, debout dans la mer, debout dans la mer tandis que les bras tournent en action continue, patiente, hardie, infatigable, alors que des blessures cruelles handicapent l’effort. » Son récit et les multiples photos qui l’accompagnent constituent un témoignage exceptionnel sur le monde fermé des terre-neuvas aujourd’hui disparu.
Les travailleurs de la mer
L’amour de la mer lui vient très jeune, durant ses premiers séjours sur les côtes bretonnes. Née le 17 mai 1899 à[…]