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Capture d'écran du compte Instagram @Cestquoicetteinsulte avec le présentoir Coup de cœur dédié à l'œuvre de Bastien Vivès.

Une Fnac pari­sienne place "La Décharge men­tale" de Bastien Vivès en tête de gon­dole avant de rétro­pé­da­ler face aux critiques

La bande dessinée, au cœur d'une enquête judiciaire pour diffusion d'images pédopornographiques, a été labellisée « coup de cœur » de la Fnac de Montparnasse dans le cadre du mois de la bd.

« J'oscille entre le mince espoir que la personne qui a mis ce présentoir en place n'a pas vraiment percuté ce qu'elle faisait et la pensée terrifiante que ça a été fait en connaissance de cause, dans le cadre d'un coup mercantile assumé. » Laetitia Abad-Estieu, autrice et activiste féministe, n'en revient toujours pas. Samedi dernier, une abonnée de son compte Instagram engagé @Cestquoicetteinsulte, suivi par 45 000 personnes, lui envoie une photo prise au rayon bande dessinée de la Fnac du quartier Montparnasse à Paris. Cela fait en effet plusieurs semaines que Laetitia Abad-Estieu - dont le compte décrypte habituellement le sens oublié des insultes que nous utilisons sans réfléchir - informe son public sur « l'affaire Vivès ». Sur le cliché, une colonne promotionnelle qui, dans le cadre du mois de la bd attribue un « coup de cœur » à plusieurs ouvrages de Bastien Vivès, dont La Décharge mentale.

La bande dessinée et deux autres titres de l'auteur - Petit Paul et Les Melons de la colère - font l'objet depuis décembre de deux plaintes d'associations de lutte conte les violences sexuelles faites aux enfants, Innocence en danger et Fondation pour l'enfance pour « diffusion d’images pédopornographiques », « incitation à la commission d’agressions sexuelles sur mineurs » et « diffusion à un mineur de messages violents ». Innocence en danger justifie sa plainte en décrivant des ouvrages « dans lesquelles des mineurs sont représentés tant dans le cadre d'activités sexuelles avec des majeurs qu'exhibant leurs parties intimes ». Début janvier, le parquet de Paris ouvre une enquête préliminaire visant le bédéaste de 38 ans, ainsi que les maisons d’édition Glénat et Les Requins Marteaux pour « diffusion d’images pédopornographiques ».

Lire l Le bédéaste Bastien Vivès visé par une enquête pour diffusion d’images pédopornographiques

Écœurée par la promotion en tête de gondole de La Décharge mentale, Laetitia Abad-Estieu publie la photo envoyée par son abonnée en story de son compte. Très vite, explique-t-elle à Causette, la militante reçoit des messages d'autres internautes : les présentoirs promotionnels spécial Bastien Vivès ont été vus, assurent-ils et elles, dans les Fnac de Belfort, Metz, Cour Saint-Emilion à Paris... Sans que Laetitia Abad-Estieu puisse préciser si les trois bandes dessinées sous le coup d'une enquête judiciaire faisaient partie des mises en avant.

Silence tout azimut de la Fnac

L'initiative interroge Arnaud Gallais, militant associatif contre les violences faites aux femmes et aux enfants et membre de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) : « Quel est le message envoyé par la Fnac ? » Le fondateur de l'association BeBrave France, qui lutte contre les violences sexuelles faites aux enfants et qui est à l'origine de la pétition demandant l'annulation de l'exposition Vivès au Festival d'Angoulême, a envoyé, dimanche 5 février, un courrier au PDG du groupe Darty Fnac, Enrique Martinez. Dedans, il demande à ce que soit retiré le label « coup de cœur » à la bande dessinée Décharge mentale. « Ce coup de cœur est pour nous [associations de lutte contre les violences sexuelles faites aux mineur·es, ndlr] insupportable au regard de ce que ces dessins représentent et de l’émoi suscité par ces derniers », écrit-il. Il n'a pas obtenu de réponse, pas plus que Laetitia Abad-Estieu et d'autres, qui ont interpelé la Fnac sur les réseaux sociaux.

Causette non plus, bien que nous ayons contacté à maintes reprises cette semaine le service de presse du groupe. Car si, dès le lundi, des abonné·es du compte @Cestquoicetteinsulte ont pu vérifier que le présentoir promouvant l'œuvre de Bastien Vivès avait disparu de la Fnac Montparnasse, des questions demeurent : mettre en avant cet auteur à ce moment était-il une consigne de la direction du groupe ou une initiative de plusieurs magasins, qui auraient eu la même idée simultanément ? Le fait qu'au moins l'un de ces présentoirs contienne la controversée Décharge mentale était-il une erreur ou un geste assumé ?

Sur l'hypothèse de l'erreur, Laetitia Abad-Estieu est dubitative : « Ça semble tout de même impossible que cette personne, responsable en librairie, n'ait pas lu les BD en question… Ou ne les ait au moins ouvert ! » De son côté, Arnaud Gallais se désole d'une initiative faite « pour surfer sur la vague médiatique et donc pour faire du fric » qui, en tant que victime de pédocriminalité, est « une manière de [lui] cracher au visage ».

Lire aussi l À Angoulême, l'ombre de « l'affaire Vivès » a pla­né sur le FIBD

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