Le Minotaure : « J’ai col­lé une tarte à ce petit puceau de Thésée et je lui ai dit de dégager »

Pour ce numéro de septembre, le mois de l’année qui nous rappelle que la vie, c’est pas uniquement des pastis olives à toute heure, j’ai eu envie de prendre quelques risques pour vous proposer une interview mythologique. Muni de ma boussole, d’une pelote de laine et d’un smartphone dernier cri, je me suis rendu en Crète pour trouver un labyrinthe censé retenir ce doux mélange de taureau et d’homme qu’on appelle Minotaure.

shutterstock 1326242858
© Shutterstock

Causette : Bonjour Monsieur ? Bonjour Minotaure ?

Minotaure : Appelez-moi Éric.

Ah ! OK. Bon, pas évident, Éric, d’habiter dans un bordel pareil, quelle idée !? Vous savez qu’aujourd’hui, on fait des trucs beaucoup moins sinueux et beaucoup mieux isolés aussi. Il fait hyper chaud chez vous !

Minotaure : Oui, j’en ai vaguement entendu parler, mais je suis bien, moi, dans ce dédale de pierres, c’est rassurant et puis c’est chez moi, c’est comme ça. Ma seule crainte est de me faire exproprier pour construire un aéroport ou un centre commercial. Vous imaginez un peu ? Le Minotaure relogé dans un appartement avec interphone et conciergerie ?

C’est sûr que ça a moins de gueule qu’un labyrinthe. Mais putain, en taxe foncière ça doit être quelque chose, parce que vous avez combien là ?

Minotaure : 4 hectares de labyrinthe et 6 hectares de terrain autour que j’ai jamais eu l’occasion de voir.

Ah oui ! quand même. C’est énorme. Avant de continuer sur le foncier, j’aimerais comprendre : comment êtes-vous toujours en vie ? D’après mes professeurs de grec, Thésée, fils d’Égée, vous aurait collé une méchante branlée. Que s’est-il passé en réalité ?

Minotaure : Ah oui, encore cette histoire avec ce petit puceau de Thésée. En bref, c’était y a un bon bout de temps. J’étais en train de bouffer un reste de cuisse de garçon envoyé quelques années auparavant par Égée (en passant, quatorze mioches tous les neuf ans, c’était pas l’orgie, un peu radin, le roi) et là, je te vois débarquer un petit truc fébrile complètement à poil, une épée à la main et de quoi tricoter dans l’autre. Première réaction, évidemment, je rigole, il faut imaginer la scène quand même. 

Oui et ensuite...

Minotaure : Eh bien, je reprends mes esprits et je lui demande s’il compte sérieusement attaquer quelqu’un dans cette tenue ! Il me répond que oui, qu’il était là pour me tuer. Le con. Je lui ai collé une tarte et je lui ai dit de dégager avant que mon estomac change d’avis quant à la finalité de notre rencontre. Voilà. Apparemment, il est allé raconter à tout le monde qu’il m’avait défoncé, il existerait même des statues de cette bataille…

Oui, c’est exact, on peut voir une grande statue représentant votre combat au jardin des Tuileries, à Paris. Ça fait bientôt deux cents ans qu’elle y traîne et, en effet, tout
le monde est à poil. Les slips, c’est pas un truc qui vous intéresse ?

Minotaure : Pourquoi faire ? Vous croyez que je croise beaucoup de voisins ?

J’imagine que non : « Chérie, je vais acheter du pain, je vais couper par le labyrinthe du Minotaure… » C’est moyennement tentant en effet. J’aurais plein de questions, or l’interview touche à sa fin. C’est sympa ici, mais vous comprendrez que j’ai plutôt prévu de crever d’un cancer de la gorge à 80 ans que de faim dans un labyrinthe. Je file. Merci pour ce moment, en même temps, vous devez pas être surchargé de boulot…

Minotaure : Merci à vous. Non, c’est vrai, à part un peu d’entretien physique et lire et relire le seul livre de ma non-bibliothèque, c’est pas la surcharge d’activité.

Ah oui ? Quel livre ?

Minotaure : 500 recettes anthropophages pas à pas.

Bonne ambiance… Allez, bisous.

Minotaure : Attendez, vous êtes sûr que vous voulez pas rester bouffer ? 

Partager
Articles liés

Inverted wid­get

Turn on the "Inverted back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.

Accent wid­get

Turn on the "Accent back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.