person holding white and red plastic toy
© Marília Castelli

Upcycling : com­ment la cou­ture est deve­nue cool

Longtemps vue comme une activité ringarde et avilissante pour les femmes, la couture séduit à nouveau les jeunes. En toile de fond de ce succès, l’avènement de l’upcycling sur les réseaux sociaux… et le confinement.

Pour être à la mode, plus besoin de dépenser une fortune dans des enseignes de luxe ou de dévaliser H & M. Il suffit d’un vieux t-shirt ou d’un drap, d’une machine à coudre et d’un peu d’inspiration. Cette pratique a un nom : l’upcycling. En anlais, cette expression désigne « l’action de récupérer des matériaux ou produits non utilisés afin de les transformer en produits de qualité supérieure ». Dans le cas de la mode, il s’agit de recycler d’anciens vêtements, des stocks de tissus dormants ou d’autres textiles pour en faire des pièces actuelles.

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Capture d'écran d'une vidéo de Rubi Pigeon sur Instagram.

Depuis le premier confinement, l’upcycling est partout sur les réseaux sociaux. Justine, alias Jorjadela sur les internets, est une Lilloise de 27 ans. Elle a commencé à coudre il y a deux ans, tout simplement car elle voulait « des pièces de créateurs », mais n’avait pas les moyens d’en acheter. Avec un peu d’aide de sa grand-mère et des conseils trouvés sur YouTube et Pinterest, elle s’améliore rapidement. Lorsqu’elle s’est retrouvée coincée chez elle l’année dernière, elle a décidé de partager ses réalisations d’upcycling. Sur les comptes TikTok et Instagram de cette fan de mode, on retrouve de nombreux tutos pour imiter ses créations, toujours pile dans la tendance. Elle y montre des thrift flips, c’est-à-dire, la transformation de pièces chinées en friperies comme ce polo rayé beaucoup trop grand pour elle qui devient un ensemble jupe, brassière et crop top. « Je veux montrer aux gens qu’on peut faire beaucoup avec peu de matériel », s’enthousiasme-t-elle.

 « C'est un geste politique, économique et écologique »

Juliette Lechat, 21 ans

Les vidéos d’influenceuses d’un nouveau genre, comme Jorjadela, ont contribué à un regain d’intérêt pour la pratique. Dès le premier confinement, plusieurs modèles de machines à coudre ont connu des ruptures de stock. La marque Singer a vu ses ventes augmenter de plus de 30 % en 2020. Boréale, 25 ans, s’est mise à coudre début 2020 avec la machine de sa mère qui lui a montré les bases. Puis, grâce à des tutoriels sur YouTube, elle a commencé à transformer toutes sortes de matériaux. « J’aime recycler des vêtements que je ne porte plus pour augmenter leur durée de vie », fait valoir cette Limousine. Car si l’upcycling permet d’économiser et d’être tendance, il répond également à un besoin de consommation éthique de la part des jeunes générations. Juliette Lechat, une adepte de 21 ans, a commencé à coudre à 17 ans en regardant, elle aussi, des vidéos sur Internet. Elle explique : « Je ne m’habille qu’en seconde main. Au début, c’était par manque de moyens, puis j’ai pris conscience des enjeux de la fast fashion. Pour moi, c’est un geste politique, économique et écologique. »

Une vision partagée par Rubi Pigeon, 23 ans, l’une des têtes d’affiche de ce mouvement et fervente militante anti-fast fashion. Sa passion pour la création de vêtements remonte à son adolescence. Lors de son arrivée au lycée, en Angleterre, elle a choisi d’étudier la couture, l’une des matières proposées pour les A-Levels (l’équivalent du bac français). « J’ai toujours été intéressée par la transformation », affirme-t-elle. Sur sa chaîne YouTube, elle explique le fonctionnement de la fast fashion, comment ce système pollue et tue même parfois. « On nous a tellement éduqués à surconsommer, à toujours vouloir du neuf ! Je pense qu’il faut le désapprendre. On peut avoir un style nouveau sans consommer ou produire du neuf. » Son style, inspiré des – déjà rétro à l’échelle de la mode ! – années 2000, coloré et original, est composé uniquement à partir de pièces de seconde main et de ses propres créations. Sur les réseaux sociaux, elle montre à ses nombreux abonné·es comment transformer une serviette-éponge en t-shirt, un couvre-lit en manteau.

Un mouvement de fond

« La couture est un truc de filles cool », observe Aloïs Guinut, styliste personnelle et autrice de Why French Women Wear Vintage (Mitchell Beazley, 2020). Cela n’a pas toujours été le cas. Cette activité a longtemps été une tâche obligatoire, réservée aux femmes. À partir des années 1960, les jeunes filles rejettent toute forme de travaux domestiques que leurs mères effectuaient, dont la couture. Au même moment, le prêt-à-porter fait son apparition. Bien que plus coûteux que les vêtements faits main, il donne un sentiment d’indépendance et de renouveau aux femmes de l’époque. Une vision qui commence à peine à changer. Comme le remarque Juliette Lebourgeois, une Dijonnaise de 22 ans qui a commencé à faire de l’upcycling pendant le confinement, en s’aidant de l’incontournable Pinterest et de blogs : « La génération de ma mère s’est battue pour les droits des femmes et pour elle, les travaux de maison, ce n’est pas possible. Elle me disait “sois intellectuelle, pas manuelle”. »

Les nouvelles couturières y voient plutôt une forme de travail manuel gratifiant, qui permet de s’exprimer à travers des vêtements uniques. Juliette Lechat montre l’une de ses créations avec fierté. Il s’agit d’une belle chemise blanche, deux lanières passent par des fronces puis se nouent sur l’avant. On pourrait très bien l’imaginer exposée dans la vitrine d’une boutique branchée. La jeune fille veut entamer des études de couture dès l’année prochaine. Pour Aloïs Guinut, cette tendance est là pour durer. Elle estime que « lorsqu’on a appris une compétence technique, on la garde. » La styliste imagine un futur où certaines de ces nouvelles couturières en auront fait leur métier. « Je pense que ça va revitaliser les couturières de proximité, analyse-t-elle. Je vois bien ces jeunes filles ouvrir des échoppes de couturières. » Certaines auront peut-être une spécialisation upcycling.

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