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© Guilherme Zanoni / Unsplash

La chro­nique du Dr Kpote : “Tous les jours, des mini-​Depardieu, j’en ren­contre des dizaines”

Le Dr Kpote intervient depuis une vingtaine d’années en milieu scolaire comme “animateur de prévention”. Depuis une dizaine d’années, il en rend compte dans Causette. Aujourd’hui, il nous raconte que l’affaire Depardieu n’a pas à voir avec un gap générationnel, puisque beaucoup de jeunes échangent des propos violents et souvent vulgaires sur les filles et les femmes.

Tout le monde n’est pas d’accord sur la signification de l’expression “faire du sale”. Les explications varient en fonction des générations et du contexte. Il y a l’idée de faire beaucoup d’argent et ceci pas toujours dans la légalité, d’en rajouter dans ses paroles ou ses actes, ou bien de faire du mal à une tierce personne. Dans les séances de prévention sur la sexualité, ce n’est jamais très bon signe quand on évoque le “sale”, passé ou envisagé.

Il y a “faire” et “dire”. Dans les paroles, le mot “sale” vient souvent renforcer l’injure comme par exemple, “sale pédé”, “sale noir”, ou “sale pute”. Le “sale”, globalement, c’est plutôt un truc de jeune. Le vulgaire ou le grivois s’inscrivent plutôt dans le dérapage de boomer, toléré en fonction du statut de l’auteur, du contexte plus ou moins festif et aviné, du public rompu ou pas à cet humour un rien daté. Avec l’affaire Depardieu, de nombreux·euses internautes sont tombé·es dans le piège de l’âgisme, prétextant qu’il y avait une véritable rupture générationnelle entre les ardent·es défenseur·eures de la gauloiserie, soit plutôt des personnalités proches de l’Ehpad, et les anti-obscénités, représentés par les jeunes générations. J’ai trouvé ce clivage grotesque, car tous les jours, des mini-Depardieu, j’en rencontre des dizaines. Par contre, eux, s’ils sont sermonnés a minima et si on leur fait comprendre qu’ils ne jouiront pas de la même impunité que Gégé pour développer leur “sale” misogynie, on peut espérer qu’ils évolueront dans le bon sens de l’égalité.

Donc, comme Depardieu, certains jeunes font “du sale”, c’est-à-dire qu’ils échangent des propos violents et souvent vulgaires sur les filles et les femmes. Récemment, à ma question “qu’est-ce qui fait de nous des hommes ?”, un jeune en classe de quatrième avait écrit sur son Post-it rapidement collé au tableau : “On regarde du porno, on se branle, on baise et on prend du plaisir.” Franchement, cet hédoniste en herbe aurait pu tout à fait ajouter qu’il “avait une poutre dans le caleçon”, comme le balance, à son interprète coréenne, notre Obélix national, accompagné désormais par ses deux toutous, l’historique Idéfix et le petit nouveau, qui remue la queue pour flatter son maître, Macronix.

Dans le documentaire réalisé par Complément d’enquête, la scène du haras, reprise sur TikTok, n’a pas échappé aux jeunes. Gérard, avec un œil complice, nous chuchote que “les femmes adorent faire du cheval. Elles ont le clito qui frotte sur le pommeau de la selle. Elles jouissent énormément. C’est des grosses salopes.”

La touche “pédo” de Gégé

Il faut croire que les vannes de bourrins ont traversé les générations, car de nombreux jeunes évoquent dans mes séances ces femmes qui aiment se faire prendre par des chevaux. Joie de la connexion pour tous et toutes, ils évoquent des sites trash comme Extrême-zoophilie.com – qui est en libre accès (vérifié par mes soins et fortement déconseillé) – sur lequel des femmes jouent avec le sexe hors norme de leur cheval, allant jusqu’à la pénétration. La baise de manège ou fantasme équestre n’est donc pas une invention de Depardieu, si ce n’est que, dans son cas, il y ajoute sa touche “pédo” en évoquant la possible excitation sexuelle d’une très jeune fille, fruit de son imagination perverse. Comme lui, certains jeunes se rêvent en éternels étalons, suffisamment fougueux pour provoquer l’orgasme absolu chez les femmes qui oseraient les monter. En fait, comme ces gosses de 14 ans, l’acteur aux 75 printemps n’a de cesse de surenchérir dans la provocation, vu que personne ne l’a jamais censuré. 

Dans un atelier où je demandais ce qu’on pourrait avoir envie de se dire les premières fois, j’ai eu une vague de Post-it évoquant le “choix du bâtiment”, référence à un guet-apens où plusieurs mecs attendent leur éventuelle proie. En bon dominant, un jeune a couché sur le papier les ordres qu’il donnerait : “Choisis ton bâtiment et ton étage, retire ton string.”

Des jeunes qui “dépardieusent”

Il y a une forme de jubilation chez certains garçons à transgresser la morale et à donner dans l’escalade du toujours plus sale. Ils font démonstration de leur virilité. On pourrait dire qu’ils “depardieusent”. Les filles, elles, stéréotypes obligent, s’appliquent à répondre correctement à la commande, retranscrivent vraiment ce qu’elles aimeraient entendre.

Le sale n’est pas à bannir s’il est partagé par des personnes consentantes pour s’exciter mutuellement. Mais on ne m’enlèvera pas de l’idée que les propos licencieux sont peu adaptés aux premières relations, celles où on a besoin d’être rassuré·es, respecté·es et surtout protégé·es.

À nous, professionnel·les de l’éducation, d’enrayer la fabrique du Depardieu, d’enrayer l’impunité dont jouissent les dominants violents. Faut-il encore que celui qui pense que “Depardieu rend fière la France” nous en donne les moyens !

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