nikola johnny mirkovic nBD3KFnUm5M unsplash
© Nikola Johnny Mirkovic / Unsplash

César : #MeToo du ciné­ma fran­çais, où sont les hommes ?

Pas un seul acteur n’a fait entendre sa voix depuis le début du #MeToo du cinéma français. Mais que nous raconte ce silence ? Et faut-il le trouver suspect ?

C’est une cérémonie historique qui devrait se tenir ce soir à L’Olympia. Probablement malaisante, violente, par endroits. Mais nécessaire. Absolument nécessaire. Judith Godrèche – même si l’actrice continue de maintenir le flou autour de sa venue – devrait prendre la parole. Et dire leur vérité à ses pairs. Les yeux dans les yeux. La fameuse, “grande famille” du cinéma, sera bien obligée de l’écouter. Et peut-être même de l’entendre. Il faut féliciter l’Académie des César (avait-elle vraiment le choix en même temps ?) d’affronter ses démons. Après une belle phase de déni en 2020, voyant Polanski récompensé et Adèle Haenel quitter la salle, le cinéma français se confronte enfin à sa sinistre conscience. Voire à son inconscient.

La métaphore psychanalytique a tout lieu d’être ici, tant – on l’espère en tout cas – ce grand rendez-vous risque de prendre des allures de thérapie familiale. Car oui, ces dernières semaines, il est devenu de plus en plus indéniable que la fameuse “grande famille” du cinéma a tout à voir avec la Familia grande, décrite par Camille Kouchner : dysfonctionnelle, abusive, incestueuse.

Mais dans ce travail thérapeutique, les femmes parlent, font front ensemble comme des sœurs, prennent pour elles la charge émotionnelle. Celle de mettre les dossiers sur la table. Classic shit. Les grands-pères abusifs tombent de leur chaise, nient en bloc, crient à la diffamation. Aveuglés. Mais les grands absents du cercle de parole restent les frères, les pères, les hommes. Ceux qui, a priori, ne sont pas pénalement répréhensibles.

Depuis des semaines, Anna Mouglalis, Isild Le Besco et tant d’autres comédiennes ont dit “Moi aussi”. Ou simplement : “On te croit”. Pas un seul acteur n’a fait entendre sa voix. Pas un. Bien sûr, on ne leur demande pas de parler à la place des femmes. Sans doute pourront-ils se cacher derrière cet argument qui permet de s’en sortir dignement. Mais en l’occurrence, de se positionner en allié. Dire eux aussi “on vous croit”, “on est avec vous”, “on ne cautionne pas ce système mortifère”, aurait été plus que bienvenu. Mais à ce stade, le silence des acteurs est assourdissant. Certains, ce soir, auront-ils le courage de se positionner ? On le souhaite ardemment, car, comme toujours, le combat ne se remporte jamais sans la partie adverse.

Mais que nous raconte ce silence ? Et faut-il le trouver suspect ? Signifie-t-il que tant d’hommes de la “grande famille” auraient eux-mêmes des choses à se reprocher ? Et se gardent bien de la ramener au risque de tomber un jour ? C’est bien ce qui inquiète. Y a-t-il si peu d’irréprochables en position de soutenir les femmes sans sourciller. Droits dans leurs bottes ? On espère se tromper. On espère surtout que ce soir, les femmes ne seront pas les seules à mener la thérapie. Et que les hommes prendront le bâton de parole.

Partager
Articles liés

Inverted wid­get

Turn on the "Inverted back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.

Accent wid­get

Turn on the "Accent back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.